Bruno Colmant
La crédibilité monétaire
La crédibilité monétaire ne peut pas exclusivement découler d’un acte d’autorité. La monnaie doit s’adosser à un référent qui excède ce qu’il garantit. Il faut donc un surplus de la qualité de la confiance sur la quantité de monnaie. De nos jours, l’attribut de confiance est fourni par les banques centrales, c’est-à-dire les instituts d’émission.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il est communément admis que la monnaie d’Etat fut inventée par le roi de Lydie au VIIe siècle avant Jésus-Christ, car ce dernier aurait créé des pièces de même forme et de même poids. Et c’est à Mycènes, en 75 avant Jésus-Christ, que les Grecs indiquèrent avec un poinçon le poids des lingots de métal utilisés pour les échanges.
Le monopole d’extraction et de frappe métallique, correspondant au droit régalien de battre de monnaie, fut la première expression de l’adhésion et de la crédibilité monétaire. La monnaie a alors progressivement, et d’abord de manière coutumière par l’effigie imprimée sur des pièces, acquis un primitif cours légal, c’est-à-dire que les autorités firent obligation aux créanciers de devoir accepter cette monnaie en règlement de leurs créances dans un espace géographique et temporel délimité. La légitimité sociale de la monnaie découle de ce droit régalien et du cours légal.
Cette évolution ramène à quelques anecdotes historiques, dont l’existence des cannelures sur les pièces de monnaie. Au XVIIe siècle, les pièces de monnaie en métaux précieux étaient souvent rognées pour en extraire quelques grammes, au point d’en devenir de forme ellipsoïdale, à une époque où la contrefaçon était punie par l’écartèlement. En Angleterre, Isaac Newton (1642 -1727), alors gardien de la monnaie en 1696, ajouta sur la tranche des pièces des rainures ou cannelures. Si la pièce n’avait plus de sillons, c’est qu’elle avait été râpée : elle n’est alors plus considérée comme de la monnaie valide. Friedrich Hayek mentionne, dans son essai “Pour une vraie concurrence des monnaies” de 1976, que Marco Polo avait relaté que la loi chinoise condamnait de mort au XIIIe siècle le refus des monnaies papier impériales. En France, le rejet des assignats comme moyen de paiement pouvait être sanctionné par une peine de vingt années de prison.
Progressivement, les monnaies qui possédaient une valeur intrinsèque (or, argent, etc.) qualifiées de monnaie-marchandise furent remplacées par l’expression et la représentation d’une valeur. Dans le cas d’une monnaie fiduciaire (c’est-dire basée sur la confiance, dont l’origine latine est le mot fiducia), soit des pièces (qualifiées aussi de monnaie divisionnaire) et des billets dont la valeur nominale est supérieure à la valeur intrinsèque, le garant est un état de confiance immatériel. Et aujourd’hui, la monnaie est devenue un inconscient collectif qui lui assure crédibilité.
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