Rêve de voiture: en quête d’une définition pour la dream car
Lors du dernier Salon de l’Auto de Bruxelles, un palais entier était dédié aux Dream Cars. Une belle idée. Et un record absolu : plus de 130.000 visiteurs. Preuve que la voiture continue d’interpeler notre imaginaire, qu’elle soit désirée ou inconnue, neuve ou recyclée, à l’essence ou électrique, à 50.000 ou à 15 millions d’euros. A l’évidence, le concept dream car s’avère extensible.
Texte Jo Bossuyt
En quête d’une définition pour la dream car? On en trouvera tout au plus un vague descriptif. Car il s’agit d’un concept très relatif, ne se limitant ni à quelques marques ni à un quelconque critère de prix. Une Alpine A110 à moins de 60.000 euros peut être une voiture de rêve au même titre qu’une McLaren 720 Spider ou qu’un ancêtre parfaitement conservé tel que la Lamborghini Miura.
L’expression dream cars est explicite : il s’agit de voitures dont on rêve, que l’on ne voit pas partout. Le Salon de l’Auto bruxellois leur consacre dès lors, depuis plusieurs années, un palais entier. L’objectif ? Donner aux vrais amateurs l’occasion de les admirer en vrai et de près.
Au siècle dernier, dans les années 1970 à 90 surtout, le public se rendait essentiellement au Salon pour voir des voitures dont il ne pouvait que rêver. C’est toujours le cas actuellement, mais dans une moindre mesure. Tout simplement parce qu’il existe aujourd’hui bien plus de dream cars. Et que l’on en voit circuler davantage. D’aucuns sont devenus plus riches ces trente dernières années, et l’époque actuelle s’avère donc faste pour les fabricants de voitures rapides et très coûteuses. Ainsi, en 2018, la légendaire marque italienne Ferrari a construit et vendu 8.398 voitures. Soit deux fois plus qu’en 2000 et près de dix fois plus qu’en 1970. Et les exemples d’autres marques sont légion. Conclusion ? Le marché des voitures de rêve s’est accru d’une façon exponentielle au cours des deux dernières décennies. Et de nouvelles marques y ont fait leur entrée.
Parmi celles-ci, l’un des noms les plus retentissants est McLaren, l’illustre écurie de F1 qui a fait d’Ayrton Senna, d’Alain Prost, de Niki Lauda et de Lewis Hamilton des champions du monde. McLaren propose désormais des voitures de production, fabriquées entièrement maison, au contraire d’autres nouveaux constructeurs de dream cars qui n’hésitent pas à emprunter un châssis ou un moteur auprès d’une valeur établie, parce qu’ils ne peuvent s’offrir un tel investissement. Chaque McLaren a sa place dans le segment des vraies dream cars. Telle la 600LT lancée récemment et qui n’est en fait qu’une version beaucoup plus rapide de la 570S avec laquelle on peut évoluer, le week-end, sur l’un ou l’autre circuit. Les prix sont, bien sûr, à l’avenant – de l’ordre de 235.000 euros.
La plus chère de tous les temps
Le terme dream car est le plus souvent associé à des marques dont le nom a une résonance magique : Lamborghini, Ferrari, Aston Martin, Porsche et Maserati. Mais il existe aussi des marques totalement inconnues du grand public – mais non des connaisseurs -, sauf si elles sont l’objet, à un moment ou à un autre, d’un intérêt médiatique en raison d’une exclusivité marquante se distinguant souvent par le prix. C’est le cas de la Pagani Zonda HP, la voiture la plus chère au monde – 15 millions d’euros – qui ne s’adresse forcément qu’à quelques happy few, l’accent étant particulièrement mis ici sur few puisque seuls trois exemplaires ont été produits.
Dans une classe de prix un peu plus modeste – entre 300.000 et 1 million d’euros -, il existe également plusieurs marques que le grand public ne connaît pas. Des voitures souvent construites sur la base d’un modèle existant ou plutôt d’une mécanique d’une marque réputée. Telle la Zerouno signée Italdesign – le studio de design qui a dessiné notamment la première Volkswagen Golf ou la Fiat Panda, mais qui, depuis, a rejoint le giron du groupe VW, se donnant ainsi les moyens de construire une supercar. La Zerouno coûte environ 1,5 million d’euros. Lors de son lancement en 2017, les cinq exemplaires construits ont été vendus d’emblée. D’ allure sportive, elle est techniquement d’excellente qualité, ce qui est logique dans la mesure où elle est construite sur la même base technique que l’Audi R8 (également propriété du groupe VW).
La relativité des prix
Les marques classiques jouent volontiers, elles aussi, dans la cour des voitures de rêve. BMW possède ses célèbres séries M – dont l’ultrarapide M2 Competition. Raison pour laquelle Mercedes a repris, en son temps, AMG, le tuner réputé, spécialisé dans les préparations de Mercedes, et en a fait une marque soeur produisant des voitures de sport exclusives. La dernière en date étant la Mercedes AMG GT 4, un coupé sportif à quatre portes que son V8 turbo propulse de 0 à 100 km/h en moins de 3 secondes. En dépit de sa formule 4 portes, plutôt familiale, elle reste un farouche pur-sang. Son comportement routier, sa suspension sportive, le décor agressif de son habitacle et même ses sièges ne laissent aucun doute : il s’agit d’une machine extrêmement sportive, dont le prix frôle les 160.000 euros. Et qui se démarque de l’ambiance cosy que Mercedes déploie dans sa Classe S ou sa nouvelle CLS.
Il n’est pourtant pas nécessaire qu’une dream car affiche un prix exorbitant. Ainsi, la très séduisante Alpine A110, qui peut en faire rêver plus d’un, coûte à peine 55.000 euros. Ou peut-être 60.000 ? Mais qu’importe. En réalité, dans l’univers des dream cars, l’argent est une question relative comme l’illustre ce qui suit. Sur le site de vente eBay est apparu récemment un set de jantes et de pneus pour une Bugatti Veyron – d’occasion, cela va de soi. Son prix ? Quelque 100.000 euros – une Veyron complète coûte près de 1 million d’euros. A peu près, bien sûr, car à partir de tels montants, on ne se préoccupe plus guère de la précision des prix. En ajoutant quelques dizaines de milliers d’euros à ces cent mille, c’est non pas un jeu de jantes pour Veyron mais une Porsche 911 complète que l’on pourrait acquérir. Sa nouvelle génération proposée depuis peu est équipée pour la première fois d’instruments de bord en grande partie numériques. Elle en fait, elle aussi, rêver plus d’un. Mais si la 911 est un peu plus présente dans les rues – inutile, pour en voir une, de prendre l’avion jusqu’à l’Ocean Drive de Los Angeles comme c’est le cas pour la Bugatti Veyron -, elle continue de faire son petit effet lorsqu’elle traverse les villages.
Avion De Chasse Sur Roues
C’est non pas une Veyron que Bugatti a exposée au palais des dream cars à Bruxelles mais une Chiron. Un avion de chasse sur roues. Qui compte 16 cylindres développant 1.500 chevaux. Ce qui lui garantit une vitesse de pointe de 420 km/h. Tellement rapide que l’on perd tout contact avec le temps et l’espace.
Cela étant, les dream cars ne doivent pas forcément afficher des chiffres vertigineux. Il est vrai qu’une Aston Martin DBS Superleggera roule également très vite – 340 km/h, ce qui interdit d’en confier le volant à des mains non expertes. Mais les irréductibles de la marque sont avant tout séduits par la touche artisanale qui caractérise chaque Aston – bois exquis, surpiqûres de finition pour l’intérieur cuir…
La DBS Superleggera se profile comme une riposte britannique à la furie italienne. La 812 Superfast est, dans la gamme de Ferrari, la machine qui succède à la F12. Au Salon, elle a attiré tous les regards. Mais ce qui importe le plus, c’est de l’écouter. Sous le capot règne un moteur V12 atmosphérique, sans turbo donc, qui produit un grondement unique. Surtout lorsqu’il monte dans les tours pour mettre ses 800 chevaux au galop. Cette bien nommée 812 Superfast atteint une vitesse de pointe de 340 km/h, mais c’est surtout son accélération qui se révèle impressionnante puisqu’elle peut passer de 0 à 100 km/h en 2,9 secondes. Soit des performances comparables à celles d’une F1. On ne peut que donner raison à la marque italienne lorsqu’elle avance qu’il s’agit là de la voiture de production à moteur avant la plus rapide.
Le cheval pris par le taureau
Chez Lamborghini, on ne rêve pas nécessairement d’être le plus rapide. Bien sûr, l’Aventador roule très vite – autour de 300 km/h. So what. Le constructeur de Sant’Agata Bolognese s’intéresse davantage au raffinement. Chez Lamborghini, on aime à dire que celui qui veut être vu dans une dream car achète une Ferrari, mais que le puriste amateur de technique choisit Lamborghini.
Il arrive que la rivalité qui opposait autrefois Lamborghini et Ferrari ressurgisse. Ainsi, dans l’atelier de à Sant’Agata Bolognese, où les sièges de cuir sont piqués à la main, figure, affiché sur une armoire, un dessin réalisé à l’ordinateur d’un taureau (l’emblème de Lamborghini) prenant sexuellement un cheval (le logo de Ferrari).
Certaines voitures ne sont pas conçues pour être des dream cars, mais le deviennent. La Ford Mustang, par exemple. Dans la première moitié des années 1960, Ford désirait seulement créer un nouveau modèle qui soit accessible à un large public. Plus petit que l’américaine type. Et moins cher. L’histoire veut que la première Mustang ait été vendue à une institutrice qui avait simplement besoin d’une voiture. Aujourd’hui, la Mustang est devenue une icône. Une légende sur roues. Elevée à ce rang par les nombreux films dont elle fut la vedette – tel Bullitt, où Steve McQueen roule à tombeau ouvert dans les rues de San Francisco. Il y a quelques années, Ford a redécouvert l’exemplaire utilisé dans le film et il trône aujourd’hui dans les plus grands salons automobiles. D’autant plus qu’une version spéciale de la nouvelle Mustang a vu le jour, depuis : la Mustang Bullitt. Sous le capot ? Non pas l’ancien quatre cylindres tel que réalisé spécialement pour l’Europe, mais le moteur des origines : un V8 de cinq litres et 464 chevaux. Juste ce qu’il faut pour se prendre pour Steve McQueen.
La Mustang Bullitt originelle n’était pas présente au Salon de Bruxelles. Mais d’autres modèles y cultivaient la nostalgie. Dont la BMW 2002 Turbo des années 1970 présentée à l’époque non pas comme une dream car, mais comme simple “version sportive d’un modèle de série”. Aujourd’hui, elle séduit tous les amoureux de voitures. Et a ainsi acquis le statut de dream car.
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