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Qui va aider Hannah à acheter son logement malgré les spéculateurs ?
Les parlementaires flamands Michèle Hostekint (SP.A) et Joris Vandenbroucke (SP.A, chef de groupe) à propos de la ‘surchauffe du marché du logement’: ‘Ce que nous devons faire, c’est calmer la frénésie d’achat des spéculateurs.’
Elle n’a pas besoin de chercher, pour savoir précisément quand elle a commencé à travailler. Quand Hannah* a commencé à faire des jobs étudiants, elle avait juste dix-huit ans. Et ce travail pendant ses études était nécessaire. Indispensable même. Pas seulement pour financer ses études, mais aussi pour payer son kot à Gand et couvrir d’autres frais. Aujourd’hui, Hannah a 33 ans. Elle travaille depuis quelques années à temps plein et elle est plus qu’heureuse, prête à mordre dans la vie à pleines dents. Cette self-made woman désire ce que beaucoup de trentenaires veulent : un logement à elle, de préférence dans le quartier chic de Gand où elle loue aujourd’hui.
Nous devons éviter que la bulle financière du marché du logement nous éclate au visage
Mais sa quête pour un appartement abordable est déjà en cours depuis bien longtemps. Allez-y seulement, sans matelas financier de qui que ce soit. Le calcul est facile. Son salaire moins ‘la vie’, voilà son budget mensuel pour un prêt. Par la force des choses, Hannah compte que la banque lui prête 100% du montant de l’achat. Il n’en est pas ainsi ? Fin de l’histoire.
Les prix sur le marché du logement sont déjà à la hausse depuis un moment. Afin d’éviter qu’une bulle financière du marché du logement éclate à notre visage, la Banque Nationale émet des signaux d’alarme manifestes depuis quelques semaines. L’objectif ne peut en effet pas être que nous nous retrouvions dans une situation où les propriétaires ne peuvent subitement plus rembourser leur crédit.
Une première proposition de limiter le crédit hypothécaire à 80% du montant de l’achat paraissait dès lors logique. Mais vous privez ainsi de leur rêve une grande partie des jeunes, ceux qui ne peuvent pas s’appuyer sur le soutien financier de leurs parents.
“Dans ce cas, les banques doivent elles-mêmes veiller à une réserve de fonds”, a été l’alternative. A première vue, cela paraissait également bien. Mais nous savons bien sûr tous que les banques alimentent cette réserve ou matelas financier avec l’argent de leurs clients, sous la forme d’un taux d’intérêt plus élevé. Bref, Hannah se trouve dans une impasse.
Les recettes ci-dessus sont trop unilatérales pour protéger un marché du logement de la surchauffe. Mais qui pousse les prix du logement vers le haut ? Les Hannah ou les spéculateurs qui ne savent pas quoi faire avec leur argent, refinancent des crédits à des taux plancher et achètent des habitations pour les mettre en location ?
Il est clair que nos gouvernements ne font pas le jeu d’Hannah mais bien des spéculateurs, qu’ils soutiennent dans leur frénésie d’achat. En donnant une réduction sur le droit d’enregistrement surtout aux acheteurs de maisons chères. Par un bric-à-brac de fiscalité sur la fortune qui contraint quasiment les gens à investir dans l’immobilier. En développant davantage de politiques pour les personnes capables de faire des donations et des legs, mais trop peu pour celles à qui rien ne peut être offert.
Nous devons éviter que la bulle financière du marché du logement nous éclate au visage
Ce que nous devons faire, c’est calmer la frénésie d’achat des spéculateurs et aider les Hannah. Comment ? En gardant le terrain en propriété coopérative et en ne vendant que les logements qui s’y trouvent. En aidant, en tant que décideurs politiques, à prendre en charge ces 20% – que la banque ne peut pas prêter – par des prêts hypothécaires sociaux. En adoptant une fiscalité équitable qui demande davantage aux fortunes (et ce peu importe si elle consiste en actions ou en biens immobiliers) et donne davantage de latitude aux Hannah qui travaillent durement. Et en veillant finalement à ce que les réductions d’impôt soient surtout ciblées sur ceux qui font aujourd’hui face à des prix du logement élevés.
Afin de vraiment permettre à Hannah et ses pairs de croire qu’eux aussi – indépendamment du portefeuille de leurs parents – peuvent se payer un propre toit, nous devons oser repenser fondamentalement la fiscalité du logement et de la fortune.
Cela exige une pensée à long terme, comme Paul De Grauw l’a fort justement écrit, avec une vision qui porte plus loin que les prochaines échéances électorales. Chaque occasion est bonne pour appeler à ce que notre société offre des chances à chacun, mais que chacun doit ensuite également les saisir. Hé bien, il est alors temps d’également traiter le marché du logement en fonction de cette belle devise. Ce serait une erreur de s’arrêter à une seule mesure qui est confortable pour les banques et les riches. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas saisir la chance d’éviter un drame social pour nos jeunes qui travaillent dur.
*Hannah est un nom fictif, mais son histoire est vraie.
Michèle Hostekint est parlementaire flamande (SP.A) et Joris Vandenbroucke est chef de groupe SP.A au Parlement flamand.
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