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Les 70 ans d’Eddy Merckx, une soirée cynickx

Légende et business pédalaient main dans la main mardi soir au Trade Mart. Nouveau chiffre, nouveau vélo. À cette occasion, Eddy Merckx – l’homme et la marque – ont voilé l’histoire pour faire du présent un futur rentable. Au milieu d’une exposition tirée à quatre épingles, il s’est joué un spectacle un tantinet “merckxcantile”.

Sous les auspices de l’Atomium, quelques invités prestigieux, d’ici ou d’ailleurs, se sont rendus avec entrain à cette petite sauterie très marketing comme il faut. L’idée est simple, le champion a 70 ans cette année, on sort donc le 70e modèle de la firme Merckx : un bijou. Pour bien marquer le coup, une petite nocturne au Trade Mart où se déroule jusqu’au 21juin l’expo Merckx / Ickx, est organisée. Suivie d’une présentation de la toute nouvelle gamme de vélo, dont ce petit dernier très spécial. Le tout en présence du “Cannibale”. Jusqu’ici, tout roule.

Paradickx

Tout commence magnifiquement bien. Les heureux invités gambadent à travers le passé glorieux. L’exposition est rudement bien menée. Le lien entre le cycliste et le coureur auto est fluide. Les deux copains échangent des anecdotes émouvantes dans une vidéo, au milieu des modèles vintage de voitures et vélos de course. On pédale à travers plusieurs décennies, marquantes, décisives, extrêmement documentées et inédites. On en apprend beaucoup sur les champions chouchous du royaume. Les premières bécanes, les premiers bobos, les premiers jerseys. On peut même affronter Eddy dans une course virtuelle, sur un vélo de piste de son choix. La reconstitution du petit troquet de Meensel est splendide, on a envie d’y boire un coup, de jeter une pièce dans le juke-box. On se met à rêver d’une Belgique que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Le vintage héroïque. La nostalgie triomphante. On regarde par la fenêtre quelques coureurs passer. On fredonne les plus mauvais tubes de l’époque qui nous passent par la fête.

Puis l’Histoire qui se construit, image par image. Puis les étapes victorieuses. Joseph est loin, doublé par un cycliste épatant au coeur de boeuf. Un certain Eddy. Un jeune homme énigmatique, discret, effacé. Un athlète hors norme qui forme un angle droit sur son cadre, orange le plus souvent, aux shifters troués pour ceux qui savent. Puis les trophées. Puis le temps qui s’accélère, jusqu’aujourd’hui. Jusqu’à maintenant. 70 ans s’écoulent en un parcours brillant. Place à l’événementiel et au petit dernier de la prestigieuse firme Merckx. Il est loin le temps des vélos vintage, on passe devant les p’tits nouveaux. Du carbone, de l’ingénierie finement pensée. On le voit bien, le héros a évolué avec son temps. Plus qu’un simple sportif, il a depuis toujours une intuition mécanique hors norme. Et un p’tit sens du business aussi…

Enferckx

Fini le charme rétro, retour à 2015 illico presto. C’est bien gentil la flânerie, mais nous ne sommes pas venus pour ça. Les beats matraquent une ambiance sponsoring, les flash dance roses, du costard-cravate qui présente la marque. On se sent moins bien. Mais ça va passer avec un petit cocktail offert par un sponsor. À présent on la boucle et on écoute. Un des membres du crew va même à plusieurs reprises, siffler avec violence dans le micro pour faire taire ceux qui ne respectent pas sa petite heure de gloire. Fini la gaudriole, place à la vente. On passe la brosse à reluire au héros de la soirée. Bien comme il faut, voir un peu plus. Puis on en arrive au nouveau vélo. Le numéro 70. Premier point intéressant, il est en acier. Là où le petit monde cyclo ne jure plus que par le carbone. Belle audace. Pour ceux à qui ça parle, il est composé des célèbres tubes Columbus qui ont créé une gamme spéciale pour l’occasion. La marque Cinelli a dessiné un poste de pilotage inédit, le tout habillé de Campagnolo dernier cri de la tête au pied. Voilà pour les détails un peu techniques.

Puis la sortie de route. On offre un vélo au champion qui regarde non sans une certaine émotion son dernier né. Le découvre-t-il seulement maintenant ? Est-ce un petit effet scénarisé ? On ne sait pas trop. On reprend un cocktail pour faire passer la pilule. Toujours est-il qu’il lâche un “à mon époque, on aurait jamais imaginé qu’un vélo comme ça puisse exister”. La foule verse une larme. Les costards de l’Empire Merckx aussi. Et sans plus tarder, on annonce le prix. 14.000 boules. “Il est tiré à 70 exemplaires, il est unique et vous avez jusqu’à demain matin pour vous décider, après on le met en vente dans le monde entier”. Ô veinards. Le reste n’est que pitrerie, Eddy se prête à un jeu un peu triste. On fait la file comme au zoo pour une petite photo devant le vélo. On lui fait enfiler des maillots pour faire de la pub. On lui fait prendre des pauses. On entend quelques commentaires attristés dans l’assemblée.”Qu’on le laisse tranquille. C’est obscène”. On est pris de tristesse devant cette parade. La techno-house-mega-dancing souligne le grotesque. La soirée se poursuit de façon cynique, juste à côté de la légende précieusement conservée sur les murs. On repasse par l’expo pour fuir. On ne la voit plus du même oeil. Une fois la sortie regagnée, le Heysel, l’Atomium. L’histoire. La fierté. Quand seront-ils à vendre eux aussi ?

L’expo Merckx – Ickx se tient au Trade Mart (Trade Mart, square de l’Atomium 1, Bruxelles) jusqu’au 21 juin 2015. Prix: 13 euros (15 euros, week-end et jours fériés) pour les adultes, 8 euros (9 euros, week-end et jours fériés) pour les jeunes de moins de 16 ans. Plus d’infos sur le site www.merckx-ickx.be.

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