Un peu disparu de l’actualité ces derniers temps, l’euro numérique donne de nouveaux signes de vie. Le projet continue et entre dans une nouvelle phase de son développement.
Le projet de l’euro digital avance. “Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a décidé d’amorcer la phase suivante du projet d’euro numérique. Cette décision fait suite à l’achèvement fructueux de la phase préparatoire lancée par l’Eurosystème en octobre 2023. La prochaine phase du projet, qui débutera le premier novembre 2025, aura pour but de préparer l’Eurosystème à une éventuelle première émission de l’euro numérique dans le courant de 2029”, explique un communiqué de la BCE et de la Banque nationale de Belgique (BNB).
Concrètement, cette nouvelle phase veut que les pays adoptent la législation de l’euro numérique au courant de l’année prochaine. Ensuite, un exercice pilote pour des transactions sera organisé, peut-être déjà dès la mi-2027.
Un projet critiqué
Voilà un communiqué qui tombe un peu de nulle part. Ou qui revient de loin plutôt. Ces derniers temps, les stablecoins ont occupé le devant de la scène, reléguant l’euro numérique au second plan. Lors de sa revue stratégique en juillet, la BCE n’avait par exemple même pas évoqué l’euro numérique, qui est pourtant un de ses projets stratégiques phare.
On entendait moins parler de l’euro numérique des sources officielles. Mais de l’autre côté, les critiques n’ont pas tari. Les banques par exemple craignent un système lourd et difficile à mettre en place, car en quelque sorte parallèle au système bancaire. Pour l’euro numérique, les Européens devraient en effet avoir un compte auprès de la BCE directement. C’est donc comme du cash… mais en version digitale. Cela servirait ainsi surtout à payer dans d’autres pays que le sien. Les banques sont d’autant plus critiques car d’autres systèmes de paiement électroniques européens sont aujourd’hui déjà en train de se mettre en place, comme Wero.
Stablecoin
D’autres critiques sont les défenseurs des stablecoins. L’un d’entre eux est le député bruxellois Christophe De Beukelaer. “L’Europe choisit le modèle chinois, public, fermé, ultra-centralisé, plutôt que le modèle américain, ouvert, concurrentiel. Et dans un secteur qui évolue aussi vite, c’est le meilleur moyen de se faire marginaliser”, expliquait-il dans nos pages, en mai.
Et en parlant de stablecoins… les banques européennes pourraient d’ailleurs déjà avoir trouvé la parade à l’euro numérique, justement en lançant leur propre stablecoin, adossé à l’euro. C’est ce qu’a annoncé un consortium composé de ING, KBC, UniCredit, DekaBank, Banca Sella, Danske Bank, SEB, CaixaBank et Raiffeisen Bank International, fin septembre. Pour de nombreux observateurs, dont Bruno Colmant, ce projet pourrait tuer l’euro numérique dans l’oeuf.
Mais l’euro numérique n’est finalement pas encore enterré, et il revient à la charge. Il peut en effet avoir des avantages face au stablecoins. Eux sont issus d’acteurs privés, qui sont plus à risque qu’une banque centrale. Une devise officielle, qu’elle soit digitale ou physique, garantit l’autonomie stratégique, la souveraineté monétaire et la sécurité économique, rappelle la BCE.
Avec la nouvelle phase de son développement, l’euro numérique risque de relancer le débat sur sa pertinence.