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“Trump et la réciprocité, c’est ‘Aime ton prochain comme toi-même’ ou… ‘Oeil pour oeil, dent pour dent’ ?”

Donald Trump, président des Etats-Unis s’est récemment passé des services de Mike Flynn, son conseiller principal sur les questions de sécurité nationale. C’est à celui-ci que l’on devait un point clé de la doctrine du président en matière de politique étrangère. L’avenir nous dira s’il continuera de s’y tenir, maintenant que le général est sur la touche.

Le point de vue de Mike Flynn en matière de géopolitique étit celui-ci : l’ennemi des Etats-Unis, c’est l’islam et tous ceux qui partagent cet ennemi avec les Etats-Unis doivent faire front commun. C’est cette conviction qui justifie en particulier le pataquès de l’interdiction d’entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans alors même qu’ils détenaient déjà un visa et, selon la même logique, les yeux doux faits à la Russie, allié objectif face à l’Islam.

Pourquoi cette analyse ? Nous ne sommes pas dans le secret des dieux, mais il est relativement simple de reconstruire le raisonnement sous-jacent et d’examiner ensuite s’il tient la route. Il existe pour chacune des cultures humaines des manières multiples de concevoir leurs rapports avec d’autres. S’il nous paraît évident que tous les êtres humains appartiennent à la même espèce (ce qui est confirmé par le fait que nous sommes tous interfertiles), toutes les cultures ne pensent pas de même et certaines considéreront comme des ” chiens ” d’autres êtres humains du fait qu’ils appartiennent à un autre groupe ethnique ou qu’ils sont les fidèles d’une autre religion. Dans ces conditions, aucune réciprocité n’est possible entre les deux groupes, et l’on parlera alors de non-réciprocité entre eux.

Le pardon permet d’interrompre le cycle des représailles et rend impossible ces vendettas où l’on perd rapidement le souvenir de l’incident initial par lequel elles avaient débuté.

Si deux groupes se reconnaissent mutuellement le statut d’être humain, la réciprocité dans leurs relations devient possible, mais il existe là deux variétés possibles, que l’on pourra appeler, à la suite de Dominique Temple, la réciprocité négative, qui est la forme la plus élémentaire de la réciprocité, et la réciprocité positive, qui en est la forme élevée.

La réciprocité négative, c’est ce que l’on appelle aussi la loi du talion : ” OEil pour oeil, dent pour dent “. La réciprocité positive, c’est : ” Aime ton prochain comme toi-même “. L’un et l’autre type de réciprocité, on l’aura compris, reconnaissent bien autrui comme un être humain pareil à soi-même, et capable en particulier de comprendre un raisonnement du genre : ” Si tu me fais un mauvais coup, je te rendrai la pareille ! ” La réciprocité négative risque bien entendu de créer un enchaînement de vengeances qui, en devenant inextricable, tend à se perpétuer. La réciprocité positive du ” Tends l’autre joue ! ” fait intervenir au contraire un amortisseur : le pardon permet d’interrompre le cycle des représailles et rend impossible ces vendettas où l’on perd rapidement le souvenir de l’incident initial par lequel elles avaient débuté.

Que se passe-t-il lorsqu’une culture de la réciprocité positive se trouve face à une culture de la non-réciprocité ? Elle peut persister dans son attitude, en espérant que l’autre finira par calquer son comportement sur le sien. Ou elle peut se lasser. C’est là qu’interviennent des généraux comme Mike Flynn, qui diront : ” Ça suffit, on a assez donné ! Nous allons désormais vous rendre la monnaie de la pièce ! ” Il ne s’agit pas, espérons-le, de tomber dans la non-réciprocité mais de rétrograder d’un stade dans la réciprocité négative, dans le ” OEil pour oeil “.

On pourrait être tenté d’approuver la manière de voir de Mike Flynn – et celle de Donald Trump s’il continue d’endosser l’opinion de son ancien conseiller. Il faudrait toutefois songer alors à la chose suivante : le président des Etats-Unis a nommé, dans son gouvernement et parmi ses conseillers, un grand nombre de milliardaires. Tous les milliardaires ne sont pas pareils, mais parmi ceux qu’a recrutés M. Trump, il y en a certains qui, à en croire leurs déclarations, ne sont tenants ni de la réciprocité positive, ni de la réciprocité négative, mais tenants de la non-réciprocité, considérant que quiconque ne partage pas leur talent à faire des milliards de dollars ne mérite pas véritablement le statut d’être humain. Autrement dit, il ne suffit pas de vivre à l’intérieur d’une culture du ” Aime ton prochain comme toi-même “, il faut encore avoir compris ce que disent les évangiles. Si l’on est, au contraire, un adorateur du Veau d’or, on ne vaut peut-être guère mieux sur le plan de la réciprocité que ceux contre qui l’on va mener croisade. Dans ce cas-là, c’est la parabole de ” la paille et la poutre “, qu’il faudrait rappeler à Donald Trump et à son inspirateur, Mike Flynn.

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