Google s’empare de Motorola

© REUTERS/Brendan McDermid

L’acquisition de Motorola, la plus grosse jamais réalisée par Google, marque son incursion dans le hardware. Et renforce son système d’exploitation Android.

Le géant américain de l’internet Google cherche à donner un élan supplémentaire à son système d’exploitation Android en rachetant le fabricant de téléphones portables Motorola Mobility et son portefeuille de brevets pour 12,5 milliards de dollars.

17 000 brevets et 7 500 autres à venir

Cette acquisition, la plus grosse jamais réalisée par Google, marque l’arrivée du groupe de Mountain View dans le monde du “hardware” (matériel), une révolution alors qu’il s’était jusqu’ici cantonné au seul domaine du “software” (logiciels et services). Il lui permet surtout de mettre la main sur les quelque 17 000 brevets possédés par l’équipementier, ainsi que ses 7 500 autres en attente, et de protéger un peu plus son système d’exploitation contre ses rivaux, notamment Apple et Microsoft. Mais il va probablement avoir un impact important sur les autres fabricants de téléphones portables qui utilisent Android, comme le taïwanais HTC ou le sud-coréen Samsung.

Google propose 40 dollars par action de sa cible, ce qui représente pour les actionnaires de Motorola Mobility une prime de 63% sur le cours de clôture de leur titre de vendredi. Par conséquent, le titre Motorola s’est envolé à la Bourse de New York de 55,78% à 38,12 dollars, tandis que Google cédait 1,16% à 557,23 dollars. “L’acquisition de Motorola Mobility, un partenaire dévoué d’Android, va permettre à Google de ‘booster’ l’écosystème d’Android et va intensifier la concurrence dans l’informatique mobile”, s’est réjoui le groupe américain. Elle va aussi permettre à Google “de mieux protéger Android contre les menaces anti-concurrentielles de Microsoft, Apple et d’autres compagnies, “a souligné le PDG du groupe internet Larry Page, lors d’une téléconférence.

Google a récemment dénoncé une “campagne hostile” contre le système d’exploitation menée par Microsoft, Oracle, Apple et d’autres, “par le biais de brevets bidons”, et cherche donc à étoffer son propre portefeuille de brevets. Début juillet il n’était pas parvenu à racheter ceux de l’équipementier canadien en télécoms Nortel, en faillite, coiffé au poteau par un consortium comprenant Apple et Microsoft. Mais mi-juillet il a racheté plus de 1000 brevets à la société informatique IBM.

L’acquisition de Motorola Mobility, que le groupe espère finaliser fin 2011 ou début 2012, doit encore être approuvée par les autorités américaines, européennes et dans d’autres pays, a indiqué le responsable juridique de Google, David Drummond. Mais il se dit “confiant” sur leur feu vert. Google a assuré qu’Android resterait disponible à tous les fabricants de téléphones. “Android est encore ouvert”, a insisté le PDG Larry Page.

“Forte pression” sur les fabricants de smartphones Android

Même si Google s’en défend, cet accord peut toutefois modifier le secteur des équipementiers télécoms. La protection supplémentaire apportée aux brevets d’Android “est probablement la seule bonne nouvelle” pour les partenaires de Google, a souligné auprès de l’AFP l’analyste Michael Gartenberg, de Gartner. “On passe soudainement d’un secteur où Android aplanissait les différences” entre les différents équipementiers utilisant le système d’expoitation à un système où “ils sont tous en concurrence les uns avec les autres mais aussi avec Google”, a-t-il noté. Avec cet achat, “on peut se demander si (Google) va garder la marque Motorola ou si on va commencer à voir des téléphones Google”, a-t-il remarqué.

Les fabricants de téléphones portables utilisant le système d’exploitation Android de Google ont bien accueilli la nouvelle du rachat de Motorola Mobility, mais cette opération va peut-être les forcer à repenser leur stratégie. “Nous nous réjouissons de la nouvelle de l’acquisition d’aujourd’hui, qui démontre que Google est profondément engagé dans la défense d’Android, de ses partenaires et de l’écosystème dans son entier”, a commenté le directeur général d’HTC Peter Chou. Mais pour plusieurs analystes, l’information n’a sans doute pas été si bien accueillie dans les conseils d’administration des équipementiers.

“Cela impose une forte pression sur (les fabricants de matériels) qui ont construit leurs activités autour d’Android”, a ainsi déclaré l’analyste Michael Gartenberg, de Gartner, à l’AFP. “Tant qu’ils peuvent avoir accès à Android, c’est bien”, a-t-il souligné. “Mais le défi pour Google est très simple: personne n’a jamais réussi à proposer une licence sur un système d’exploitation tout en étant en concurrence sur cette licence”. Même si le géant de l’internet continue de proposer son logiciel gratuitement, deux situations se profilent: soit Google fait mieux avec Motorola que ceux qui utilisent sa licence, soit il fait moins bien. Dans les deux cas, cela crée de la “frustration”, a noté Michael Gartenberg. “Beaucoup de gens vont devoir repenser leur stratégie”, a-t-il affirmé.

Selon Ken Auletta, auteur d’un livre sur Google, le groupe “a récemment beaucoup oeuvré pour rassurer les compagnies de téléphones sur le fait que son système d’exploitation Android restera ouvert à tous et ne sera pas réservé à un seul, contrairement à l’iPhone d’Apple”. “Même si Google dit que son achat de Motorola ne lui conférera pas un traitement préférentiel, il ne faut pas être surpris si peu de personnes y croient”, écrit-il sur un blog du magazine New Yorker.

Pour l’analyste de Forrester John McCarthy, l’accord place Google “dans une position étrange”, où le groupe “essaie d’être un fournisseur d’un ‘environnement’ ouvert tout en étant en concurrence avec ses ‘clients'”. Microsoft pourrait vouloir offrir son propre système d’exploitation, Windows Mobile, aux équipementiers comme une alternative à Android, estime-t-il dans une note. “Pour Samsung et HTC, changer (de système d’exploitation) ne serait ni bon marché ni facile mais Microsoft a en réserve beaucoup de liquidités pour aider sur la partie financière”, renchérit Paul Ausick, sur le site internet 247WallSt.com.

Selon le cabinet Gartner, Android équipait 43% des 107,7 millions de “smartphones” vendus au deuxième trimestre dans le monde, selon le cabinet Gartner, et équipera près de la moitié des smartphones d’ici à la fin de l’année prochaine, avec une part de marché de 49,2%. La part de marché d’Apple sur ce secteur devrait rester stable, autour de 18,9% en 2012. Mais Windows, qui devrait détenir 5,6% du marché fin 2011, devrait passer à 10,8% fin 2012, tout cela au détriment du canadien RIM, le fabricant de BlackBerry, et de Symbian de Nokia, prévoit Gartner. Le groupe finlandais a annoncé en février que le système d’exploitation de Microsoft allait devenir le principal support de ses téléphones multifonctions.

Trends.be avec L’Expansion.com

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