Qui était Bernard Maris, journaliste économiste tué au cours de l’attaque de Charlie Hebdo?
“C’était un homme tolérant, bienveillant, amical, bourré d’humour et surtout ne se prenant pas au sérieux”, a raconté à l’AFP, manifestement ému, l’éditorialiste des “Echos” Dominique Seux, qui débattait avec lui chaque semaine sur France Inter. “Bernard Maris était un homme de coeur, de culture et d’une grande tolérance. Il va beaucoup nous manquer”, a déclaré de son côté dans un communiqué Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, saluant celui qui a été nommé en 2011 au conseil général de la banque centrale.
Diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse en 1968, agrégé de sciences économiques en 1994, il avait récemment achevé sa carrière d’enseignant-chercheur à l’université Paris 8 après un détour plus ancien par Toulouse I. Mais ce chercheur reconnu, né le 23 septembre 1946, était familier de beaucoup pour ses multiples interventions à la radio et à la télévision et ses tribunes dans la presse.
Actionnaire de Charlie Hebdo depuis 1992, il rédigeait dans l’hebdomadaire satirique chaque semaine une chronique signée “Oncle Bernard”, qui “faisait référence”, selon Dominique Seux. Et illustrait ses talents de vulgarisateur jusqu’à devenir tellement inclassable qu’il était souvent présenté comme un “journaliste-économiste”. Il a d’ailleurs écrit de nombreux ouvrages aux titres évocateurs parmi lesquels Ah que la guerre économique est jolie ! en 1998 ou Marx, oh Marx, pourquoi m’as-tu abandonné? en 2010. Mais ce sont ses “Anti-manuels d’économie” sortis au début des années 2000, et dont le premier tome est consacré aux fourmis et le second aux cigales, qui ont connu le plus de succès. Originaire du sud-ouest dont il avait gardé un bel accent qui le rendait reconnaissable dans n’importe quel débat, l’économiste a longtemps défendu les thèses de la décroissance, prônant les valeurs de l’économie collaborative et participative et fustigeant les ravages de la société de consommation. Membre du conseil scientifique d’Attac et candidat des Verts aux législatives de 2002, Bernard Maris était aussi un universitaire reconnu.
En 2011, le président du Sénat Jean-Pierre Bel avait créé la surprise en le choisissant pour intégrer le conseil général de la Banque de France. Récemment, Bernard Maris s’était attiré les foudres, y compris à gauche, après avoir pris position pour la disparition de l’euro. Toujours sur plusieurs fronts, il avait publié en 2014 Houellebecq économiste(Flammarion). Il voyait en effet dans les romans de l’écrivain provocateur une analyse lucide des rapports économiques, du monde du travail et de la désindustrialisation. Bernard Maris, père de deux enfants, défendait enfin la mémoire de l’écrivain Maurice Genevoix, grand témoin de la guerre de 14-18, dont il avait épousé la fille, Sylvie Genevoix.