Besix : un carnet de commandes de 2,7 milliards aux Emirats arabes unis

© Aldar

Six Construct (groupe Besix), a fêté son centenaire l’an dernier sur fond de crise aigüe. Mais après un moment de flottement, l’entreprise de construction belge vient d’aligner coup sur coup des contrats dont le volume en fait le principal acteur européen dans la région.

Tapi dans le quartier industriel d’Al Quoz, dans les faubourgs de Dubaï, le siège de Six Construct Building (QG de Besix pour le golfe Persique) n’a rien de majestueux. Difficile même de le débusquer au milieu de la forêt de gratte-ciel parfois arrêtés ou ralentis depuis la crise de l’an dernier. Les seuls repères verticaux sont les grues à l’enseigne rouge et bleue, parquées sur le terrain voisin servant à stocker le matériel de chantier. Un siège qui correspond à l’image “profil bas” des constructeurs belges, présents ici depuis près de 45 ans déjà, lorsque le CEO actuel du groupe, Johan Beerlandt, y faisait ses classes.

Cette façade ne correspond plus en rien aujourd’hui avec ce que ce groupe – détenu à 50 % par la dynastie égyptienne Sawiris (Orascom) – “pèse” ici financièrement, malgré une fonte des commandes de 3,6 à 2,4 milliards d’euros pour l’ensemble du groupe en 2009. La part des contrats désormais engrangés dans le Golfe dépasserait les 60 % du total. Rien qu’à Abu Dhabi, le carnet de commandes de Besix représente quelque 10 milliards de dirhams, soit 2,7 milliards de dollars.

“Comme tout le monde dans la région, nous avons vécu 18 mois de repositionnement. On ne s’en cache pas, avoue Philippe Dessoy, general manager pour le golfe Persique. La population locale a fondu de moitié en quelques années. Sa frange la plus temporaire et précaire, bien sûr. Chez Jan De Nul, à Dubaï, tout a été stoppé quasi net. Des centaines de familles d’expatriés sont reparties. Nous aussi, nous avons dû licencier un peu, ne pas renouveler les contrats temporaires.”

Au-delà de la mise au frigo des projets programmés avec le groupe local Nakhil, anéanti par la crise et dans lequel l’Etat dubaïote a dû réinvestir 8 milliards de dollars, Six Construct avoue avoir également dû arrêter net certains chantiers, comme celui d’une ligne de tramways dans la zone de la Marina, ou celui d’un pont vers une île artificielle, avortée. La seule île qui a vu le jour est celle de Palm Jumeirah.

“Face à cette situation, nous avons relancé directement les équipes de projets sur de nouveaux marchés, en répondant plus proactivement aux appels d’offres. Et nous avons décroché coup sur coup quelques gros contrats qui nous permettent de voir venir. A Abu Dhabi surtout, mais aussi dans l’émirat de Bahrein, où nous allons construire un viaduc de 2,5 km de long d’ici 2013”, précise Philippe Dessoy.

Abu Dhabi, le nouvel épicentre

Au coeur d’Abu Dhabi, la capitale des Emirats Arabes Unis, le chantier de la Cleveland Clinic, du nom de l’université US qui la gérera en partenariat avec l’Etat émirati, représente à lui seul le plus important contrat jamais signé par Besix. Ce contrat, conclu avec la branche “Healthcare” du fonds souverain local Mubadala en partenariat avec Samsung (60 % Besix, 40 % Samsung), représente un montant de 940 millions d’euros (dont 560 millions pour Besix). La Cleveland Clinic est un projet de 400.000 m² (375 chambres, dont des suites médicales royales) et sera construite sur l’île Sowwah. Les travaux ont commencé en mars dernier et s’achèveront fin 2012.

Ce partenariat récurrent avec le groupe coréen semble d’ailleurs réussir aux Belges dans les émirats. Après le siège du fonds souverain ADIA, sur la corniche, Samsung était également arriméà Six Construct pour le Ferrari Dôme et pour le chantier du siècle à Dubaï, celui de la Burj Dubai (plus de détails en pages 64 à 66).

Non loin de la Cleveland Clinic, Six Construct construira également dans les deux prochaines années le nouveau siège de l’ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company). A 360 m de haut et à quelques mètres du majestueux Emirates Palace, un hôtel de luxe hors catégorie dont la coupole figure également au tableau de chasse des Belges, ce sera la plus haute tour de la corniche (front de mer) d’ici trois ans. Le contrat porte sur près de 408 millions de dollars.

Ce n’est pas tout ! “Depuis plusieurs années, le groupe Archirodon, un constructeur grec, chipotait pour terminer le pont Sheik Zayed, long de 800 m, le troisième à relier l’île principale de la ville à la terre ferme. La municipalité en a eu assez d’attendre et nous a contactés pour terminer ce chantier de génie civil, dessiné par l’architecte Zaha Hadid, raconte Philippe Dessoy. Nous avons mis nos conditions à cet appel négocié et avons repris l’achèvement du projet – essentiellement la construction du tablier. Avec la signature de ces nouveaux contrats, nous avons même dû réengager une soixantaine de cadres.”

Des villas sur pilotis, hors catégorie

A Abu Dhabi, la première phase du projet de complexe résidentiel Al Gurm, lancée voici plus de six ans (73 villas de luxe de 1.500 à 2.000 m²), est enfin en phase d’achèvement. Un complexe hôtelier devait initialement y être construit. Le chef de projet, Valéry Paquier, un Nivellois expatrié depuis 10 ans dans le Golfe qui nous fait visiter le chantier, nous confirme la nouvelle : crise oblige, le projet de resort hôtelier sera également reconverti en seconde phase résidentielle par le partenaire local de Besix, l’omniprésent promoteur Aldar. “Aujourd’hui, c’est le projet de Six Construct qui monopolise le plus de main-d’oeuvre ici, environ 3.000 personnes directement sur le pay-roll de Besix”, confie Valéry Paquier.

Réservé à l’élite du pays (dont la famille royale), le complexe dessiné sur la mangrove et sur des îles artificielles par un architecte thaïlandais, sera un des plus luxueux de la capitale. Il accueillera également quelques VIP. Pietro Ferrari, le fils d’Enzo, en a acheté deux. Non loin de là, le président de Ferrari, Luca di Montezemolo, en a réservé une plus grosse encore, qu’il espère bien occuper avant le prochain Grand Prix de F1 local (le 14 novembre) et l’ouverture du Ferrari Dôme, premier parc de loisirs signé Ferrari dans le monde, selon un concept élaboré avec Aldar et qui pourrait être décliné ailleurs si le projet est commercialement porteur. Selon les plans les plus optimistes, on attend jusqu’à un million de personnes sous l’immense dôme de 240.000 m²… construit par Six Construct, qui pourrait contenir le Vatican, dit-on sur le site dont la pré-ouverture est prévue en octobre prochain.

L’aéroport et les musées en point de mire

Sur la zone de l’aéroport, Six Construct termine également la construction d’un nouveau terminal réservé au président des UAE et à ses invités de marque. Un contrat de quelque 100 millions d’euros à exécuter en un temps record. “Mais une nouvelle piste et un nouveau terminal Etihad, du nom de la compagnie aérienne étatique locale, sont déjà dans les plaquettes. Un chantier mirobolant d’environ 4 milliards de dollars pour lequel nous devrions remettre offre fin 2010”, annonce Philippe Dessoy, qui admet au passage être très courtisé pour l’instant par ses concurrents internationaux pour conclure des associations momentanées.

D’ailleurs, la boulimie venant en mangeant, Besix ne compte pas en rester là. Il vient également de remettre offre pour la première phase du chantier du musée Guggenheim, dessiné par Frank Gehry et bientôt érigé sur l’île de Saddyiat, alias “l’île des musées”. Un front de mer où devraient se succéder en enfilade cinq musées, tous signés par des grands noms de l’architecture contemporaine. “D’ici peu, nous poserons également notre candidature pour participer en association à la construction du futur musée du Louvre. Un projet qui demandera pas mal de savoir-faire, signé par l’architecte Jean Nouvel”, finit par ajouter Philippe Dessoy. Un musée pour lequel Abu Dhabi aurait versé la somme mirobolante de 400 millions de dollars rien que pour pouvoir exploiter le nom du Louvre…

Philippe Coulée, à Dubaï

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