Travailler au 7e ciel

Serge Vanmaercke Journalist

Mille cinq cents mètres carrés où se côtoient équipements de bureau, tables de travail et collection d’art: tel est le concept de Cloud Seven, l’espace de co-working que le Français Frédéric de Goldschmidt ouvre en ce mois d’avril à Bruxelles. En prélude à cette ouverture, il y avait déjà organisé cet hiver une exposition de plus de 300 oeuvres d’art contemporain.

La rencontre avec Frédéric de Goldschmidt (1959) a lieu dans un décor simple aux allures dépouillées mais qui n’en compte pas moins de belles pièces de mobilier – des tabourets en bois recyclé signés Piet Hein Eek et une table en bois estampillée Jean Prouvé.

DE PARIS À BRUXELLES

Passionné d’art contemporain, l’homme l’est autant de Bruxelles qui lui a offert nombre d’opportunités. “A la sortie de mes études à l’HEC à Paris, j’ai décroché mon premier job en Belgique dans le Groupe Bruxelles Lambert, où j’étais conseiller chargé des participations dans l’audiovisuel et les médias. Une activité que j’ai ensuite poursuivie en France, notamment pour Maxwell et une filiale du groupe Vivendi Universal. Entre-temps, j’avais épousé une Belge qui m’a accompagné à Paris et avec qui j’ai eu deux filles.”

“Mais dans la mesure où divers projets de ces grands groupes n’ont jamais abouti, j’ai décidé de me mettre à mon compte en 2001. Et je suis revenu à Bruxelles, une ville que j’aime beaucoup. J’ai complètement changé d’orientation en y développant de petits projets immobiliers. Pour le prix d’un appartement à Paris, il m’était possible d’acheter deux maisons à Bruxelles. Mais ici aussi, les opportunités ont fini par se faire plus rares et j’ai mis fin à cette activité en 2007 en m’offrant un an de programme libre – visiter des galeries, la FIAC, Art Brussels, etc.”

L’ART DE LA COLLECTION PRIVÉE

“Un Manet que m’avait offert ma grand-mère (décédée en 1973) et que j’avais vu à peine deux fois, se trouvait dans un coffre à la banque, à Bruxelles. Il possédait une grande valeur et j’ai décidé, dès lors, de le vendre en 2008 et de monter, dans la foulée, une collection plus contemporaine.”

“J’ai eu un vrai coup de coeur pour les artistes du Groupe Zéro de Düsseldorf que j’ai découverts lors d’une exposition à la Galerie Sperone, à New York, en 2008. Et je me suis mis à collectionner des artistes contemporains en m’investissant dans la vie artistique belge et bruxelloise. Ici, les collectionneurs privés ont une vitalité, une originalité, un rôle, un poids, une responsabilité plus importants qu’en France, où tout est plus étatique et organisé. Que l’on songe à la Villa Empain, la Fondation CAB, la collection Vanhaerents, Galila’s P.O.C., la Fondation Thalie, etc. J’ai rassemblé, au cours des deux premières années, un grand nombre d’oeuvres. Et comme je manquais de place, je les accrochais dans l’appartement parisien de ma mère, dans un garage, et même dans des appartements que je mettais en location.”

Si ma collection compte plus d’inconnus que de grands noms, tous relèvent du coup de coeur.

UN LIEU D’EXPOSITION

Aujourd’hui, la collection de Frédéric de Goldschmidt comprend plusieurs grands noms – Marcel Broodthaers, Marcel Duchamp, Lucio Fontana, Jannis Kounellis, Sol LeWitt, Piero Manzoni, François Morellet, Cy Twombly, Berlinde De Bruyckere – mais aussi des valeurs naissantes de la scène artistique bruxelloise – Aline Bouvy, Lieven De Boeck, Nadia Guerroui, Nicolás Lamas, Ariane Loze, Benoît Platéus, Fabrice Samyn…”

“J’ai organisé un premier accrochage d’une quinzaine d’oeuvres en 2010, l’année où, mon père étant décédé, j’ai repris sa société de production à Paris tout en poursuivant mon acti- vité de collectionneur à Bruxelles. Ne pouvant exposer ma collection chez moi, j’ai toujours eu l’ambition de me trouver un lieu où je puisse la montrer. Aujourd’hui, Cloud Seven n’est donc qu’une extension démultipliée de ce que je voulais faire dès le départ. C’est lorsque j’ai pu acquérir en vente publique, en 2016, un immeuble datant de 1820 et situé dans le quartier des quais à Bruxelles, que j’ai imaginé un business plan qui puisse tenir la route. La formule? Combiner à l’activité immobilière de location de bureaux, le pan artistique de ma collection d’oeuvres d’art. Laquelle, achetée de manière désintéressée au départ, pourrait dès lors avoir une répercussion économique tout en étant utile à d’autres.”

Cloud Seven est accessible avec une carte de membre mensuelle au prix de 300 euros. Les invités des membres sont admis à la journée (30 euros). www.cloudseven.be
Cloud Seven est accessible avec une carte de membre mensuelle au prix de 300 euros. Les invités des membres sont admis à la journée (30 euros). www.cloudseven.be

UN ENGAGEMENT SOCIAL

Si le nom et l’activité de Frédéric de Goldschmidt suggère l’aisance, sa collection d’art contemporain, elle, respire la poésie de matériaux humbles – ce qui ne signifie pas que les oeuvres n’aient pas de valeur.

“Avant même que je n’entreprenne une collection, j’ai toujours été émerveillé par la beauté pouvant naître du peu. Repartir de zéro – le principe fondateur du Mouvement Zéro après la Guerre 1940-45 – visait à susciter une émotion à partir de peu. L’oeuvre, le regard de l’artiste permet d’éduquer le nôtre et de renouveler l’expérience de l’émotion en dehors de l’art, dans la vie quotidienne.”

“Si ma collection compte plus d’inconnus que de grands noms, tous relèvent du coup de coeur. Mais je suis heureux de constater que lors des accrochages, le public qui vient souvent pour les grands noms, repart enchanté d’avoir découvert des artistes qu’il ne connaissait pas. Il s’agit d’un engagement social qui se veut un encouragement à la création.”

LA MAGIE DU CHIFFRE 7

Dans le nom du lieu, Cloud réfère à l’univers numérique mais associé à Seven, il évoque aussi le septième ciel. Le chiffre 7 possède d’ailleurs une signification multiple dans l’image de la marque. L’immeuble est situé au n° 7 du quai du Commerce. Il compte sept étages, il sera ouvert de 7h00 du matin à 7h00 du soir et accessible sept jours sur sept pour ceux qui y louent un bureau permanent à l’année (cinq jours par semaine pour les autres). Mais il est aussi en lien avec le 7e Art – durant la Guerre 1940-45, la société de production et de distribution cinématographique allemande UFA y a exercé ses activité. Un univers auquel Frédéric de Goldschmidt est lui-même intimement lié via ses parents, Gilbert de Goldschmidt et France Roche, qui furent respectivement producteur et journaliste de cinéma.

FAVORISER LE NETWORKING

“Il est prévu 69 postes de travail à Cloud Seven. Mais aussi des sièges dans le salon et au bar, et des canapés pour converser. Au total, l’espace aura une capacité d’une centaine de personnes. Bien sûr, tout le monde ne se présentera pas en même temps. L’idée est de proposer un environnement de travail de qualité et à la carte. Un bureau permanent pour ceux qui le souhaitent, des espaces isolés ou non de trois à quatre bureaux pour des petites entreprises, des bureaux sans place attitrée pour des périodes mensuelles et des bureaux loués à la journée. Seront également mis à disposition le wifi, un salon de projection et de conférence, des photocopieuses, un bar à café, de la petite restauration concoctée par un traiteur externe. Des éléments tels que le bar et la grande table l’accompagnant – qui favorisent, eux aussi, le networking – sont réalisés sur mesure par un menuisier. Cloud Seven comptera quatre employés. Quant au “recrutement” de clients amateurs d’art, il se fera surtout par le bouche à oreille.”

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