Certains sites imitent votre banque. La popularité grandissante de l’investissement en Bourse auprès des Belges produit désormais aussi des effets pervers. Les fraudes financières en ligne prennent une ampleur inédite.
Le constat est alarmant : les arnaques financières continuent de se multiplier à un rythme jamais vu. C’est ce que révèle le dernier rapport de la FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers, qui confirme que la fraude en ligne est devenue un véritable fléau économique et social en Belgique.
L’an dernier, la FSMA avait déjà enregistré un record historique avec 17 millions d’euros de pertes déclarées par les particuliers, soit une augmentation de 20% par rapport à 2023. Mais 2025 semble bien partie pour battre ce triste record : en seulement six mois, les pertes estimées atteignent déjà 15 millions d’euros. Si la tendance se maintient, la barre des 30 millions d’euros pourrait être franchie d’ici la fin de l’année, un niveau jamais atteint auparavant.
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En moyenne, les Belges victimes de fraude en ligne ont perdu 37.777 euros, souvent les économies de toute une vie. Côté profil des personnes flouées, environ deux tiers sont des hommes âgés de 50 à 69 ans.
“Ceci s’explique certainement au moins en partie par le fait que cette catégorie de la population dispose généralement de davantage de moyens financiers à investir, situe Mathieu Saudoyer, porte-parole de la FSMA. Mais attention : toutes les couches de la population peuvent être touchées. Les jeunes ne sont pas épargnés, d’autant qu’ils investissent plus souvent dans des actifs non régulés comme les cryptomonnaies, et s’exposent dès lors aussi à un risque de fraude accru”, souligne-t-il.
Plateformes fantômes
Fait nouveau, les escroqueries reposent aujourd’hui de plus en plus souvent sur des plateformes d’investissement qui imitent à la perfection l’identité visuelle et le discours d’institutions financières reconnues comme KBC ou Belfius. “Le nom de Belfius, tout comme celui d’autres acteurs, est usurpé pour gagner la confiance des clients”, nous confirme la banque d’État, qui dit ne pas avoir d’explication particulière quant à l’usage apparemment plus fréquent de sa marque dans ces publicités mensongères, sinon que celle-ci “inspire confiance” et est donc “un bon vecteur pour recruter les victimes”.
Environ 80% des signalements de fraude reçus par la FSMA concernent ce type de plateformes, qui proposent de prétendus investissements dans toutes sortes de produits, allant des cryptomonnaies aux actions ou encore aux ETF. “En réalité, poursuit Mathieu Saudoyer, ce sont des coquilles vides : si vous versez de l’argent sur ces plateformes, il ne sera pas investi, mais il ira directement dans les poches des fraudeurs.”
Selon la FSMA, près de 80% des pertes totales, soit environ 12 millions d’euros pour le seul premier semestre 2025, ont été aspirées par ces fausses plateformes de trading telles que Bolero, promue par KBC. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Car toutes les victimes ne signalent pas les pertes qu’elles ont subies et beaucoup ont tendance à minimiser les montants perdus, souvent en raison d’un sentiment de honte.
Réseaux sociaux et faux experts
Si les outils en ligne facilitent l’accès à l’investissement, ils ouvrent également la porte à des manipulations de plus en plus élaborées. “Des évolutions technologiques et digitales majeures sont intervenues dans tous les domaines de notre société ces dernières années. Les escrocs tentent d’en faire usage pour faire de nouvelles victimes, explique Mathieu Saudoyer. Les réseaux sociaux regorgent par exemple de fausses publicités pour des investissements. On y retrouve aussi de fausses interviews de personnalités, parfois même produites en ayant recours à l’intelligence artificielle sous la forme de vidéos de type deepfake”, détaille-il.
Ce faisant, les escrocs exploitent désormais les sites et applications de rencontre, tels que Tinder, pour approcher leurs victimes. Sous de faux profils, utilisant des identités inventées et des photos volées, ils tissent patiemment une relation de confiance – parfois pendant plusieurs mois – avant de révéler leurs véritables intentions.
Une fois le contact établi, la conversation se déplace souvent vers des messageries comme WhatsApp, où de nombreuses personnes sont invitées à rejoindre de prétendus groupes “exclusifs” dans lesquels des conseils en investissement uniques seraient prodigués. “Ces invitations ne sont souvent que le point de départ d’un stratagème bien monté, visant à proposer des investissements frauduleux ou à récupérer des données confidentielles”, prévient Belfius, qui parle d’une dérive assez inquiétante.
“Qu’il s’agisse de Facebook, Instagram, WhatsApp, ou même d’applications de rencontre telles que Tinder, la plus grande prudence doit en effet être de mise lorsqu’on vous fait miroiter des investissements fructueux en ligne ! Ne vous laissez pas aveugler par des promesses trop belles pour être vraies ! Dites-vous également que les acteurs fiables et enregistrés ne font pas de telles publicités sur le web”, avertit Mathieu Saudoyer.
“Ne vous laissez pas aveugler par des promesses trop belles pour être vraies !” – Mathieu Saudoyer (FSMA)
Repérer les pièges
Face à ces fraudes à l’investissement qui n’ont jamais été aussi nombreuses et sophistiquées, le Centre pour la Cybersécurité en Belgique a lancé une vaste campagne de communication visant à sensibiliser le grand public. De son côté, la FSMA répète ses principaux conseils. Elle rappelle qu’il est essentiel de rester sur ses gardes lorsque l’on est contacté par téléphone, e-mail ou sur les réseaux sociaux par des interlocuteurs inconnus. Avant de faire confiance à un prestataire, elle recommande de faire preuve d’esprit face aux promesses de gains rapides ou aux opportunités soi-disant exceptionnelles. Les miracles, en finance, ça n’existe pas.
“Si l’on vous parle de rendements de l’ordre de 10% ou même plus dans le contexte de marché actuel, il s’agit à coup sûr d’une fraude. Il n’est pas réaliste de garantir de tels rendements sur des produits financiers. Vérifiez attentivement à qui vous avez affaire. Prenez le temps de la réflexion, effectuez une recherche sur Google et contactez la FSMA au moindre doute, avant de verser de l’argent !”, prévient le porte-parole du gendarme des marchés.
Ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier
Ce dernier insiste aussi sur l’importance de ne jamais se laisser mettre sous pression. Les fraudeurs cherchent souvent à créer un sentiment d’urgence pour pousser à agir sans réfléchir. Refusez tout paiement précipité et examinez attentivement chaque proposition avant de prendre une décision. Assurez-vous de bien comprendre le produit ou le service proposé.
Il est aussi recommandé de protéger ses informations personnelles et de ne jamais communiquer ses données d’identité ou bancaires sans raison valable, et sans s’assurer que l’interlocuteur est bien autorisé à les demander.
Et puis, bien sûr, ne mettez jamais tous vos œufs dans le même panier : investir plusieurs milliers d’euros dans un même produit n’est pas une bonne idée.
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