Face à un euro fort, la BCE prête à agir
La reprise économique en zone euro va prendre du temps et l’euro fort pourrait finir par forcer la Banque centrale européenne à intervenir s’il pèse trop sur les perspectives d’inflation, a déclaré Isabel Schnabel, membre de son directoire, dans un entretien avec l’AFP.
L’institution est prête à agir si les données économiques à venir “ne correspondent pas à (son) objectif d’inflation”, affirme l’Allemande, qui a rejoint en janvier la BCE, où elle s’emploie depuis à faire de la pédagogie auprès du public allemand qui l’accuse de spolier les épargnants avec ses taux très bas.
Alors que l’appréciation actuelle de l’euro est considérée comme un facteur de ralentissement de l’inflation, la BCE déclare qu’il ne faut pas faire preuve de complaisance dans la quête de l’objectif de stabilité des prix. Des interventions verbales suffiront-elles pour empêcher la poursuite de ce mouvement?
Nous ne ciblons pas de taux de change. Nous adaptons nos politiques en fonction des perspectives d’inflation à moyen terme.
Lors de la dernière réunion du Conseil des gouverneurs, une situation d’incertitude exceptionnelle continuait de prévaloir. Comme la présidente Christine Lagarde l’a expliqué pendant la conférence de presse, le Conseil des gouverneurs a estimé qu’il avait besoin de plus d’informations sur l’évolution de la pandémie, la transmission de nos mesures à l’économie réelle et la persistance des fluctuations des taux de change.
Nous continuons de surveiller attentivement les informations qui nous parviennent, y compris les évolutions des taux de change et sommes prêts à agir si les données entrantes ne correspondent pas à l’objectif de nos mesures d’urgence, qui consiste à réduire l’écart d’inflation qui a résulté de la pandémie.
Les citoyens de la zone euro estiment souvent que les prix grimpent plus que ne le suggèrent les données officielles. Pensez-vous que ce malentendu puisse nuire au soutien du public aux politiques de la BCE?
Ceci est vrai dans de nombreux pays et il faut donc le prendre au sérieux. Cette perception tient principalement au fait que les ménages achètent plus fréquemment des biens dont les prix ont davantage augmenté, par exemple des produits alimentaires, et ne perçoivent pas vraiment que d’autres biens, qui ont beaucoup moins augmenté, pèsent aussi dans le panier de consommation.
Il est donc, selon moi, nécessaire de mieux communiquer à ce sujet et de travailler à une meilleure compréhension de ce que le taux d’inflation mesure réellement.
Les aides d’urgence des gouvernements en réponse à la crise de la Covid-19 vont-elles accroître le risque de “zombification” d’une partie de l’économie?
Nous sommes toujours au coeur de la pandémie et l’économie a encore besoin de beaucoup de soutien des politiques monétaire et budgétaires. Des entreprises viables ont pu survivre. Il serait dangereux d’interrompre prématurément les soutiens budgétaires. Cette erreur a déjà été commise par le passé et je ne pense pas que nous devrions la répéter.
Mais nous sommes tous conscients que cette crise entraînera des changements structurels. Et nous sommes confrontés à des défis séculaires, comme les transitions écologique et numérique, qui nécessitent un soutien budgétaire. Il serait donc erroné d’essayer de préserver la structure économique d’avant la pandémie. Nous devons au contraire veiller à ce que les mesures de crise appuient la transition vers une croissance durable.
Que dîtes-vous à ceux, en France notamment, qui prônent l’annulation ou la pérennisation de la dette publique détenue par la BCE?
La réponse simple est que cela est interdit par le traité, car cela constituerait clairement du financement monétaire. Nous sommes guidés par notre mandat de maintien de la stabilité des prix et ne sommes pas autorisés à financer les gouvernements.
Concernant le Brexit, êtes-vous préoccupée par un “no-deal”, susceptible de peser sur l’activité économique?
Un Brexit sans accord serait néfaste pour tout le monde, en particulier pour le Royaume-Uni, mais aussi pour la zone euro. J’encourage les négociateurs à tout mettre en oeuvre pour éviter un tel résultat. Quoi qu’il en soit, il importe que les institutions financières et les acteurs du marché soient préparés à l’éventualité de l’absence d’accord.
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