KBC peut se targuer depuis plusieurs années de disposer de la meilleure application bancaire au monde. Son assistante numérique « Kate » joue un rôle essentiel dans ce succès. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Sous l’impulsion de l’IA, beaucoup de choses vont changer de manière radicale, dans les trois à cinq ans à venir, prédit Erik Luts, chief innovation officer du groupe KBC.
À la fin du mois, les bouchons de champagne sauteront chez KBC. L’assistante numérique Kate, un chatbot entièrement intégré dans l’application KBC Mobile, fêtera son cinquième anniversaire. Et comme le bon vin, chaque année, Kate s’améliore. Elle peut déjà répondre de manière autonome à 70 % des questions des clients. Et elle contribue également, directement ou indirectement, à la vente de plus de 400.000 produits et services KBC par an. Selon la banque-assurance, Kate accomplit au niveau du groupe le travail de 356 collaborateurs.
Quelles ont été les principales contributions de Kate au cours des cinq dernières années ?
ERIK LUTS. « Notre app est comme un couteau suisse. Elle comporte de très nombreuses fonctionnalités. Des fonctionnalités que les clients n’utilisent pas toujours. Jusqu’au moment où ils en ont besoin, et alors il est parfois difficile de les retrouver… Cela peut générer une certaine frustration. Or là, il suffit de le demander à Kate. Un bel exemple est la carte verte de l’assurance auto. Ma fille a récemment eu un contrôle de police et m’a appelé : “Papa, où puis-je trouver ma carte verte ?” Elle aurait tout aussi bien pu le demander à Kate.
Kate a considérablement renforcé le confort du client, surtout dans les moments de stress. Vous avez oublié votre code PIN, vous avez perdu votre carte bancaire. Que faut-il faire ? Toutes ces situations, Kate peut aisément les résoudre. Elle facilite aussi la procédure de déclaration d’un sinistre, ou rappelle aux clients qu’ils doivent encore signer ou fournir un document. Kate attire l’attention sur des éléments qui nous soutiennent administrativement, nous et le client. »
Kate présente-t-elle un potentiel commercial suffisant ?
« Durant les trois premières années, Kate n’était pas encore totalement prête pour cela. Ce n’est que ces deux dernières années que les choses ont vraiment démarré. Aujourd’hui, Kate peut déjà bien saisir les opportunités. Un exemple : lorsqu’une personne a remboursé son prêt, Kate proposera immédiatement une solution d’investissement. Le client n’est bien évidemment pas obligé d’accepter, mais le message de Kate constitue souvent un déclencheur. Si la personne est ensuite contactée par le bureau ou par KBC Live, elle est plus réceptive. »
« Je ne vois pas encore, pour l’instant, un avenir où une banque deviendrait une usine logicielle remplie d’agents d’IA bafouillants. » – Erik Luts, chief innovation officer, KBC Group
Quelle est l’importance de Kate pour soutenir vos propres collaborateurs ?
« Environ 9 % des crédits hypothécaires KBC sont entièrement conclus de manière digitale. Cela signifie moins de travail administratif pour les employés, ce qui leur laisse plus de temps pour le travail commercial. Rédiger des rapports, lire des documents : avec un copilote comme Kate4Employees, nous réalisons un important gain de temps. Nous observons d’ailleurs de plus en plus de possibilités pour l’intelligence artificielle (IA), ce qui permettra d’automatiser certaines tâches. Nous réalisons de grands gains de productivité, mais en même temps, nous devons aussi appuyer quelque peu sur le frein. »
Pourquoi ?
« L’IA connaît un énorme engouement, mais nous devons garder à l’esprit qu’elle ne résoudra pas tout, et ne prendra pas tout en charge. Le secteur financier est fortement réglementé, et la législation européenne sur l’IA est assez contraignante. Toutes les applications d’IA doivent être largement documentées, vérifiées et expliquées. Une partie du gain de productivité disparaît donc dans ces tâches annexes qui n’existaient pas auparavant. Je veux éviter que l’entreprise ne s’appuie trop sur des applications d’IA qui, au final, ne seraient plus maîtrisables. Nous sommes très prudents à cet égard. »
Travaillez-vous avec des agents IA ?
« Nous expérimentons, mais avec prudence. Nous en attendons beaucoup, mais nous ne voulons pas créer le chaos. Combiner un agent IA, qui réagit à des prompts, avec des traitements programmés sur base d’instructions, n’est pas si simple. En tant que banque, nous ne pouvons pas dire à notre régulateur : ce modèle a décidé cela. Ce n’est pas possible. Je ne vois pas encore une situation où une banque se transforme en une usine logicielle avec une série d’agents d’IA bafouillants. »
Où attendez-vous une contribution positive des modèles d’IA ?
« Je pense que l’IA aura surtout un impact sur les analyses de risques dans le secteur financier. La technologie permettra de meilleures estimations pour constituer des provisions. Dans l’investissement et la gestion de patrimoine, on observe également des évolutions rapides. Je pense qu’il y a un rôle pour l’IA dans la réalisation de pré-analyses, permettant à nos analystes d’évaluer plus rapidement un fonds d’investissement. Nous avons construit notre propre conseiller IA, qui gère un petit fonds d’investissement. »
Et comment performe ce conseiller IA ?
LUTS. « Parfois mieux, parfois moins bien que les autres fonds. Un avantage est que l’IA est moins influençable. Les gens laissent intervenir plus rapidement leur côté émotionnel. L’IA est assez « sèche » dans ses analyses et évaluations. Ce qui est fascinant, c’est qu’elle peut fonctionner de manière autonome et que la vitesse constitue un facteur de gain important. »
« Si nous nous engagions avec de grands partenaires industriels en IA, nous ferions un pas en arrière. » – Erik Luts, chief innovation officer, KBC Group
Placez-vous des filtres sur l’utilisation de l’IA ?
« Certaines choses sont protégées, comme notre acceptation en matière de crédits et d’assurances. KBC se débrouille très bien dans ce domaine. Nous ne laissons pas cette politique être déterminée par un modèle standard, et nous n’autorisons pas non plus un modèle à apprendre de notre approche. Kate travaille pour une institution financière, et certaines choses ne sont donc pas autorisées. Elle ne peut pas donner de conseils sur des actions. Elle ne peut pas non plus faire de déclarations inappropriées. »
Y a-t-il eu récemment des changements concernant Kate ?
« Nous venons de réaliser une mise à jour technologique qui permet à Kate de fonctionner entièrement sur le « large language model GPT 4.1 ». Mais Nous n’avons pas conclu d’accord stratégique avec OpenAI, nous utilisons son modèle comme une sorte de matière première. Nous avons longuement discuté avec plusieurs acteurs du secteur logiciel et technologie, et nous en sommes arrivés à la conclusion qu’ils ne pouvaient pas encore offrir ce dont nous avions besoin. Kate peut effectuer des tâches que beaucoup d’autres assistants numériques ne peuvent pas : exécuter des transactions. Si nous nous engagions avec de grands partenaires industriels en IA, nous ferions un pas en arrière. »
Pourquoi ce passage au modèle linguistique d’OpenAI était-il nécessaire ?
« Après la percée de ChatGPT, les clients sont devenus plus critiques envers les capacités de Kate. Un manque d’empathie avait été ressenti, et certaines questions ne recevaient pas les bonnes réponses. La satisfaction des clients était donc légèrement en baisse. Grâce à notre intervention, nous l’avons ramenée à un bon niveau. Kate peut désormais réagir plus adéquatement aux questions des clients. Il y a trois ans, les réponses étaient encore un peu maladroites et parfois à côté de la plaque. Le langage s’est assoupli. Il y a davantage d’empathie. »
Quelle sera la prochaine étape ?
« Dans une prochaine phase, nous pourrons combiner les questions avec les données personnelles des clients. Kate ne pourra pas seulement répondre : “Quel est le rendement d’un compte à terme ?”, mais aussi : “Quel est le rendement de mon compte à terme ?”. Nous pourrons indiquer quel est le solde de votre compte, combien vous avez gagné aujourd’hui, ou combien d’intérêts votre livret d’épargne a générés. »
Les clients ne considéreront-ils pas cela comme une atteinte à leur vie privée ?
« Aujourd’hui déjà, l’app affiche des données personnelles des clients, mais Kate permettra de répondre plus directement et plus précisément. Pour les actions commerciales, les règles RGPD s’appliquent ainsi que les souhaits du client. Nous avons maintenant développé une sorte de moteur qui doit évaluer la meilleure manière d’approcher les clients avec des propositions commerciales. Chaque client est différent. Certains préfèrent être contactés par mail, d’autres par quelqu’un du bureau, certains ne veulent aucun message. Tout cela est très bien. Ce moteur décidera si nous faisons une proposition à un client et si oui, par quel canal. Et nous apprenons des résultats, ce qui nous permettra à terme de comprendre les sensibilités de chaque client. »
Alors que beaucoup de banques se limitent aux simples transactions financières, on peut aussi acheter des tickets de train ou de cinéma via l’app de KBC. Voulez-vous poursuivre dans cette voie ?
« Nous croyons à ce service élargi, tant qu’il existe un lien avec nos produits bancaires ou d’assurance. C’est pourquoi nous avons des projets pour développer davantage de fonctions de conseil dans l’app, par exemple pour le logement et la mobilité. Si vous recherchez une maison ou une voiture d’occasion, KBC pourra vous aider. Pensez à un large conseil, piloté par l’IA, sur l’efficacité énergétique ou la rénovation d’une habitation. Nous pouvons combiner cela avec une offre de prêt et/ou une assurance, permettant au client d’avoir immédiatement une vue sur le coût total et les options de financement. »
« Pour KBC, il est essentiel de préserver le contact et la relation avec le client. » – Erik Luts, chief innovation officer, KBC Group
Certains banquiers affirment que la bataille digitale est terminée. Peu de nouveautés seraient encore possibles.
« Si l’on parle de fonctionnalités dans l’app, je peux comprendre cette idée. On ne peut pas ajouter des choses indéfiniment. Mais si on regarde ce qui est sur le point d’advenir autour de l’IA, je pense que beaucoup de choses vont changer de manière radicale. Les gens s’attendront à ce que leurs prestataires de services résolvent leurs problèmes dans un contexte plus large. J’ai par exemple raté la subvention pour une batterie domestique, car je ne l’avais pas demandée à temps. Eh bien, à l’avenir, j’attendrai que Kate me le signale. Cela aurait une valeur pour moi : un assistant numérique qui m’indique ce que je peux faire et à quoi je dois faire attention. Les gens vont attendre cela de plus en plus, précisément parce que l’IA le rend possible. »
Mais est-ce le rôle d’une banque ?
« À première vue, on pourrait dire que non. Mais alors, il faut tenir compte du fait que d’autres acteurs le feront, et vous serez alors relégué à l’arrière-plan en tant que banque. Si par exemple quelqu’un organise tout pour vous lors de l’achat de votre maison — du notaire à tous les certificats nécessaires — allez-vous sortir de ce processus simplement parce que vous voulez absolument un crédit chez KBC ? Je ne pense pas. C’est pourquoi il est essentiel pour KBC de maintenir le contact et la relation avec le client. Si nous voulons protéger nos produits de crédit et d’assurance, nous devons offrir un service plus large. Personne ne rêve d’un crédit hypothécaire, mais les gens rêvent d’une maison. Et nous devons donc nous inscrire dans ce parcours. Notre partenariat avec Immoscoop en est un bel exemple. »
À quoi ressemblera Kate lorsqu’elle fêtera son dixième anniversaire en 2030 ?
« Je pense que Kate sera alors une assistante qui me chuchotera constamment des choses à l’oreille — au sens figuré, bien sûr. Des éléments qui me concernent financièrement et qui me profitent. Et grâce à l’IA, cela deviendra possible, sans devoir investir massivement dans le développement des connaissances. Un bon conseil financier, mais dans un contexte très large. Les choses vraiment importantes de la vie : protéger sa famille, faire croître son patrimoine, acheter une maison. Si nous n’y parvenons pas, nous perdrons des clients. »
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