Paul Vacca

“A l’ère du tout customisé, le manifeste constitue un vecteur de communication universel adapté à tout type d’entreprises”

Paul Vacca Romancier, essayiste et consultant

En ces temps terriblement incertains, un spectre hante toute entreprise, c’est l’impératif de devoir tracer une voie vers le futur. Même si l’on n’adhère pas au dogme du “monde d’après”, qui serait par essence différent et en rupture, l’heure est à la “réinvention”.

“Réivention”, ce terme fait florès parce qu’il met le doigt sur le moment particulier que nous sommes en train de vivre : celui où l’on pressent que si tout ne va pas nécessairement changer, rien ne peut plus pour autant prétendre être comme avant. La période de crise que nous traversons est justement celle où l’on a perdu ce lien entre passé, présent et futur. Se réinventer, c’est chercher à retisser ce fil temporel perdu.

A la manière des manifestes artistiques qui étaient ouverts sur le futur, le manifeste d’entreprise est tourné vers l’avenir. Il a pour vertu de dessiner un chemin dans le brouillard en restaurant le sens des choses.

Or, il existe un outil qui peut faciliter et guider cette réinvention, un outil qui est lui-même le fruit d’une réinvention : il s’agit du manifeste. Le manifeste est à la communication ce que le vinyle est à la musique : un outil d’un autre âge qui retrouve dans le contexte actuel une toute nouvelle pertinence. Exactement comme pour le vinyle (qui, aux dernières nouvelles, aurait dépassé les ventes de CD aux Etats-Unis), c’est son côté inactuel qui fait sa force.

A l’ère du tout customisé, le manifeste constitue un vecteur de communication universel adapté à tout type d’entreprises quels que soient leur taille (multinationale ou TPE), leur ancienneté (centenaires ou start-up), leur secteur (ultra lucratif ou non profit) ou leur domaine d’activité (technologique ou traditionnelle), etc. A l’ère du temps réel et des pivotages incessants, il incarne une certaine forme de permanence et d’engagement plus ou moins pérenne. A l’ère du ciblage, des algorithmes, il parle à tous : public interne comme externe, clients comme prospects, concurrents comme partenaires, etc. A l’ère des écrans omniprésents, il restaure une certaine forme d’imperium de l’écrit – au-delà de 280 signes.

Toutefois, à la manière des manifestes artistiques du début du siècle dernier qui étaient ouverts sur le futur – comme le Manifeste du futurisme de Marinetti (1909) ou le Manifeste Dada (1916) ou celui du Surréalisme (1924) – , le manifeste d’entreprise est tourné vers l’avenir. Il a pour vertu de dessiner un chemin dans le brouillard en restaurant le sens des choses. Et le mot ” sens ” ici doit être compris dans sa double acception : celle de ” signification ” et comme celle de ” direction “. Où l’on voit que le manifeste est tout autant argumentatif (en répondant à la question philosophique du ” pourquoi “) que narratif (en dessinant la route programmatique du ” comment “).

A ce titre, quel meilleur exemple de manifeste réussi que celui écrit en 1848 par les deux compères Frederich Engels et Karl Marx, appelé le Manifeste du Parti communiste ? Parfaite fusion d’argumentation rhétorique et de dynamique narrative, il parvient par la seule force du verbe à donner à toute une classe ouvrière en déroute et à des révolutionnaires sans boussole un sens au futur. Ici, pas d’horizon éthéré ni de promesse d’un ” monde d’après ” utopique, mais la dynamique d’un programme qui se déploie. A mesure que l’on tourne les pages, on voit le chemin vers un futur se dessiner devant nous. Sous leur plume, l’évidence prend corps. Le futur s’est écrit.

On pourra toujours nous objecter que le projet de Marx et Engels était quelque peu défectueux et que leur entreprise a fini en faillite. Reste que l’on souhaite à beaucoup d’entrepreneurs de développer une telle force d’adhésion et une pareille longévité dans leurs projets. CEO de toutes les entreprises, manifestez-vous !

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