La Trinity de Cartier: « Officiellement, l’anneau représente l’amitié,
l’amour et la fidélité »

Grace Kelly, © Photo Edward Quinn, edwardquinn.com

Peu de bijoux résistent aussi bien à l’épreuve du temps que 
la Trinity de Cartier. Cette année, la bague fétiche de Grace Kelly 
et Lady Di se réinvente pour son centenaire.

Commençons d’emblée par démentir un mythe tenace : le poète français Jean ­Cocteau n’est pas l’inventeur de la Trinity. La bague culte est née de l’imagination de l’un de ses plus proches amis, l’orfèvre ­français Louis Cartier, ­petit-fils du fondateur de Cartier, Louis-François Cartier. Le jeune forgeron a conçu trois anneaux ­entrelacés et mobiles dans une combinaison inédite de trois ors différents : or jaune, or rose et platine (remplacé plus tard par l’or blanc). Tout repose sur la fluidité de mouvement des anneaux, bombés à l’extérieur et lisses à l’intérieur, qui glissent les uns sur les autres dans un jeu de superpositions ludique. Le design unisexe est apparu pour la première fois dans les registres de la Maison en 1924 et s’est avéré si avant-gardiste pour l’époque qu’il a réécrit les règles du commerce de luxe. Avant les années 1920, les maisons de joaillerie créaient principalement des bijoux imposants avec des pierres précieuses impressionnantes sur mesure pour les clients de la haute société. Avec l’introduction de Trinity, les bijoutiers ont commencé à davantage ­s’intéresser aux bijoux moins tape-à-l’œil et plus sophistiqués, que la classe moyenne pouvait également s’offrir. Une manœuvre intelligente car, un siècle plus tard, hommes et femmes portent toujours ce design. Nostalgique, mais résolument pérenne : Trinity incarne l’intem­poralité dans toute sa splendeur.

Jean Cocteau

Fan-club de ­célébrités

Jean Cocteau n’est peut-être pas le créateur de la Trinity, mais il est inextricablement lié au bijou. Peu après son introduction, il est apparu sur des photos avec deux bagues Trinity superposées à l’auriculaire. Apparemment, la première, plus petite, devait empêcher la seconde, trop grande, de tomber. C’est ainsi qu’il a ­introduit une façon ­moderne de porter cette bague, qui a traversé le temps jusqu’à aujourd’hui.

‘En 1924, la bague était si avant-gardiste qu’elle 
a réécrit les règles du commerce de luxe’

Marie-Laure Cérède, Cartier

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© Antoine Pividori Cartier

Rapidement après la création de la bague, Cartier expérimente d’autres ­bijoux conçus selon le principe de trois. Elsie de Wolfe, l’actrice américaine qui est devenue par la suite une éminente décoratrice d’intérieur, a été l’une des premières adeptes du ­bracelet à trois anneaux. Le magazine américain Vogue en est également fan. Dans un article de 1925 sur « les nouveaux bijoux de Cartier », qualifiés d’« incroyablement chics », le nom « Trinity » est pour la première fois associé à la version de cette bague et de ce bracelet. Ce n’est toutefois qu’en 1997 que Cartier elle-même adopte le nom « Trinity » pour ses bijoux aux trois anneaux en trois ors de couleur ­différente. Mais il n’a pas fallu attendre jusque-là pour le joyau attire même des personnalités. Romy Schneider, Gary Cooper, Grace Kelly et la princesse Diana se sont volontiers fait photographier avec ce bijou. Aujourd’hui encore, Trinity de Cartier a un grand fan-club de célébrités. Kate Middleton et Kylie Jenner, entre autres, portent régulièrement des bijoux de la collection lors de leur apparition.

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Gary Cooper

Un design qui a du sens

Outre son design intemporel, la symbolique forte derrière la collection Trinity est l’une des principales raisons de son succès. ­Selon certains, la collection ­incarne les trois frères ­Cartier : Louis, Pierre et Jacques, qui ont transformé la petite bijouterie ­parisienne Cartier fondée par leur grand-père en une maison de joaillerie de renommée mondiale. Pour d’autres, elle symbolise les trois flagship stores de ­Cartier à Paris, New York et Londres. Officiellement, le design représente l’amitié, l’amour et la fidélité, mais on peut l’interpréter de bien d’autres façons. La bague est souvent offerte comme un héritage familial, comme cadeau à une maman pour la naissance de son enfant et même comme un symbole d’engagement chez les jeunes couples qui ne veulent pas se fiancer.

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Romy Schneider © Everett Collection / Bridgeman Images
‘L’idée de redessiner 
une telle icône semblait presque absurde, 
une tâche impossible’

Marie-Laure Cérède, Cartier

Quoi qu’il en soit, il s’agit de trois anneaux riches de sens et de sentiments. « Ma mère portait deux bracelets Trinity offerts par mon père », raconte Marie-­Laure Cérède, directrice Watchmaking and ­Jewellery Design chez Cartier. « Je me souviens qu’ils faisaient beaucoup de bruit. C’était un son très particulier, comme de la musique. Le son a également joué un rôle important dans le développement des nouveaux bracelets et bagues. Nous avons travaillé sur l’âme du produit de manière intuitive. Nous n’avons pas fait appel à un ingénieur du son. Nous voulions avoir le sentiment que le son répondait aux critères de ce que nous ­attendons d’un bijou ­Cartier. »

Carré branché

Pour cet anniversaire particulier, Cartier va encore plus loin et exprime sa créativité en proposant une version modulaire qui peut être portée comme un seul bijou large ou avec les anneaux écartés pour révéler les diamants. En outre, la maison a expérimenté pour la première fois des bagues et des bracelets Trinity en forme de coussin, splendides dans leur simplicité, mais très complexes à ­réaliser.

‘Officiellement, l’anneau représente l’amitié,
l’amour et la fidélité’

Marie-Laure Cérède, Cartier

« On pourrait croire que nous avons simplement ­troqué la forme ronde pour une forme de coussin, mais, et j’insiste là-dessus, le ­processus de création a été très long », explique Marie-Laure. « L’idée de ­repenser la Trinity de ­Cartier, une icône par excellence, semblait presque risible, irréalisable parce que nous avions affaire à une bague ronde à la forme parfaite et aux anneaux ­entrelacés. Nous avons donc dû mettre au point un processus créatif différent de ce que nous faisons habituellement. Chez Cartier, nous commençons toujours par des esquisses dessinées à la main, car elles sont ­empreintes d’émotion. »

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© Antoine Pividori Cartier

« Le volume a été le point de départ. Nous sommes partis de la Trinity classique et ronde d’origine et l’avons travaillée à la main, un peu à la manière d’un sculpteur. Nous avons malaxé, roulé et comprimé le matériau, aboutissant à un vaste éventail de formes. Certaines étaient même plus originales que la forme du coussin. Mais la plupart de ces formes n’étaient pas dignes d’une Trinity : nous avions beau les retourner dans tous les sens, elles ne tenaient pas bien au doigt. Finalement, la forme du coussin a créé la surprise, incarnant à nos yeux toutes les qualités d’une Trinity : les trois anneaux indépendants, mais indissociables, l’impression que le bijou danse autour du doigt, le mouvement des anneaux naturellement ludique et apaisant et ce son très ­spécifique. »

‘Je me souviens encore 
du son particulier 
des bracelets Trinity 
de ma mère’

Marie-Laure Cérède, Cartier

« Après avoir bien testé une trentaine de formes différentes, nous avons été surpris de constater que celle-ci réunissait toutes les qualités d’une Trinity. Nous n’avons pas eu besoin de tordre ou déformer la forme pour obtenir quelque chose de très original. Ce n’était d’ailleurs pas l’objectif. Je voulais arriver à quelque chose de pur qui s’inscrive dans l’histoire de Trinity. Après avoir choisi la forme, nous devions définir les proportions idéales. Avec toute la finesse d’un sculpteur, nous avons enlevé une couche après l’autre, dixième de millimètre par dixième de millimètre. Un vrai travail d’orfèvre. Nous nous sommes ensuite demandés si nous pouvions les associer aux collections précédentes et si une ­personne possédant déjà une Trinity classique aurait envie d’en acheter une autre et de les combiner. La réponse à toutes ces questions a été unanime : oui. »

Comme un ­casse-tête kumiki

Ce qui est particulier chez Cartier, c’est le processus de conception unique intégrant la glyptique. Cartier est le seul grand joaillier à posséder ce savoir-faire. « C’est une technique qui consiste à créer quelque chose à partir d’un bloc de pierre, à la manière d’un sculpteur », explique ­Marie-Laure. « Pour la ­Trinity modulaire, nous avons eu l’idée de partir d’un monobloc en trois ­couleurs d’or et de le déconstruire en trois anneaux. Comme un casse-tête kumiki (un puzzle japonais dans lequel chaque pièce de bois s’emboîte parfaitement, NDLR), nous avons imbriqué les anneaux ­Trinity en une seule structure, puis nous les avons ­rétroconçus pour la déconstruire en trois parties. Nous avons multiplié les ­essais afin d’obtenir un design aux multiples facettes. Ensuite, nous nous sommes concentrés sur l’effet de surprise à l’intérieur, car la façon de porter les bijoux a beaucoup évolué. »

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© Antoine Pividori Cartier

« L’image du bijou à porter en journée que l’on remplace par un autre en soirée est révolue, surtout chez les jeunes. J’ai aimé l’idée de créer un look très discret pour la journée en portant les anneaux ensemble et d’utiliser la même bague pour créer un bijou élégant pour le soir en dénouant en révélant les diamants. C’est ce qui rend la Trinity si contemporaine et poly­valente. »

cartier.com

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