KBC pourrait-elle racheter sa rivale néerlandaise ABN Amro ?

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Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

A l’heure où la consolidation du secteur bancaire européen s’accélère, le bancassureur belge est cité comme potentiel acquéreur de sa concurrente néerlandaise. Un scénario réaliste ? Explications.

Simple rumeur ou véritable projet pour KBC ? Le groupe bancaire belge a officiellement démenti les informations relayées par l’agence Bloomberg, selon lesquelles il envisagerait le rachat d’ABN Amro, l’un des l’une des principales banques des Pays-Bas, encore partiellement contrôlée par l’État néerlandais. 

Dans un communiqué diffusé lundi soir, peu après la fermeture des marchés, KBC (CBC en Wallonie) a précisé qu’une telle opération n’était pas à l’ordre du jour, ajoutant que sa seule cible restait l’assureur belge Ethias, dont le nom est régulièrement évoqué dans le cadre d’une vente des participations de l’État belge pour combler le trou budgétaire. “Nous étudions uniquement une éventuelle acquisition d’Ethias”, a confirmé le groupe, reprenant une ligne déjà évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois par son CEO, Johan Thijs.

Des moyens pour grandir

Alors, info ou intox ? Une chose est sûre : à l’image de KBC, les banques de la zone euro ont enregistré d’importants bénéfices ces dernières années, et leurs cours boursiers ont fortement progressé, leur offrant ainsi des ressources solides pour envisager des acquisitions. Par ailleurs, la courbe des taux reste favorable, ce qui soutient leurs revenus et renforce leur capacité à investir ou à se développer.

Enfin, les ambitions européennes en matière de transition énergétique, d’innovation technologique et de renforcement de la défense nécessitent des financements colossaux. Pour soutenir ces investissements et répondre aux enjeux stratégiques du continent, des établissements bancaires de plus grande envergure apparaissent indispensables, capables de mobiliser les capitaux nécessaires et de jouer un rôle central dans la relance économique européenne.

Consolidation européenne

Du coup, la consolidation du secteur bancaire européen bat son plein. Face aux mastodontes américains comme JP Morgan, Goldman Sachs ou Bank of America, les banques européennes cherchent à atteindre une taille critique pour pouvoir rivaliser efficacement avec leurs homologues d’outre-Atlantique, notamment dans l’hypothèse où l’Union européenne de l’épargne et de l’investissement verrait le jour.

Ce faisant, rachats et autres rapprochements se multiplient. Exemple ? BBVA tente de mettre la main Sabadell en Espagne, Monte dei Paschi a pris le contrôle de Mediobanca en Italie, et en Allemagne, la privatisation de Commerzbank a attisé l’appétit d’UniCredit. Aux Pays-Bas, ING a déjà pris une participation dans la banque privée Van Lanschot et son patron Steven van Rijswijk reste à l’affût d’opportunités en Allemagne, France et Espagne. En Belgique, le CEO de Belfius, Marc Raisière, ne cache pas non plus son ambition de se développer à l’international.

Changement d’échelle

Le scénario n’est donc pas dénué de sens. D’autant que le gouvernement néerlandais réduit depuis plusieurs années sa participation dans la banque. Nationalisée en 2008 à la suite de la crise financière, après l’effondrement du groupe Fortis, ABN Amro a été renflouée à hauteur de 22 milliards d’euros. Elle a fait son retour en Bourse en 2015, l’État néerlandais cédant progressivement ses parts. Celui-ci détient encore un peu plus de 30 % du capital, mais a annoncé récemment son intention de ramener sa participation à environ 20 %. 

L’opération présenterait plusieurs opportunités d’autant plus intéressantes qu’il y a peu de chevauchements entre les deux groupes en Belgique. Un marché sur lequel la banque néerlandaise vise surtout le segment porteur des clients fortunés et des entreprises, mais n’est pas présente sur le créneau de la banque de détail, contrairement à KBC. A l’inverse, cela permettrait à KBC d’accéder immédiatement au marché néerlandais de la banque de détail, où ABN Amro occupe une place de choix, tout en y développant des activités d’assurance via un partenariat avec NN. Cela renforcerait également la diversification géographique du groupe en ajoutant un marché stable à son implantation en Belgique et en Europe centrale. Bref, les complémentarites sont évidentes.

Plusieurs obstacles 

Reste que jusqu’ici KBC, qui pèse une quarantaine de milliards en Bourse, privilégie depuis longtemps une croissance ciblée en Europe centrale et orientale, comme en témoigne l’acquisition récente de la banque slovaque 365.bank pour environ 750 millions d’euros. Or ABN Amro, dont la valorisation atteint actuellement près de 22 milliards d’euros, est un gros poisson. Certes, KBC est une banque performante. Mais avaler sa rivale, en plus d’être cher, représenterait un changement d’échelle considérable.

Plausible, le scénario ne va pas de soi. Au changement d’échelle s’ajoutent en effet d’autres obstacles de taille. A commencer par la réglementation, la fiscalité et la supervision qui ne sont pas encore harmonisées au niveau européen, ce qui entraîne de nombreuses différences locales. Tout cela rend difficile pour les banques de réaliser rapidement et facilement des économies d’échelle. De plus, de nombreux pays conservent un réflexe national dès qu’il s’agit des banques et de leurs champions nationaux. A cela s’ajoutent encore les différences culturelles entre notre petite Belgique et son voisin batave. 

Et puis, n’oublions pas non plus qu’ABN Amro a déjà fait l’objet de rumeurs de rachat l’associant à BNP Paribas. Un scénario qui semblait gagner en crédibilité avec la nomination en avril dernier de Marguerite Bérard (ex-BNP Paribas) comme nouvelle CEO de la banque néerlandaise.

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