Deux ans après sa mort, Issey Miyake sort son nouveau parfum : « Le Sel d’Issey »

Deux ans après sa mort, l’esprit du créateur de mode Issey Miyake est toujours bien vivant. Sa vision de la durabilité et du design ainsi que son amour de la technologie et de la nature guident la marque. Comme en témoigne le nouveau parfum.

Vêtements surdimensionnés pliés dans une machine spéciale et rétrécis à la bonne taille, dans la collection Pleats. Une robe réalisée à partir d’un seul fil dans la ligne A Piece of Cloth : voici quelques-uns des designs révolutionnaires qu’Issey Miyake a imaginés en expérimentant la technologie et la tradition, les formes et les matériaux, pour créer des vêtements innovants, confortables et élégants. « Je pense que la force de la marque réside dans le fait que ce sont les vêtements s’adaptent au corps et non l’inverse », affirme Yaël Tuil, vice-présidente parfums du groupe Shiseido, qui gère la licence des parfums de Miyake. Le succès de ment pas : de nombreuses célébrités, de Kim Kardashian à Steve Jobs, en sont ou en ont été fans. « La technique des plissés est à la fois incroyablement moderne et confortable. Fini le repassage ou le pressing. Miyake voulait créer de beaux vêtements qui facilitent la vie des gens. Il aimait beaucoup la nature et le développement durable, des sujets dont tout le monde parle aujourd’hui. Cette vision définit également notre façon de créer des parfums. »

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Issey Miyake, l’homme derrière la mode et la marque, est décédé en 2022

Autre génération, autre senteur

Lorsque Miyake s’est lancé pour la première fois dans la parfumerie il y a 32 ans, il a fait un grand pari. En plus d’être inconnu du grand public, son concept, un parfum à l’odeur de l’eau, était pour le moins original. Néanmoins, L’Eau d’Issey a connu un succès immédiat. Peut-être parce qu’il incarnait parfaitement l’état d’esprit du début des années 1990 : une recherche de nature, de simplicité et de fraîcheur, après les exubérantes années 1980 où le tape-à-l’œil régnait en maître. Deux ans plus tard, le parfum masculin L’Eau d’Issey Pour Homme a également fait fureur. Le duo s’est élevé au rang de parfums emblématiques qui, 30 ans plus tard, jouissent toujours d’une grande popularité.

‘Issey Miyake aimait beaucoup la nature et la durabilité, des sujets dont tout le monde parle aujourd’hui’Yaël Tuil, vice-president parfums du groupe Shiseido

« Le succès de L’Eau d’Issey Pour Homme est à la fois une bénédiction et une malédiction », reconnaît Yaël. « En 30 ans, la fragrance a peu à peu été associée à des souvenirs : le premier parfum de quelqu’un, le parfum d’un premier rendez-vous ou l’éternel parfum de son papa. Cela en a fait une référence mais, en même temps, cela vieillit le parfum. Aujourd’hui, un jeune homme ne veut pas porter le même parfum que son père. » Il était donc temps de créer un nouveau parfum auquel les jeunes pourraient s’identifier.

La nature comme source d’inspiration

Le nom, Le Sel d’Issey, a été le point de départ. L’idée est venue d’Issey Miyake, avant son décès. L’équipe marketing a délibérément présenté un briefing succinct aux parfumeurs : « Nous avons parlé de la marque et des gens, du public que nous voulions atteindre, sans utiliser de mots qui pourraient être traduits littéralement », explique Yaël Tuil. « Nous voulions un parfum avec une âme, différent de L’Eau d’Issey et de ce qui existe déjà. »

Plusieurs parfumeurs ont soumis des propositions, mais c’est celle de Quentin Bisch s’est distinguée. Quentin, qui collectionne les grands noms sur son CV, est considéré comme le génie de sa génération. Il a très bien compris l’attrait du parfum. « L’Eau d’Issey est l’un des parfums qui a marqué ma jeunesse. Tout le monde le portait à l’époque. Créer un nouvel Issey Miyake à la hauteur du parfum classique, c’est très intimidant. En même temps, cela donne une énergie phénoménale parce qu’on ne veut pas laisser sa place aux autres. » Il n’a pas reçu beaucoup d’indications: « Je savais seulement qu’il devait incarner un élément de la nature, mais pas l’eau. Certains étaient d’emblée exclus: Le Feu (Le Feu est un parfum d’Issey Miyake qui n’est plus commercialisé, NDLR), L’Air est un parfum de Kenzo et Terre est un parfum d’Hermès. C’est ainsi que j’ai pensé au sel. Cet élément se situe entre la terre et l’eau. J’avais en tête l’image des traces laissées par l’eau sur le sable, lorsque les vagues avancent et reculent dans un mouvement sans fin. Et le sel qu’elles déposent. Cela m’a donné l’idée de concevoir le parfum autour de deux polarités: la fraîcheur de l’eau, avec les algues et la mousse de chêne (qui était autrefois une algue), et le côté terreux des bois au caractère iodé, comme le vétiver et le bois d’Akigala. Aucune des deux ne domine, et toutes deux sont unies par un accord salin. C’est cette interaction entre la mer et la terre, ce mouvement incessant, qui rend Le Sel d’Issey si vibrant et rafraîchissant. »

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Le Sel D’Issey, à partir de 68,90 €.

Quentin Bisch a tout de suite visé juste. Artiste dans l’âme (il peint et a été metteur en scène dans une autre vie), il a une grande affinité avec le style de Miyake. « La pureté, le minimalisme, la transparence et la fluidité de ses créations me parlent beaucoup. Et elles sont à la fois puissantes, comme les parfums à long sillage. Un parfum doit se sentir de loin, pour donner l’envie de chercher la personne qui le porte. » C’est aussi ce que pensent de nombreux jeunes, estime Tuil : « Les jeunes veulent exprimer leur personnalité à travers leur parfum. Il doit être présent, distinctif et reconnaissable. De plus, la fraîcheur de Le Sel d’Issey correspond à l’ADN de la marque. »

‘Un parfum doit se sentir de loin, pour donner l’envie de chercher la personne qui le porte’Yaël Tuil, vice-president parfums du groupe Shiseido

La durabilité fait également partie de cet ADN. Issey Miyake a toujours choisi des designs avec une empreinte écologique minime, tant dans sa mode que dans ses parfums. La formule de Le Sel d’Issey est certifiée végane et se compose de 95 % d’ingrédients d’origine naturelle, dont un extrait de bois de cèdre upcyclé. Le flacon est rechargeable et se compose de 20 % de verre recyclé. L’emballage est en partie fabriqué à partir d’algues recyclées.

High-tech : le flacon et la communication

La technicité et la nature comme source d’inspiration se reflètent également dans le flacon, conçu par l’artiste japonais Tokujin Yoshioka, qui a travaillé en étroite collaboration avec Issey Miyake pendant plus de 30 ans. Comme Issey Miyake, il s’inspire de la nature et adopte un style minimaliste. Il a conçu des accessoires, des objets design et même des flagship stores pour la marque. Il s’agit du premier flacon de parfum qu’il a développé pour Issey Miyake, mais aussi du dernier projet sur lequel il a travaillé avec le créateur. Il a créé une bouteille en verre elliptique qui semble changer de forme lorsqu’on la tourne : imperceptiblement, les lignes abruptes se transforment en courbes douces. Le verre présente une base concave qui reflète la lumière, tout comme le bouchon chromé, suggérant à nouveau le mouvement. « Le flacon semble très simple à première vue, mais il est le fruit d’un long processus de réflexion et d’une technicité certaine », estime Yaël Tuil.

Tout comme les campagnes publicitaires : affichage numérique en 3D et filtre pour les réseaux sociaux où un monument est remplacé par le flacon émergeant de la terre. Pour la campagne publicitaire, le réalisateur-photographe britannique Marcus Tomlinson s’est inspiré de la technologie cymatique, qui rend le son visible. Il a filmé des ondes sonores visuelles, mélangeant des images réelles et des images générées par ordinateur. Le film s’ouvre sur un plongeon au fond du flacon, transformant le parfum en un tourbillon de sel. La caméra se focalise sur un cristal de sel, qui explose ensuite en milliers de particules individuelles, créant ainsi des formes mystérieuses et étonnantes. Un chef-d’œuvre technique et artistique.

Sous l’œil de M. Miyake

Yaël Tuil n’a jamais rencontré Issey Miyake en personne; elle a commencé à travailler pour l’entreprise pendant la pandémie de coronavirus et M. Miyake est décédé quelques mois plus tard. Pourtant, elle a l’impression de le connaître. « Nous avons beaucoup échangé par e-mail, mais nous ne nous sommes malheureusement jamais rencontrés, à mon grand regret. J’ai visité sa maison à Paris, qui a été laissée en l’état. On y sent fortement sa présence à l’intérieur ; son bureau, ses vêtements, le thé qu’il buvait, les livres qu’il lisait. J’ai une grande photo d’Issey Miyake dans mon bureau et il m’arrive de la regarder et de me demander s’il aurait été satisfait de notre travail. Ma plus grande crainte est de le décevoir. » Le projet s’inscrit parfaitement dans la vision d’Issey Miyake : high-tech, créativité, nature comme source d’inspiration et souci de durabilité. Il a tout ce qu’il faut pour faire la pluie et le beau temps dans le monde de la parfumerie.

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