Gilles Moëc (Axa) : “La désinflation aura un coût”
Economiste en chef d’Axa, Gilles Moëc voit l’inflation se tasser en 2023. Mais au prix d’un ralentissement conjoint aux Etats-Unis et en Europe, ainsi qu’un hiver 2023-2024 qui pourrait être plus dur que celui qui arrive.
Chef économiste du groupe Axa, Gilles Moëc était dernièrement de passage à Bruxelles pour livrer ses prévisions économiques à une poignée de journalistes belges. Des prévisions pour le millésime à venir qu’il qualifie d’emblée d’année “miroir” par rapport à 2022. Miroir parce que, selon lui, l’image sera totalement renversée. “En 2022, nous avons pris la mesure de l’ampleur et de la persistance du choc inflationniste, lequel ne s’est pas traduit par un ralentissement économique. En 2023, ce sera l’inverse.” En clair, “la désinflation, dont les ingrédients sont là, aura un coût”, avance-t-il.
Ralentissement US
Ce coût, d’après Gilles Moëc, c’est celui d’un ralentissement conjoint de la conjoncture aussi bien aux Etats-Unis que dans la zone euro. “Plusieurs signaux indiquent que l’inflation est en train de ralentir, certainement aux Etats-Unis, dit-il. Depuis septembre, les délais de livraisons se sont normalisés. A côté de cela, les Américains profitent du dollar fort, de sorte que les prix des produits importés (hors énergie) progressent moins vite. Le marché de l’emploi commence à ralentir. Les prix de l’immobilier semblent se tasser également sous l’effet de la hausse des taux. Et les Etats-Unis bénéficient en plus de leur indépendance énergétique. Quant aux entreprises revoient à la baisse leurs programmes d’investissement et se concentrant sur la reconstitution de leur cash-flow.” De quoi pour Gilles Moëc voir l’économie US ralentir entre le premier et le troisième trimestre 2023.
Europe : gaz, gaz, gaz…
En Europe, c’est surtout la dégradation de la confiance des ménages et des entreprises qui semble calmer pour le moment l’inflation. Cette dernière d’ailleurs devrait retomber à 2,5 % d’ici la fin 2023, selon Gilles Moëc. Mais attention, dit-il, car la situation est plus incertaine qu’aux Etats-Unis. “Nous restons en Europe avec un problème de dépendance énergétique. Nous sommes tous obnubilés par les difficultés à passer cet hiver l’hiver qui arrive, mais on parle trop peu de l’hiver 2023-2024. Certes, les Italiens ont réussi à résoudre leur approvisionnement en gaz via un deal de dernière minute avec l’Algérie et nous disposons de capacités d’accueil de LNG américain que nous n’avions pas l’année dernière. Mais les capacités de production américaines sont elles-mêmes sous contrainte. Donc attention, un accident supplémentaire du côté du coût de l’énergie n’est pas exclure, et singulièrement du côté du coût du gaz dans la deuxième partie de 2023.”
Par ailleurs, souligne l’économiste du groupe d’assurance français, une grande partie de la désinflation américaine provient de l’appréciation du dollar. “Nous, en Europe, nous avons l’effet inverse, une dépréciation assez forte de l’euro. Si bien que nous aurons en 2023, les effets retardés de cette inflation importée. Donc, oui, les ingrédients de la désinflation sont là. Mais le degré de confiance que l’on peut avoir dans cette désinflation est plus avéré aux Etats-Unis que dans la zone euro.”
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