Gestion de fortune: que devient Puilaetco?

Ludivine Pilate, CEO de Puilaetco "L'objectif est que la barre du million d'euros à investir devienne la base de travail pour pouvoir déployer les services que nous proposons." © PG - F. Debatty
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Après plusieurs années de transformation, la banque privée nourrit de nouvelles ambitions. Objectif: refaire partie du top 3 des “pure players” de la gestion de fortune en Belgique.

C’est une page de sa longue histoire que s’apprête à tourner Puilaetco. Au printemps prochain, à la fin du mois de mai, la banque privée quittera en effet ses bureaux de l’avenue Herrmann- Debroux. Elle s’installera alors au numéro 25 du boulevard du Souverain, dans les murs de l’ancien siège de la Royale Belge, entièrement rénové. Un bâtiment à l’image plus moderne que veut se donner la maison. Une image plus dynamique qui passe aussi par un réseau complètement relooké et relocalisé de six agences régionales (quatre en Flandre et deux en Wallonie, en plus du siège bruxellois). De Liège à Waregem en passant par Anvers, Laethem-Saint-Martin, Hasselt et Namur, les clients sont désormais accueillis dans des espaces plus au goût du jour et plus faciles d’accès.

Soucieuse d’attirer une clientèle plus jeune, la maison tente aujourd’hui d’approcher les cadres supérieurs et les entrepreneurs.

Rebranding

Cette image rafraîchie ne tombe pas du ciel. Totalisant aujourd’hui environ 10.000 clients pour une dizaine milliards d’euros d’actifs sous gestion, la maison a en effet connu quelques années chargées – certains diront difficiles – depuis son rachat par le groupe de banque privée qatari Quintet Private Bank basé à Luxembourg, lequel est également actif dans cinq autres pays européens (Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Allemagne et Belgique).

Signe le plus visible de cette intégration pour l’entité belge: un rebranding qui s’est traduit par la disparition du second nom (Dewaay) dans son appellation pour arborer simplement celui de Puilaetco (souligné de la mention A Quintet Private Bank). Coïncidence ou pas, il y a aussi eu des défections. Plusieurs gestionnaires de fonds ont quitté la banque ainsi que son très médiatique spécialiste des marchés Frank Vranken, qui a rejoint le groupe Edmond de Rothschild. Enfin, la maison a sensiblement reculé au classement des banques privées belges et indépendantes en termes d’actifs sous gestion. Derrière les leaders du marché que sont aujourd’hui Degroof Petercam et Delen, elle a cédé sa troisième place à la filiale de banque privée du groupe néerlandais ABN Amro. Bref, la CEO Ludivine Pilate le concède: “Il y a eu effectivement pas mal de changements ces trois dernières années. Non seulement le nom et l’identité visuelle ont changé mais nous avons aussi fait évoluer notre offre et opté pour une segmentation plus claire de la clientèle. La banque a été complètement repositionnée”.

Repères

  • 1868, année de fondation de Puilaetco
  • 180 employés
  • 6 agences régionales
  • 10.000 clients
  • 10 milliards de fonds sous gestion (à la fin 2021)

Nouvelle cible

Soucieuse d’attirer une clientèle plus jeune, au-delà de sa clientèle historique des familles fortunées plutôt francophones, la maison tente aujourd’hui d’approcher les cadres supérieurs et les entrepreneurs. Un segment en croissance, surtout au nord du pays. Mais soumis à une rude concurrence. C’est le créneau que visent toutes les banques privées actuellement. Néanmoins, assure Ludivine Pilate, “notre bureau de Waregem, par exemple, a atteint une belle taille critique au sein de cette clientèle qui dispose d’un patrimoine privé à côté de son entreprise”.

Face à la concurrence des grandes banques qui mettent le paquet pour croître dans le métier porteur et rémunérateur de banquier privé, face à la réglementation de plus en plus lourde et aux investissements en informatique qui pèsent sur les résultats, la succursale ne profite donc pas uniquement des économies de coûts apportées par sa maison mère luxembourgeoise. Sur le plan commercial aussi, elle tirerait profit de son appartenance à un groupe dont l’actionnaire (Precision Capital) représente les intérêts privés de certains membres de la famille Al Thani du Qatar. “Avant son intégration au sein du groupe Quintet, Puilaetco était fort perçue comme une banque locale. Aujourd’hui, grâce à Quintet, nous pouvons aussi servir des clients beaucoup plus internationaux et sophistiqués.” D’où aussi un ticket d’entrée revu à la hausse? “Avant, nous acceptions d’ouvrir une relation commerciale avec les clients qui disposaient de moins de 500.000 euros à investir si leur patrimoine faisait preuve d’un potentiel de croissance à long terme, rappelle Ludivine Pilate. C’est moins le cas aujourd’hui. L’objectif est que la barre du million d’euros à investir devienne la base de travail pour pouvoir déployer les services que nous proposons.”

Partenariat digital

Dans ce contexte, Puilaetco s’est dernièrement associée à la fintech belge Abbove, devenant ainsi la première banque privée belge indépendante à intégrer dans son offre la solution de la plateforme de gestion patrimoniale. “En tant que banque privée, notre rôle ne se limite pas à être un asset manager et à proposer des produits d’investissement, confirme la CEO. Il s’agit aussi de mobiliser tous les moyens nécessaires pour accompagner le client dans la gestion transversale de ses avoirs.” Avec le “Richer Life Plan”, le client dispose désormais d’une vue holistique de son patrimoine, qui va bien au-delà des avoirs qu’il possède auprès de la banque: il peut également y inclure des biens immobiliers, une éventuelle collection d’oeuvres d’art, du private equity, un patrimoine de société, des portefeuilles détenus auprès d’autres institutions financières, des contrats d’assurances, etc.”

L’outil se veut aussi une aide pour les gestionnaires de la banque. “Grâce aux différentes fonctionnalités, il est possible de simuler de multiples scénarios de futurs flux de trésorerie ou de transmission du patrimoine aux générations suivantes en fonction de nombreux facteurs personnalisables tels que des objectifs financiers, des moments de vie (mariage, décès, départ à la retraite, vente de société, etc.), des donations passées et futures, etc.” Détail qui a son importance: si le service est gratuit pour les clients qui disposent d’un million d’euros, il est payant pour ceux qui sont en dessous de cette somme.

Réintégrer le trio de tête

Côté rentabilité justement, Ludivine Pilate assure que les efforts entrepris ces dernières années portent leurs fruits et que la banque se porte mieux: “L’année 2021 a été particulièrement fructueuse. Tout en gardant les coûts sous contrôle, nous avons réussi à augmenter considérablement notre portefeuille de crédits et à attirer de nouveaux clients”. Faut-il dès lors conclure que le scénario d’une revente de l’entité belge appartient désormais au passé? “Certes, l’environnement est compliqué, reconnaît la CEO. Les grandes banques investissent beaucoup dans le private banking, mais le marché est suffisamment grand pour permettre à tout le monde de grandir. Et puis, notre offre en termes de pricing est assez compétitive. Bref, nous avons maintenant les bonnes bases pour atteindre la barre des 15 milliards d’euros d’actifs sous gestion.” Et Ludivine Pilate d’ajouter en guise de conclusion: “Notre ambition est clairement de refaire partie du top 3 des pure players de la gestion de fortune en Belgique“. Un objectif réaliste? L’avenir le dira.

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