Sous le vignoble de Champagne, des coquillages vieux de 45 millions d’années

Au coeur du vignoble de Champagne, en France, un site fossilifère sous-terrain foisonne de milliers de coquillages ayant peuplé ce territoire voici 45 millions d’années, un héritage naturel exceptionnel qui attire visiteurs et chercheurs.

“C’est mon paradis”, confie Patrice Legrand, viticulteur et propriétaire de la Cave aux coquillages, implantée dans le Parc naturel régional de la Montagne de Reims, dans le nord-est du pays. Sous ce vieux corps de ferme qu’il a acquis en 1997, le long des 250 m du parcours de visite, des milliers coquillages apparaissent, encore emprisonnés dans une épaisse couche de calcaire, intacts depuis leur brusque disparition pour des raisons encore indéterminées. A côté des céphalopodes et des coquillages minuscules voire microscopiques qu’il faut tamiser puis trier en laboratoire pour pouvoir les observer, la vedette des lieux est sans conteste le Campanile giganteum, un gastéropode de 40 à 60 cm de long. “En plein milieu de l’ère tertiaire, au Lutétien, la Champagne était recouverte par une mer chaude et il régnait un climat tropical”, retrace le maître des lieux, passionné de paléontologie, dans les méandres des galeries qui s’enfoncent jusqu’à 28 m sous terre. “Ce ne sont pas des fossiles à proprement dit, car en réalité ils n’ont jamais fossilisé. L’homogénéité de la roche calcaire et la couche d’argile imperméable, au-dessus, ont permis cette conservation”, précise Patrice Legrand, en désignant des coquilles qui ont conservé un intérieur lisse et un extérieur aux reflets nacrés. Selon M. Legrand, qui a répertorié 300 espèces, on trouve de tels coquillages dans un périmètre de 15 km, mais ils n’ont jamais été mis en valeur de la sorte. Une particularité qui attire des chercheurs français et belges.

Sous le vignoble de Champagne, des coquillages vieux de 45 millions d'années
© http://www.geologie-oenologie.fr/cave-aux-coquillages-fossiles-decouvertes/imaginez

“Ce site nous a donné un regard sur le passé”, affirme Didier Merle, maître de conférence au Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui s’est rendu plusieurs fois sur place. “Il est exceptionnel car on y trouve une grande quantité de Campaniles giganteum. Nous avons ainsi pu mieux comprendre l’évolution des coquillages, les environnements et comment était constituée la biodiversité de l’époque”. Cet expert souligne qu’il n’existe “plus beaucoup de sites de cette époque-là à cause de l’urbanisation. Celui-ci est rare du point du vue du patrimoine géologique et il faut le préserver”. En 2015, cette cave champenoise où les vieux coquillages remplacent les vieux flacons a ainsi attiré 7.000 visiteurs.

Sous le vignoble de Champagne, des coquillages vieux de 45 millions d'années
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Profusion de coquillages

A certains endroits, les coquillages sont enchevêtrés et s’amoncellent sur un même bloc, quand ce n’est pas la pointe d’un Campanile giganteum qui ressort du plafond voûté de la cave, narguant l’Homme dont la présence sur Terre ne remonte qu’à 2,8 millions d’années. “Il faut avoir de la patience quand on commence à trouver un coquillage: on l’extrait dans un bloc, c’est le meilleur moyen de ne pas l’abîmer”, indique M. Legrand, qui creuse inlassablement depuis 1997, à l’aide de quelques outils basiques dont un marteau-piqueur électrique. A 55 ans, “le Creuseur” comme le surnomment ses voisins, passe ses journées dans ses galeries souterraines à 12°C, comme “un vrai gamin” émerveillé par cette profusion de coquillages. “La découverte est permanente ici”, dit-il à genoux sur le sol, un pic de géologue dans une main, un bloc recouvert de coquillages dans l’autre. “C’est inépuisable, c’est même affolant ! Je n’aurai pas le temps de tout creuser, j’en laisserai pour les générations futures”. Outre les visites guidées, des dégustations sont proposées aux touristes pour montrer le lien entre les sédiments marins dans le sous-sol, la vigne et le champagne. “La coquille a fixé l’iode marine et ne la libère que lorsqu’elle se dissout”, résume M. Legrand, qui a mis au point une cuvée très peu dosée en sucre, spécifique à ce terroir. “Et ça se marie très bien avec les coquillages, comme les huîtres!”, conclut-il dans un sourire.

Plus d’infos sur le site dédié.

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