10 modèles européens pour les start-up
Il n’est pas toujours nécessaire de parler d’entrepreneurs américains comme Mark Zuckerberg (Facebook), Reed Hastings (Netflix) ou Evan Spiegal (Snapchat). L’Europe a aussi ses modèles pour les web-entrepreneurs, même s’ils sont souvent peu connus. Les dix entrepreneurs que voici sont en bonne voie de forger une réussite européenne.
1. Nancy Cruickshank – MyShowcase
La “serial entrepreneuse” britannique Nancy Cruickshank a investi le produit de la vente de ses premières entreprises dans MyShowcase.com, qu’elle a créée en 2012 avec trois associés et dont elle est la PDG. MyShowcase dispense à ses clients des conseils de beauté personnalisés en s’appuyant sur la cinquantaine de marques qui proposent leurs produits par le biais de sa plateforme. Pour ce faire, l’entreprise a recours à la technologie et à un réseau d’esthéticiennes. De cette façon, Nancy Cruickshank stimule également l’esprit d’entreprise, car pour ces milliers de stylistes, MyShowcase représente une incitation à travailler en tant qu’indépendants. MyShowcase est parfois décrite comme un “Airbnb pour les esthéticiennes”. Depuis qu’elle a lancé le site Web de l’éditeur de magazine américain Conde Nast il y a vingt ans, l’entrepreneure britannique a été sollicitée par de nombreuses entreprises en tant que spécialiste en numérisation. C’est ainsi qu’elle a pris en charge la numérisation de Telegraph Media Group.
Sous la direction de Nancy Cruickshank, historienne de formation, MyShowcase a permis de récolter de l’argent frais cette année, portant à 3 millions de dollars le capital levé par la start-up.
2. Daniel Ek – Spotify
Le Suédois Daniel Ek, âgé de 34 ans, a créé en 2006 son service de streaming musical Spotify avec Martin Lorentzon, à qui il avait vendu sa société de marketing Internet. En fait, Ek faisait déjà preuve d’un esprit d’entreprise prononcé sur les bancs de l’école : il payait ses condisciples pour qu’ils fassent ses devoirs afin de gagner du temps. Amateur de musique s’il en fut, Ek ne travaille pas contre, mais en collaboration avec les maisons de disques, dont le business model a été perturbé par la musique gratuite sur Internet. Il les paie pour pouvoir utiliser leur musique. Spotify reçoit à son tour des revenus d’abonnés et de publicités. Selon la société d’information financière Bloomberg, loin de vouloir vendre son entreprise, le trentenaire veut la faire coter en bourse cette année encore. Il n’est pas certain que cela se produira à Stockholm, car Ek a récemment critiqué le milieu des affaires suédois.
Avec une valeur estimée à 8 milliards de dollars, Spotify est l’une des plus fortes “licornes” (start-up évaluées à plus d’un milliard de dollars) d’Europe. Et pourtant, l’entreprise a déjà survécu à plusieurs expériences de mort imminente. En 2014, elle a également résisté au lancement d’Apple Music, un concurrent aux poches profondes. YouTube et Deezer pêchent également dans le même étang. Spotify, qui enregistre encore des pertes, a continué d’investir et a conquis de nouveaux utilisateurs plus rapidement qu’Apple Music. 140 millions de personnes sur 61 marchés se servent du service de streaming, dont 50 millions paient pour l’utiliser.
3. Frédéric Mazella – BlaBlaCar
Au départ, l’informaticien français Frédéric Mazella travaillait comme chercheur scientifique pour la NASA. Un jour, de retour de l’étranger, il voulut se rendre chez ses parents dans la campagne française pour les vacances de Noël. Il ne put trouver aucun moyen de transport à cause de la cohue, alors que, partout autour de lui, il voyait des sièges vides dans les voitures. Cela lui donna l’idée de créer un site web où les conducteurs pourraient partager leurs places vides moyennant une contribution au coût du carburant. Excellent musicien jouant du violon, de la guitare, du piano et de la batterie, Frédéric Mazella a acheté le site covoiturage.fr et a fondé BlaBlaCar en 2006. Le nom fait référence à la façon dont les membres de la plateforme web peuvent indiquer dans leur profil dans quelle mesure ils sont disposés à parler pendant un trajet, de “bla” (peu) à “blablabla” (beaucoup). Le site de covoiturage compte aujourd’hui 30 millions de membres dans 22 pays, dont la Belgique.
Selon la base de données technologique Crunchbase, l’entreprise a levé 335 millions d’euros de capital et s’est classée au rang des licornes en atteignant une valeur estimée à plus d’un milliard de dollars. Le Français de 41 ans, d’origine italienne, est le porte-drapeau de la plus jeune génération d’entrepreneurs technologiques français (il investit aussi dans de jeunes entreprises) et a soutenu un appel aux Français résidant à l’étranger pour qu’ils innovent dans leur propre pays.
4. Demet Mutlu – Trendyol
En 2009, après avoir travaillé plusieurs années pour des multinationales, l’économiste turque Demet Mutlu a abandonné ses études de MBA à New York pour fonder le Trendyol Group. Huit ans plus tard, sa boutique d’e-commerce est l’une des entreprises les plus connues de Turquie. Elle emploie plus de 1 000 personnes. L’idée de cette entrepreneure de 37 ans était de relier l’industrie textile turque en ligne à la population turque, qui est très jeune – la moitié a moins de 30 ans. La boutique en ligne, qui connaît une croissance rapide, attire jusqu’à 40 millions de visiteurs par mois et vend 20 millions d’articles par an, aussi bien de marques de vêtements connues que de marques privées.
Le succès de la société de mode en ligne n’a pas échappé aux investisseurs. Dans les fonds américains KPCB et Tiger Global, ainsi qu’à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la société Demet Mutlu fortement axée sur l’innovation et le big data a engrangé au total pas moins de 60 millions de dollars. En un rien de temps, la fondatrice et PDG turque, qui veille à ce que la moitié des postes de direction de l’entreprise soient occupés par des femmes, est devenue un porte-drapeau pour la scène technologique turque. Elle investit également elle-même dans de jeunes start-up.
5. José Neves – Farfetch
En 2008, le Portugais José Neves, 45 ans, qui travaillait à Londres, a fondé Farfetch, une e-boutique axée sur la mode de luxe. Ce magasin en ligne, qui rassemble des centaines de boutiques et de marques sous une même enseigne, a d’emblée connu un grand succès. Il compte maintenant des bureaux dans onze pays. L’année dernière, l’entreprise a atteint 110 millions de capital, ce qui a permis à Farfetch d’intégrer la liste des licornes européennes. Cette année, Farfetch a également fait son entrée sur le marché chinois, a collaboré avec le magazine de mode Vogue et préparerait son entrée en bourse.
L’économiste portugais, qui a financé Farfetch avec les recettes d’une entreprise de chaussures qu’il avait créée, a fourni un exemple fort d’entrepreneuriat en persuadant son ancienne rivale Nathalie Massenet de coprésider Farfetch avec lui. Cela n’a pas été sans créer des remous, parce que Massenet est un modèle et une icône du monde de la start-up britannique. Elle a en effet fondé le concurrent de Farfetch, Net-A-Porter. Lorsqu’ils l’ont vendue à la société italienne de vêtements Yoox en 2015, Massenet et le PDG italien de Yoox avaient l’intention de prendre la tête de Yoox-Net-A-Porter, mais cette coopération a échoué. Aux côtés de José Neves, Nathalie Massenet voudrait maintenant éclipser son ancienne entreprise.
6. Xavier Niel – Free
L’histoire entrepreneuriale du Français Xavier Niel, 50 ans, ressemble à un scénario de film. Adolescent, il avait appris à se programmer lui-même. Il a signé ses premiers succès avec les services de “chat” érotique sur Minitel, le prédécesseur français d’Internet. Xavier Niel est aujourd’hui un entrepreneur riche et prospère, actionnaire du journal français Le Monde. Sa percée majeure, cet autodidacte l’a opérée en ouvrant le marché français des télécoms via le fournisseur d’accès Internet Free avec sa société Iliad – 8 000 employés et un chiffre d’affaires supérieur à 4 milliards d’euros. Son levier principal était une innovation tellement poussée que ses concurrents établis en étaient réduits à le poursuivre. Un exemple marquant en est le développement de la Freebox, une petite boîte avec laquelle Free a été le premier à pouvoir proposer l’Internet, les télécommunications et la télévision numérique à des prix compétitifs en 2002.
En 2012, lors d’un salon rappelant les démonstrations légendaires des produits de Steve Jobs chez Apple, Xavier présente le quatrième opérateur de téléphonie mobile en France avec Free Mobile. Aujourd’hui, Free Mobile compte plus de 19 millions d’abonnés. Niel a également fondé une école de programmation et est l’homme derrière Station F qui a vu le jour à Paris cette année. Avec le soutien de Facebook et de Microsoft, entre autres, Station F se profile comme le plus grand incubateur au monde, offrant assez d’espace pour un millier de start-up.
7. Ilkka Paananen – Supercell
Chez un employeur antérieur, le Finlandais Ilkka Paananen, 39 ans, avait pu voir comment une structure d’entreprise trop hiérarchisée tue la créativité. Lorsqu’il a cofondé la société de jeux Supercell en 2010, il voulait à tout prix éviter cet écueil. La structure innovante de l’entreprise est très plate et repose sur de petites équipes – les “super-cellules” auxquelles se réfère le nom de l’entreprise – avec des employés très autonomes. Les idées doivent ainsi venir de la base. Ce principe a réussi à l’entreprise. Clash of Clans en est le résultat le plus célèbre. Mais d’autres jeux ont également été couronnés de succès, de sorte que l’entreprise ne dépend pas d’un seul produit. Les jeux pour téléphones mobiles sont en soi gratuits, les revenus provenant des micro-paiements effectués pendant le jeu. Plus que rentable, l’entreprise de jeux a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 2,1 milliards d’euros.
Il y a un an, le géant technologique chinois Tencent a payé 8,6 milliards de dollars pour 84 pour cent des actions de l’entreprise, mais Supercell a veillé à ce que celle-ci conserve son mode de fonctionnement autonome et que son siège social reste à Helsinki.
8. Les frères Samwer – Rocket Internet
Oliver, Marc et Alexander Samwer forment un trio d’entrepreneurs si serré qu’il est difficile de ne pas présenter ensemble ces trois frères allemands. Nombreux sont les entrepreneurs qui sont loin de considérer les frères Samwer comme des modèles et qui qualifient de fabrique de clones leur studio berlinois Rocket Internet. La raison en est que les Allemands ne trouvent pas d’idées originales eux-mêmes, mais copient les idées américaines sur des marchés où la start-up d’origine n’est pas encore active. Les frères ont fait cela pour la première fois en 1998 avec Alando, qui s’inspirait d’eBay et qu’ils ont revendue au site d’enchères américain pour plusieurs millions d’euros cent jours à peine après son lancement. Ils ont également créé un pendant européen pour Facebook et Twitter. Mais leur clone le plus connu est le magasin de chaussures en ligne Zalando, dont ils ont emprunté le concept à Zappos.
Le trio n’a pas son pareil pour créer rapidement des entreprises web. Fondée en 2007 et cotée en bourse en 2014, Rocket Internet compte plus d’une centaine de start-up sur son réseau, qui en 2016 représentaient plus de 28 000 emplois dans le monde. Rocket Internet se voit comme un laboratoire d’entrepreneuriat. Le holding a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 2,2 milliards d’euros en 2016, mais a enregistré une perte de 751 millions d’euros faute de vendre suffisamment de start-up réussies. Il devrait en aller tout autrement cette année grâce à la réussite de start-up à croissance rapide telles que la plateforme de livraison de repas à domicile Delivery Hero et le service de livraison de plats à préparer HelloFresh. L’entreprise berlinoise Delivery Hero a levé près d’un milliard d’euros le 30 juin dernier lors de son introduction à la Bourse de Francfort, et l’entrée en bourse de HelloFresh, originaire de la même ville, est imminente.
9. Pieter van der Does – Adyen
Fondée en 2006 à Amsterdam, la société de technologie financière Adyen se développe à vue d’oeil. Elle emploie plus de 500 personnes dans douze bureaux de par le monde et compte plus de 4 500 clients, dont de grandes entreprises comme Facebook ou Netflix. Son fondateur et CEO Pieter van der Does trouvait agaçant que le processus de paiement Internet soit devenu si compliqué. Il y avait trop de chaînons entre la boutique en ligne d’une part et les sociétés de cartes de crédit d’autre part. Adyen offre aux commerçants une plateforme qui relie directement les clients avec le mode de paiement de leur choix. De surcroît, il traque les transactions frauduleuses. En 2016, le chiffre d’affaires a doublé par rapport à l’année précédente, atteignant 727 millions USD. Plus de 90 milliards de dollars en transactions ont été traités par la technologie d’Adyen.
Le cerveau de la licorne néerlandaise est l’austère économiste Pieter van der Does. La valeur de l’entreprise est estimée à environ 2 milliards. En trois tours, elle a levé 266 millions de dollars en capital-risque. À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de projet boursier. Adyen a toutefois demandé une licence bancaire il y a quelques mois, bien que Pieter van der Does affirme qu’Ayden s’en tiendra à son créneau actuel et ne souhaite pas devenir une banque pour particuliers. Malgré l’essor rapide observé, le quadragénaire Pieter van der Does veille anxieusement sur la culture de l’entreprise, car selon lui les valeurs de l’entreprise et ses collaborateurs constituent le véritable levier de croissance.
10. Arkady Volozh – Yandex
Quand les Russes font une recherche sur Internet, ils utilisent rarement Google et privilégient Yandex, créé par Arkady Volozh. Après l’explosion de l’Union soviétique, ce mathématicien de 53 ans a commencé à travailler sur des algorithmes et à créer diverses petites entreprises de logiciels. En 1997, il lance avec un ami d’enfance le moteur de recherche russe Yandex. En 2000, ce Russe au style de vie sobre, peu friand des médias, fonde l’entreprise homonyme. Tout comme pour Google, les recettes proviennent de la publicité. Grâce à sa connaissance du marché local, à l’écriture cyrillique qui s’est avérée être un obstacle pour Google et à l’accent sur l’innovation, Yandex a pu repousser les attaques de son concurrent américain. Le moteur de recherche est également très populaire en Turquie, au Kazakhstan, en Biélorussie, en Russie et en Ukraine.
En 2011, Yandex s’est rendu à la foire technologique américaine du Nasdaq, où il a rapidement récolté 1,3 milliard de dollars. Cela a fait de Volozh un milliardaire et a permis à Yandex d’atteindre une valeur estimée à 8 milliards de dollars.
Volozh est loin de se reposer sur ses lauriers. Yandex avait déjà créé ou repris des services Internet tels qu’un réseau social ou un service de musique, et a poursuivi sur sa lancée. Le fournisseur de taxis américain Uber a pu en faire l’expérience cette année. En effet, Uber a dû croiser le fer avec son concurrent Yandex.Taxi, l’un des nombreux services offerts par Yandex. Finalement, Uber s’est officiellement retiré du marché russe et a fusionné avec Yandex.Taxi en tant qu’actionnaire minoritaire.
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