Des poissons qui font pousser des légumes, ça peut rapporter gros (et ce n’est pas une blague)

/ © JBGG

Des laitues qui poussent grâce aux excréments des truites qu’elles surplombent, l’idée peut faire peur. Pourtant ce système, baptisé l’aquaponie, se développe à toute vitesse.

L’aquaponie est née il y a fort, fort longtemps. Chez les Mayas pour être précis. Depuis, le système s’est largement modernisé, et fait le bonheur des écologistes. Andreas Grabber, chercheur à Zurich, l’a bien compris : l’aquaponie, c’est un peu le futur de l’aquaculture. C’est du moins ce qu’il espère. Alors que les élevages classiques de poissons sont montrés du doigt pour la pollution qu’ils génèrent, l’aquaponie, elle, est résolument verte.

Les excréments des poissons, engrais pour les plantes

Le principe est simple, du moins en apparence. Des poissons d’eau douce baignent gracieusement dans un aquarium rempli de l’eau du robinet, et rejettent des excréments. Ceux-ci sont pleins d’ammoniaque, une substance très nocive pour nos amis à nageoires. Ils sont alors envoyés dans une cuve remplie d’étranges bouts de plastique, sur lesquels se développent des bactéries. Grâce à l’action de ces dernières, l’ammoniaque se transforme en nitrate, un engrais naturel pour les plantes. Celles-ci reçoivent les nutriments, et en échange, nettoient l’eau des poissons. Dans ce système presque fermé, rien ne se perd. La même eau est réutilisable à outrance, et les rares composants d’excréments qui ne sont pas utiles sont revendus à des agriculteurs.

Andreas Grabber a fondé une petite start-up, Urbanfarmers, pour importer ce concept novateur en pleine ville, à Bâle. Selon lui, ce serait la solution idéale pour diminuer la quantité d’importations de légumes que réalise la Suisse. En seulement un an, sa ferme urbaine a produit cinq tonnes de végétaux, et 800 kilos de poissons. La productivité d’un tel élevage serait en moyenne de 4 à 5 fois supérieure à celle d’un élevage classique. Résultat, en dépit de lourds investissements, le projet a été rentabilisé en seulement deux ans.

Des légumes presque bio

Le procédé se veut écologique de A à Z. D’abord, grâce aux économies d’eau qu’il permet. Au lieu des 100m³ d’eau nécessaires pour produire un kilo de poisson en aquaculture, il n’en faudrait là que 7m³. Ensuite, parce que les poissons ne sont nourris qu’à partir de végétaux, comme le soja, et ne sont pas non plus soignés aux antibiotiques. Les plantes, elles, n’ont besoin d’aucun pesticide. Petit plus, chez Urbanfarmers, c’est à vélo qu’on livre ses tomates aux restaurants gastronomiques de la région. Malgré toutes ces propriétés alléchantes, les produits issus de l’aquaponie ne peuvent être labellisés “bio” en Europe. La législation oblige en effet à ce que les plantes poussent dans la terre pour obtenir cette qualification.

L’aquaponie séduit en tout cas de plus en plus d’éleveurs, à commencer par les Allemands, mais aussi les Belges depuis quelques années, avec deux projets majeurs, à Bruxelleshttp://aquaponiris.be/, et dans les Ardenneshttp://www.aquaponia.eu/.

Les Etats-Unis, foyer de l’aquaponie

C’est aux États-Unis que l’on trouve les projets les plus avancés. Les premiers y sont nés dans les années 1970 et depuis, ils ont poussé sur le territoire comme des champignons. L’aquaponie est ainsi devenue l’un des secteurs au développement le plus rapide dans l’agriculture du pays. Chaque année, il augmenterait de 6,5%. En 2007 déjà, l’USDA (U.S Department of Agriculture) dénombrait 6409 fermes pratiquant l’aquaponie. Cette industrie florissante pèserait aujourd’hui selon l’USFRA (U.S Farmers & Ranchers Alliance) plus d’1,4 milliard de dollars.

Pour profiter de cette manne financière attractive, les éleveurs multiplient les projets pharaoniques. Le plus impressionnant se trouve tout près de l’aéroport de Chicago, dans un immense hangar de 9000 mètres carrés. Sur plusieurs étages, s’entassent salades et plantes aromatiques. Les poissons, eux, gambergent dans de grandes cuves, sous des éclairages industriels destinés à accroître leur productivité. Ces bassins ne sont pas aussi exotiques qu’à Bâle. Mais l’industriel assure que la densité des poissons qui y est pratiquée n’est pas supérieure à celle d’un élevage d’aquaculture. Ce qui est certain, c’est que sa ferme affiche une productivité au m² à faire pâlir d’envie ses concurrents. Seraient ainsi cultivés chaque année 50 tonnes de légumes, principalement à forte valeur ajoutée. Lorsqu’on sait que la demande alimentaire dans le monde ne cesse d’augmenter, alors que la surface agricole, elle, se raréfie, on comprend alors tout l’intérêt de ce type de culture.

En attendant, il est aussi possible pour n’importe quel particulier un peu bricoleur de créer son propre système, à la maison. Nul besoin pour cela de beaucoup d’espace, ni d’efforts. C’est Némo, votre poisson rouge, qui se chargera tout seul de faire pousser vos salades.

Perrine Signoret (stg)

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