Amid Faljaoui

La musique artificielle, un nouveau casse-tête économique

Une chronique d’Amid Faljaoui.

On savait que l’intelligence artificielle allait bouleverser les médias. Mais on ne s’attendait pas à ce qu’elle envahisse aussi vite la musique. Sur Deezer, un tiers des nouveautés sont aujourd’hui générées par IA selon les chiffres dévoilés par mes confrères du Figaro.

Cela représente près de 40 000 titres par jour, créés sans compositeur, sans chanteur, sans musicien. En janvier, ils n’étaient que 10 %. En moins d’un an, la part de musique artificielle a donc triplé. Et toutes les plateformes sont concernées. Spotify, par exemple, a supprimé 75 millions de morceaux produits automatiquement.

La plupart étaient publiés par des “fermes à musiques”, ces structures qui génèrent des chansons à la chaîne pour grappiller quelques centimes d’écoute. Résultat : le modèle économique du streaming se retrouve sous pression. Motif ? Les revenus sont partagés entre tous les titres écoutés. Plus il y a de morceaux artificiels, moins il reste d’argent pour les artistes humains.

Selon la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs, l’IA pourrait, d’ici 2028, représenter 20 % des revenus du streaming mondial. Et faire perdre jusqu’à 4 milliards d’euros par an aux créateurs. Derrière ces chiffres, c’est toute la chaîne musicale qui vacille : les producteurs, les éditeurs, les interprètes… Bien entendu, les plateformes, elles, y voient une opportunité : plus de contenu, à moindre coût.

Autre problème, plus insidieux encore : la confusion entre le vrai et le faux. Une étude Ipsos réalisée pour Deezer et citée par Le Figaro montre que 97 % des auditeurs sont incapables de savoir si un morceau est humain ou non. La différence devient imperceptible. Et si plus personne ne sait ce qui est “vrai”, comment rémunérer la création ?

Les majors de la musique, de leur côté, essaient de reprendre la main. Universal a signé des partenariats avec des start-up d’intelligence artificielle, comme Stability AI ou Udio, pour encadrer cette nouvelle production et éviter le piratage sonore. Et ce qui, au départ, relevait de l’expérimentation artistique devient aujourd’hui une activité industrielle. Des milliers de producteurs automatisent la création de chansons pour alimenter les algorithmes.

Résultat : une explosion de l’offre… et une dévalorisation générale de la musique. Et au bout du compte, c’est tout l’équilibre économique du secteur qui change. Les plateformes y gagnent en volume, les artistes y perdent en valeur. Et derrière tous ces chiffres, il reste une certitude : le streaming, déjà peu rémunérateur, risque de l’être encore moins. Autrement dit, ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement le son du futur… c’est celui du portefeuille des artistes.

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