Jean-Paul Servais (FSMA): “Où sont les projets pour investir dans l’économie européenne? Je les attends”

Jean-Paul Servais, président de la FSMA © belgaimage
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le Président de la FSMA Jean-Paul Servais tance l’industrie financière : c’est à vous de venir avec des projets européens à financer !

On entend de plus en plus les économistes ou de responsables européens s’inquiéter de ce paradoxe :  l’épargne européenne est relativement abondante, mais elle ne va pas s’investir nécessairement en Europe. Elle va plutôt chercher les opportunités que leur offre, par exemple, le Nasdaq en investissant dans des ETF (Echange traded funds), ces fonds cotés en bourse qui permettent d’investir facilement dans, par exemple, les valeurs technologiques américaines.

 En marge de la présentation du rapport annuel de la FSMA qui montre que les investisseurs belges tentés par les ETF se font plus nombreux, le président de notre gendarme des marchés, Jean-Paul Servais, a voulu apporter sa voix au débat en délivrant deux messages. Le premier est : si vous investissez en ETF, vous n’investissez pas en Europe. Le second est que c’est à l’industrie financière européenne d’être à bord pour proposer des projets d’investissement européens.

Les anciens piliers de la prospérité européenne

« Les jeunes investissent de plus en plus souvent dans des ETF et se tournent davantage vers l’international, constate Jean-Paul Servais. C’est leur monde. Leur monde est devenu global. Les vidéos qu’ils regardent, ce ne sont pas nécessairement de la chanson belge ou française. Et la vie professionnelle, la vie financière n’est pas différente de la vie privée. Si vous avez un réflexe pavlovien de regarder ce qui se passe aux États Unis, pourquoi pas? « 

« Mais, ajoute-t-il, il y a quand même une conclusion politiquement incorrecte que je veux tirer. On parle beaucoup ces derniers temps au niveau européen et à juste titre, des mesures à prendre pour assurer la prospérité européenne. Mario Draghi nous dit, voilà les piliers sur lesquels reposait la prospérité européenne. Une économie pas chère, ce qui signifiait le gaz russe, des biens de consommation venant de Chine, ce n’est plus le cas. Et en parallèle, les autorités américaines se font de plus en plus insistantes pour que les Européens se prennent en main pour assurer leur coût de la défense ».

Où sont les projets d’investissement ?

Le président de la FSMA poursuit : « nous avons beaucoup de débats,- mais on constate souvent que ça ne concerne les hommes et femmes politiques et que le secteur privé n’est pas là -sur les projets d’investissement. Où sont les projets pour investir dans l’économie européenne ? Je les attends. C’est un message très fort que je veux faire passer au secteur financier : c’est à vous de venir avec des projets à financer.

Et j’en tire une conclusion sous l’angle de la promotion des ETF. Je suis toujours étonné de voir dans les nombreux colloques et conférences que certaines personnes disent : « vive les ETF » et « vive l’investissement dans l’union des marchés des capitaux », c’est à dire vive l’investissement dans des projets européens ».

Pour Jean-Paul Servais, c’est contradictoire,  on ne peut pas supporter les deux en même temps. « Il y a même une erreur de construction du raisonnement. Si vous investissez dans les ETF, vous n’investissez pas en Europe, vous investissez dans des produits ETF qui n’ont que comme financement des projets portés sur le Nasdaq, sur Wall Street ou en tout cas certainement en dehors de l’Europe.  Nous sommes une économie ouverte, C’est très bien si c’est votre choix. »

Le privé, acteur décisif

«  Je souligne ce point parce qu’il n’y a aucun ETF de droit belge, observe encore Jean-Paul Servais. Aucun ETF ne fait l’objet d’un contrôle par la FSMA. Et de manière plus générale, il n’y a pas d’acteurs qui investit ou qui propose des ETF avec comme sous-jacent des investissements non seulement dans la petite Belgique, mais aussi dans toute l’Union européenne. Donc, dire à la fois que oui, on veut investir dans des ETF et que oui, on veut investir dans le financement de l’Europe, c’est faux. Quand on investit dans des ETF, c’est pour des très beaux projets, sans doute, mais des projets qui ne sont pas situés au sein de l’Union. Il faut le savoir et c’est un débat que je porte particulièrement, car il faut développer des projets européens à grande échelle, au niveau transfrontalier ».

« L’industrie financière européenne, que ce soit les asset managers, les banques, les entreprises d’assurance, les fonds de pension, doit être à bord pour proposer des investissements. Sans elle, il n’y aura pas de consommateurs, il n’y aura pas d’investisseurs et il n’y aura pas de possibilité d’actions. Ce n’est pas Madame von der Leyen, ce ne sont pas les autorités européennes qui vont être décisives dans cet aspect. Ce sont les acteurs du secteur privé », conclut-il.

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