Christine Lagarde pourrait-elle prendre la tête du Forum économique mondial ?

Christine Lagarde © Getty
Muriel Lefevre

Christine Lagarde rejoindra-t-elle bientôt le Forum économique mondial (WEF) ? Rien n’est confirmé, et tout est démenti. Mais l’hypothèse a une crédibilité certaine, à défaut d’une actualité immédiate.

Christine Lagarde bientôt à la tête du Forum économique mondial ? La question n’a rien de surprenant. Le bruit court depuis plusieurs années dans les coulisses de Davos. Christine Lagarde a en effet tout ou presque pour être la successeure naturelle de Klaus Schwab.  

Mais voilà que ce qui n’était qu’une rumeur a pris une tournure bien plus concrète mercredi dans les colonnes du Financial Times. Dans le cadre d’une interview, Schwab indique que l’actuelle présidente de la Banque centrale européenne aurait sérieusement envisagé de quitter son poste prématurément pour diriger l’organisation basée à Genève. « Elle pourrait prendre la tête du Forum début 2027 au plus tard », confie Schwab, soulignant qu’il préparait cette succession depuis plusieurs années.

Des « discussions » très concrètes

Klaus Schwab, 87 ans, qui a officiellement quitté la présidence du WEF en avril dernier à la suite d’accusations de mauvaise gestion financière (qu’il réfute catégoriquement), affirme avoir entamé dès 2024 des discussions avec Lagarde pour organiser une passation de pouvoir.  Une rencontre pour discuter de cette transition aurait même eu lieu à Francfort en avril, juste avant que le scandale ne l’éclabousse et le pousse vers une sortie précipitée. Les discussions auraient même été très concrètes puisque Schwab affirme qu’un appartement dans la Villa Mundi, à Genève, où se trouvent les bureaux administratifs du WEF et avec vue sur le lac Léman avait déjà été réservé pour l’ancienne directrice du FMI.

Une proximité de longue date et un salaire doublé

La vraie surprise pour beaucoup c’est qu’elle est allée à la BCE en 2019 plutôt qu’au WEF. Mais à ce moment Klaus Schwab, n’était pas prêt à partir.

Il est vrai que Christine Lagarde connaît bien le Forum de Davos. Depuis 2008, elle siège à son conseil d’administration et participe régulièrement aux tables rondes de clôture. Sa stature, son réseau et sa maîtrise des grands enjeux globaux font d’elle une candidate idéale pour succéder à Schwab. Et le fait que le WEF n’ait pas commenté les révélations du Financial Times n’a fait qu’alimenter les spéculations.

Pour Lagarde elle-même, ce choix est tout aussi compréhensible. Cela lui offrirait une tribune mondiale à long terme, au moment où son mandat européen touche à sa fin. Non renouvelable, ce dernier s’achève effectivement de toute façon en octobre 2027.

Et puis cela lui permettrait aussi de plus que doubler son salaire. Le salaire annuel à la BCE est d’environ 466 000 euros. Or bien qu’aucun chiffre officiel ne circule, puisque le WEF est une organisation privée de droit suisse,  Klaus Schwab touchait bien plus que les patrons d’organisations internationales comme le FMI ou l’ONU. Il aurait ainsi perçu un salaire annuel estimé entre 1 million et 1,5 million de francs suisses (soit environ 1 à 1,4 million d’euros), selon Swiss Info et The Guardian.

Enfin ne pas aller au bout d’un mandat ne serait pas non plus une première. Elle avait quitté son poste précédent au Fonds monétaire international un peu après la moitié de son second mandat de cinq ans.

Partir plus tôt ? Pas vraiment une habitude à la BCE

Un tel départ anticipé serait pourtant un événement rare. Ce ne serait en effet que la deuxième fois dans l’histoire de la BCE qu’un président quitterait ses fonctions avant l’échéance. Le seul à l’avoir fait avant étant Wim Duisenberg en 2003. Et encore ce dernier, décédé en 2005, l’a fait pour des raisons personnelles, en l’occurrence son âge (68 ans à l’époque)

Et, ce qui n’aide rien, un tel départ anticipé aurait des implications majeures. Il faudrait accélérer le calendrier pour nommer son successeur, dans un contexte économique pour le moins tendu pour la zone euro. Autant dire que ce serait mal venu et surtout très mal vu. D’autant plus que cela déclencherait probablement une intense compétition entre les 20 États membres de la zone euro pour lui trouver un successeur, tant la fonction est influente.

La BCE nie en bloc

La Banque centrale européenne, de son côté, a rapidement réagi. « La présidente Lagarde a toujours été totalement engagée à remplir sa mission et est déterminée à exercer ses fonctions jusqu’au terme de son mandat », a affirmé un porte-parole de l’institution.

Certains observateurs estiment que Klaus Schwab n’a cherché avec ses déclarations qu’à conserver une forme d’influence en nommant publiquement son héritière. « Il a sans doute voulu précipiter les choses », commente un ancien cadre du Forum. Une manière de peser sur la transition à venir. Quitte à placer Lagarde dans une position délicate à un moment critique de son mandat à la BCE. En pleine guerre commerciale et une semaine avant la prochaine réunion sur les taux d’intérêt ou la BCE devrait très probablement abaisser son taux directeur à 2 %.

Mais qu’elle ambitionne ou non de rejoindre Davos, à deux ans et demi de la fin de son mandat, la question de son avenir post-BCE ne manquera pas de revenir.

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