Avec Anouk Schouppe (52 ans), CapitalatWork s’est récemment adjoint une nouvelle CEO. Elle veut que le gestionnaire de patrimoine soit plus visible sur le terrain. “Nous allons agrandir nos équipes et examiner des dossiers de reprise”, nous annonce-t-elle en présence de son deputy CEO Vincent Lambrecht.
Coïncidence ou non ? Ces derniers mois, plusieurs femmes ont été nommées à des postes de direction dans le secteur financier, un secteur qui, traditionnellement, ne se distingue pas par son leadership féminin. Chez Degroof Petercam, Sylvie Huret a pris les commandes. La Française Peggy Brione a été nommée CEO de la Banque Nagelmackers après la reprise par BPCE. Et chez le gestionnaire de patrimoine CapitalatWork, Anouk Schouppe a pris le relais de Maarten Rooijakkers, qui dirigeait l’entreprise depuis 15 ans.
“On voit de plus en plus de femmes à des postes de direction dans tous les secteurs, souligne Anouk Schouppe. On parle souvent du plafond de verre, mais je n’y ai jamais été confrontée. Au contraire, j’ai refusé il y a 10 ans une fonction de direction parce que je ne la trouvais pas conciliable avec ma vie de famille. Je trouvais que mes deux enfants étaient encore trop jeunes, et je n’ai jamais regretté cette décision. On l’oublie parfois : le fait qu’une femme choisisse la famille plutôt que la carrière est parfois tout simplement un choix libre et conscient. Je trouverais injuste de dire que les femmes n’ont pas d’opportunités, mais parfois nous faisons simplement d’autres choix que les hommes.”
Cette fois encore, ce ne fut pas une décision facile, dit-elle : “J’en ai parlé ouvertement avec mon mari, qui a sa propre entreprise, et avec les enfants. Ils ont réagi positivement et sont fiers de leur maman. Cela a facilité le processus de décision. Il m’arrive encore de me demander si je suis assez présente pour eux, mais ils sont déjà plus autonomes et il existe suffisamment de possibilités d’aide et de soutien à domicile. Parce qu’être CEO, c’est un travail exigeant, sept jours sur sept. Les vacances ne sont plus vraiment des vacances, et les week-ends ne sont plus des week-ends. Mais en même temps, c’est une formidable opportunité de pouvoir diriger ces équipes.”
TRENDS-TENDANCES. Vous reprenez le flambeau de Maarten Rooijakkers, qui a dirigé CapitalatWork pendant 15 ans. Pourquoi ce changement de direction ?
ANOUK SCHOUPPE. Maarten a 62 ans et a estimé que c’était le bon moment pour passer le relais à la génération suivante. Il reste étroitement impliqué dans l’entreprise comme conseiller stratégique. Il est encore présent au quotidien. Maarten laisse également un très bel héritage. CapitalatWork s’est développé, en tant que gestionnaire de patrimoine indépendant, en un groupe gérant 11,5 milliards d’euros d’actifs. Nous avons neuf bureaux : six en Belgique, deux aux Pays-Bas et un au Luxembourg. Une nouvelle structure de direction a été mise en place, dans laquelle je deviens CEO de CapitalatWork pour la Belgique et les Pays-Bas. Vincent Lambrecht m’assiste en tant que deputy CEO. En tant que responsable de l’estate planning (planification et transmission de patrimoine, ndlr), il a une longue carrière au sein de CapitalatWork.
Un nouveau management signifie souvent une nouvelle stratégie. Est-ce le cas ici ?
A.S. Pas vraiment. Nous maintenons notre positionnement comme gestionnaire actif de patrimoine, avec un fort accent sur le client. Mais je vais apporter quelques nouveaux accents. Nous voulons davantage de visibilité sur le marché. Nous nous concentrons sur trois domaines. Premièrement, nous allons agrandir les équipes. Nous recherchons de nouveaux responsables commerciaux à Bruxelles et en Wallonie. Dès que nous aurons trouvé les bonnes personnes, nous pourrons envisager de nouveaux bureaux dans ces Régions où nous sommes encore trop peu présents. Et last but not least, nous étudions des acquisitions potentielles. Mais nous sommes sélectifs : nous ne sommes intéressés que par des maisons ayant un modèle économique similaire et complémentaire à la nôtre.
Cette ouverture vers la croissance externe est-elle une nouveauté pour CapitalatWork ?
A.S. Il est vrai que nous avons une tradition de croissance organique. Nos clients existants représentent la moitié de la croissance des actifs sous gestion. L’autre moitié provient de nouveaux clients, mais ceux-ci sont, dans la plupart des cas, recommandés par nos clients actuels. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs.
Cela dit, nous avons déjà examiné plusieurs dossiers d’acquisition ces dernières années, sans résultat jusqu’à présent. Que nous recherchions des acquisitions en Belgique et aux Pays-Bas n’a donc rien de nouveau. Mais l’avenir de l’entreprise ne dépend pas d’une reprise. Nous avons atteint une taille suffisante, ce qui nous permet d’avoir le luxe d’être exigeants. En réalité, CapitalatWork offre le meilleur des deux mondes : nous sommes assez grands pour investir dans la digitalisation, la conformité et le capital humain, et assez petits pour rester concentrés sur les clients et les collaborateurs.
“Les nouveaux clients sont, dans la plupart des cas, recommandés par les clients existants. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs.” – Anouk Schouppe, CEO de CapitalatWork
Pourtant, ces dernières années, de nombreuses banques et sociétés de gestion de patrimoine ont changé de propriétaire. Ne risquez-vous pas de manquer le coche ?
A.S. Non, la consolidation va encore durer un certain temps. Il existe encore de nombreux petits gestionnaires ou boutiques qui fonctionnent bien mais n’ont pas les moyens de supporter les coûts d’investissement croissants. Souvent, ils sont très proches du client. Il existe sans aucun doute des opportunités pour CapitalatWork, car cela correspond à notre profil. Alors que les fusions et acquisitions conduisent souvent à une plus grande distance avec le client, c’est exclu chez CapitalatWork. Je pense qu’il est réaliste d’imaginer que nous réalisions une acquisition dans les prochaines années, mais elle devra correspondre à notre ADN et à notre façon de travailler.
Depuis 2009, CapitalatWork fait partie de l’assureur luxembourgeois Foyer. Votre actionnaire vous suit-il aussi dans cette stratégie de croissance externe ?
A.S. Bien sûr, ce soutien existe. Foyer est une entreprise familiale qui utilise CapitalatWork comme gestionnaire de patrimoine pour le groupe. C’est un actionnaire stable, avec une vision à long terme et des moyens financiers solides. Pour Foyer, nous représentons une diversification intéressante, et il est important que nous puissions suivre une trajectoire indépendante. Notre actionnaire comprend que le marché des gestionnaires de patrimoine traverse une transformation majeure. D’où l’ambition de jouer un rôle actif dans le processus de consolidation.

La consolidation entraîne aussi un appauvrissement du marché. Si le client a moins de choix, cela crée peut-être pour vous de nouvelles opportunités de croissance ?
VINCENT LAMBRECHT. Nous nous distinguons de plus en plus par notre approche spécifique et notre philosophie d’investissement. CapitalatWork a été fondé sur la conviction de la gestion active du patrimoine, et c’est toujours notre ligne directrice. Nous avons une équipe de spécialistes et d’analystes internes responsables de chaque action que nous sélectionnons. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’intérêt pour les trackers qui suivent passivement un indice ou copient le marché. C’est précisément ce que nous essayons de ne pas faire. Nous trouvons plus facile d’évaluer une entreprise que de prédire le marché. CapitalatWork n’investit pas dans le marché ou dans un indice, mais dans une sélection propre d’entreprises cotées en Bourse. Des entreprises qui, à long terme, créent plus de valeur que le marché.
Quels critères appliquez-vous pour cette sélection ?
V.L. Nous croyons en des entreprises qui sont des acteurs mondiaux dans leur secteur, ce qui implique déjà une répartition géographique des risques. Des entreprises matures, avec un très faible niveau d’endettement et un flux de trésorerie disponible important. Ce flux de trésorerie est, selon nous, un meilleur indicateur que le seul bénéfice. Parce que nous savons très bien dans quoi nous investissons, la volatilité du marché n’est pas un risque pour CapitalatWork, mais plutôt une opportunité. We know what we own. Et le client avec nous. De ce fait, nos portefeuilles sont moins risqués que, par exemple, les ETF, actuellement dopés par des valorisations de marché très élevées. J’ose dire que les trackers comportent plus de risques pour l’investisseur que nos fonds gérés activement, qui portent une attention particulière à la gestion des risques et à la protection du patrimoine.
Attendez-vous un impact de la taxe sur les plus-values sur le comportement de vos clients ?
V.L. La plupart des clients fortunés n’ont pas de problème à payer des impôts, du moins s’ils sont répartis équitablement. Et c’est là que le bât blesse un peu. Il existe déjà tellement de taxes sur les patrimoines mobiliers en Belgique – pensez à la taxe sur les comptes-titres, au précompte mobilier, aux droits de succession – et voilà qu’arrive maintenant une taxe sur les plus-values. Mais tant qu’il y a une plus-value, je pense que la plupart des clients s’en accommoderont. Je ne m’attends pas à ce qu’ils liquident soudainement leur portefeuille ou qu’ils restructurent leur patrimoine en fonction de cette taxe.
Et une éventuelle taxe sur les millionnaires ?
V.L. C’est une autre paire de manches. Cette taxe vise un groupe de population spécifique qui contribue déjà fortement aux recettes fiscales. C’est un sujet très sensible. Et pour les très grands patrimoines, cet impôt peut avoir de lourdes conséquences financières. Il ne faut pas s’étonner qu’une éventuelle taxe sur les millionnaires puisse conduire à l’émigration fiscale de certains entrepreneurs et Belges aisés. Au minimum, ils étudieront sérieusement cette possibilité. Cela comporte le risque que de grands capitaux, avec les emplois et les recettes fiscales correspondants, partent à l’étranger. On veut tuer la poule aux œufs d’or, mais une poule traquée ne pond pas d’œufs.
“On veut tuer la poule aux œufs d’or, mais une poule traquée ne pond pas d’œufs.” – Vincent Lambrecht, deputy CEO de CapitalatWork
Vous avez dit que CapitalatWork voulait d’abord agrandir ses équipes. Dans le contexte actuel de guerre des talents, est-il difficile de trouver de nouvelles personnes talentueuses ?
A.S. Ce n’est pas si simple. Surtout parce que nous cherchons des personnes avec une âme d’entrepreneur. Nous ne tenons pas les gens par la main, nous attendons qu’ils prennent eux-mêmes des initiatives et se retroussent les manches. Mais cela signifie aussi qu’en tant que collaborateur, vous pouvez avoir un véritable impact ici. Pour l’entreprise, il est facile d’indiquer quelques wealth management hot spots où nous voulons être plus actifs et plus visibles. Mais il faut des équipes locales solides, disposant d’un réseau auprès des familles fortunées, pour y parvenir. C’est là que se situe actuellement notre priorité.
CapitalatWork en chiffres
• Gestionnaire de patrimoine qui fête cette année ses 35 ans
• Fait partie du groupe d’assurance luxembourgeois Foyer
• Actif dans 3 pays : Belgique, Pays-Bas et Luxembourg
• 11,5 milliards d’euros sous gestion, dont un peu moins de 5 milliards en Belgique
• Seuil d’entrée pour les clients : 250.000 euros, mais cible principalement les familles disposant d’un patrimoine à gérer supérieur à 1 million d’euros
• 185 collaborateurs