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Taux négatifs: ‘Les banques risquent d’ouvrir la boîte de Pandore’

Le fait que l’érosion monétaire puisse aussi frapper leur compte bancaire sera un choc pour beaucoup d’épagnants. C’est l’avis de Patrick Claerhout, journaliste au Magazine Trends

Les banques ont une fameuse épine dans le pied, à savoir le taux minimum de 0,11% imposé légalement sur les livrets d’épargne réglementés. Elles préfèreraient que le ministre des Finances supprime ce taux de base minimum. Beaucoup de banques vivent en effet des marges de taux qu’elles réalisent sur l’argent de l’épargne qu’elles convertissent en crédits. Du fait de la politique des taux faibles de la BCE, les crédits deviennent moins chers (et diminuent les revenus d’intérêts des banques), mais le taux minimum empêche les banques de moins rémunérer l’argent de l’épargne (et donc de diminuer leurs coûts financiers).

La demande des banques paraît plausible. Leur modèle de rémunération se trouve sous pression. La question est de savoir si la suppression du taux d’intérêt minimum sur les livrets d’épargne ferait une si grande différence. Prenez une banque comme KBC, qui a une base de dépôt d’environ 100 milliards d’euros. Un taux d’intérêt de 0,11% coûte donc à la banque 110 millions d’euros sur base annuelle. C’est à peine la moitié des 222 millions d’euros de taxes bancaires que KBC a payé l’an dernier à l’Etat et une fraction des 2,15 milliards d’euros de coûts opérationnels en Belgique. Peut-être les banques devraient-elles tout de même d’abord diminuer leurs coûts opérationnels, avant d’impliquer l’épargnant.

Le fait que l’érosion monétaire puisse aussi frapper leur compte bancaire sera un choc pour beaucoup de personnes.

Quelle lutte les banques mènent-elles, en fait? Le vrai agenda est qu’elles désirent avoir les mains libres pour imputer un taux d’intérêt nul ou même un taux d’intérêt négatif à leurs clients. Elles craignent en effet que Mario Draghi diminue une nouvelle fois le taux de dépôt en mars. L’argent que les banques n’utilisent pas et déposent auprès de la BCE leur coûte déjà 0,3% d’intérêts. Cela pourrait évoluer vers 0,4 ou 0,5%. Bien qu’elles déposent en général peu d’argent auprès de la BCE, les banques répercuteraient volontiers cela sur leurs clients.

Espérons que le secteur bancaire réalise que, avec cette stratégie, il risque d’ouvrir la boîte de Pandore. L’instauration de taux négatifs sur l’épargne pourrait très bien s’apparenter à un suicide commercial. Depuis des années déjà, les banques mènent une lutte contre l’utilisation de l’argent cash. Si elles devaient tantôt décider d’instaurer des taux négatifs sur l’épargne, cela se heurterait à une grande résistance de la part des citoyens. Beaucoup d’entre eux échangeraient leur argent déposé en banque contre du cash. Des milliards disparaîtraient à nouveau dans des coffres-forts et sous les matelas. Et la lutte contre l’argent liquide ferait un bond en arrière de plusieurs années.

En outre, un taux négatif sur l’épargne déstabiliserait lourdement la confiance des citoyens. Non seulement la confiance dans les banques, qui se trouve déjà en veilleuse depuis 2008. Mais aussi la confiance dans le système financier et dans la valeur de l’argent. Les gens réalisent bien que l’inflation engendre une dépréciation de leur argent. Mais le fait que l’érosion monétaire puisse également frapper leur compte bancaire aurait l’effet d’un choc. Les banques devraient faire attention si elles poussent la confiance du consommateur loin en-dessous de zéro. Et de cette manière, c’est une certitude, nous n’obtiendrons jamais un redémarrage de la croissance économique.

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