Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste (Bloom Law): “La pression fiscale sur le travail reste bien trop lourde”
L’avocat fiscaliste commente le dernier rapport de l’OCDE sur la taxation du travail, qui attribue à la Belgique le titre de championne du monde en la matière.
1. L’OCDE vient de publier son rapport sur la pression fiscale sur les salaires. Que faut-il en retenir?
En matière de revenus du travail, la Belgique figure chaque année, au sein de l’OCDE, sur le podium des pays les plus taxés. Cette année, elle a décroché la médaille d’or. Avec une pression fiscale de 51,5 %, nous devançons l’Allemagne (49 %), l’Autriche (47,3 %) et la France (46,6 %).
Chez nous, les salaires sont soumis à l’impôt des personnes physiques aux taux progressifs : le taux marginal de 50 % s’applique dès que les revenus nets excèdent 41.360 euros. A titre de comparaison, chez nos voisins luxembourgeois, le taux marginal est plus faible (45 %) et ne s’applique qu’à partir d’un salaire net de 200.000 euros. Si l’on ajoute à cela les cotisations de sécurité sociale de l’employé (13 %) et de l’employeur (25 %), on comprend mieux pourquoi notre pays est en pole position…
2. Le gouvernement Michel a pourtant diminué la pression fiscale sur le travail, via le fameux “tax shift”.
Certes, les mesures adoptées depuis 2016 dans le cadre du tax shift ont permis d’alléger sensiblement les charges sur le travail. Néanmoins, la pression fiscale sur le travail reste bien trop lourde en Belgique. Dans son rapport publié l’année dernière, le Conseil supérieur des Finances a d’ailleurs appelé de ses voeux une nouvelle baisse des charges sur le travail, de même qu’un éventuel glissement vers d’autres formes de taxation moins dommageables pour la croissance.
La réforme fiscale sur laquelle planche l’actuel ministre des Finances sera très vraisemblablement axée sur une baisse de la pression fiscale sur le travail. Pour financer une baisse des taux, il faudra toutefois s’attendre, en contrepartie, à voir sauter toute une série de déductions et réductions d’impôts actuelles (chèques divers, voitures de société, etc.). Ces régimes spéciaux rendent notre fiscalité complexe et opaque. Notre système fiscal doit être plus transparent, plus simple et plus juste.
3. Notre fiscalité des revenus du capital est-elle plus douce?
Oui et non. Au cours des dernières années, la Belgique a considérablement durci la pression fiscale sur les revenus du capital. Ainsi, les revenus mobiliers (dividendes, intérêts, etc.) sont depuis 2017 soumis au taux d’imposition uniforme de 30 %. Avant 2012, le taux d’imposition des intérêts et des dividendes était en règle générale de 15 %. Puis, on a récemment réintroduit un nouvel “impôt sur la fortune”: la taxe sur les comptes-titres 2.0. Bien sûr, des “niches fiscales” comme les plus-values sur actions existent. Mais elles pourraient passer à la trappe dans le cadre de la prochaine réforme fiscale.
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