La psychologue de la mode: Montrez-lui ce que vous portez et elle vous dit qui vous êtes
Dans un monde où les stylistes se concentrent sur l’apparence, l’experte en style holistique Marleen Beevers se penche sur la psychologie des vêtements. «Les vêtements sont comme une seconde peau qui envoie des signaux au cerveau. Ils ont également un impact sur le lieu de travail.»
Êtes-vous réellement la première psychologue de la mode en Europe?
MARLEEN BEEVERS. «La discipline est née il y a une dizaine d’années dans le monde anglo-saxon, où les psychologues de la mode travaillent dans l’industrie de la mode. En revanche, en Europe, nous connaissons surtout des stylistes qui adaptent les vêtements et les couleurs à une morphologie particulière. Ils travaillent de l’extérieur vers l’intérieur, alors que je travaille en sens inverse: je pars de votre personnalité et de ce que les vêtements font de vous.»
La psychologie de la mode est un phénomène encore peu connu. Comment vous y êtes-vous intéressée?
BEEVERS. «J’ai suivi un parcours atypique, mais le fil conducteur de mon évolution est la beauté et la connexion. J’ai étudié les langues et la littérature, travaillé comme mannequin pendant un temps, été quotidiennement impliquée dans des travaux de décoration d’intérieur et de jardin et suivi des formations en yoga et coaching dans mon pays et à l’étranger. Finalement, je me suis rendue à New York pour suivre une formation d’entremetteuse et de psychologue de la mode.»
Sommes-nous trop peu conscients de cet impact qu’ont les vêtements?
BEEVERS. «Je pense, oui. Cependant, des recherches sont menées depuis longtemps dans ce domaine. Dans les années 1980, les psychologues américains Adam et Galinsky ont décrit ce phénomène sous le nom d’enclothed cognition. Dans leur étude, ils ont constaté que les participants qui pensaient porter une blouse de médecin obtenaient de meilleurs résultats aux tests cognitifs que ceux qui pensaient que cette même blouse blanche était une blouse d’artiste. Les vêtements sont comme une seconde peau qui envoie des signaux sensoriels et symboliques au cerveau. Pourtant, beaucoup ne savent comment utiliser les vêtements comme un outil pour influencer leur cerveau.»
Les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à réaliser que leurs employés sont plus performants lorsque leurs préférences personnelles sont prises en compte, y compris en matière d’habillement
Une tenue qui rend heureux
En tant que psychologue de la mode holistique, comment changez-vous les choses?
BEEVERS. «J’aide les gens à choisir des vêtements correspondant à leur caractère et leur intention. Pour cela, j’ai développé le modèle Satisfashion. Il comprend cinq dynamiques de personnalité: métal ou improver, terre ou caregiver, feu ou entertainer, eau ou thinker et bois ou pioneer. Nous avons tous un type de personnalité dominant, auquel correspondent des formes, des couleurs et des textures spécifiques. Outre la personnalité de base, deux autres éléments interviennent dans le choix des vêtements: la personnalité intentionnelle, qui reflète vos intentions ou vos objectifs à long terme, et la personnalité flexible, que vous adaptez quotidiennement en fonction de la situation ou de votre humeur. Si vous choisissez vos vêtements en fonction de ces trois types, vous atteindrez un équilibre intérieur et extérieur.»
Adapter sa tenue à sa personnalité et à la situation permet donc d’être plus heureux?
BEEVERS. «La théorie scientifique du bonheur a également été testée sur l’habillement. Cela montre bien que le bien-être ne réside pas seulement dans l’imaginaire, mais aussi dans les vêtements. Par exemple, bon nombre de clients de la gente masculine aiment personnaliser leur costume monotone. Une touche subtile de couleur, de forme ou de texture, comme une chemise en soie bleue, fait souvent toute la différence. Une différence génératrice de bonheur, car lorsque vous portez des vêtements dans lesquels vous vous sentez bien, vous attirez le bonheur.»
Un type de personnalité est fixe, mais ce que nous ressentons et ce que nous recherchons dans les vêtements dépend aussi du moment, n’est-ce pas?
BEEVERS. «C’est exact. D’où la variable de personnalité flexible, que vous adaptez à votre humeur et à la situation. En tant que personnalité de type métal, par exemple, je préfère le blanc, le gris et l’écru, les formes arrondies, une silhouette monochrome et des accessoires sophistiqués. Pour un rendez-vous galant, j’ajouterais un peu de l’élément feu avec une robe rouge ou des talons aiguilles. Cependant, il est important de ne pas perdre de vue ma personnalité de base. J’opterais par exemple pour des talons de couleur métallique ou une robe sur mesure. Ce point est souvent négligé. Beaucoup ont tendance à adapter leurs tenues uniquement à la situation et à s’oublier.»
Bon nombre de clients de la gente masculine aiment personnaliser leur costume monotone
Dress to impress
S’il est si important d’être en accord avec sa personnalité, comment s’habiller sur son lieu de travail?
BEEVERS. «Il faut trouver un équilibre entre ce que l’on est en tant que personne et en tant que professionnel. Pour ce faire, vous devez intégrer la mission de l’entreprise à votre personnalité de base. Une apparence professionnelle et, bien sûr, la première impression, restent importantes. Vos vêtements racontent votre histoire. Si vous vous rendez à une réunion en jogging en disant que c’est parce que vous faites du sport, ce n’est pas vrai. En revanche, porter des baskets indique par exemple que vous êtes une personne orientée sur l’action avec une personnalité de type pionner.»
Êtes-vous favorable aux codes vestimentaires sur le lieu de travail?
BEEVERS. «La tenue des employés contribue à l’identité de marque d’une entreprise et peut créer un esprit d’équipe et un sentiment de reconnaissance. Un uniforme n’a cependant un pouvoir unificateur que si les employés peuvent également y intégrer leur individualité. Les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à réaliser que leurs employés sont plus performants lorsque leurs préférences personnelles sont prises en compte, y compris en matière d’habillement.»
En effet, ces dernières années, les codes vestimentaires semblent s’être assouplis, avec des employés portant des baskets ou des shorts. Comment expliquez-vous ce changement?
BEEVERS. «Pendant la pandémie, l’équilibre a pris un virage à 180°. Les employés se sont habitués à travailler chez eux dans des tenues confortables et ne faisaient plus la distinction lorsqu’ils sont retournés au bureau. Ils ont également commencé à accorder plus d’importance à leur style vestimentaire personnel au travail: je sais que certaines personnes ont changé d’emploi parce qu’elles ne pouvaient pas s’exprimer dans leurs vêtements. En outre, c’est à cette période que la génération Z est entrée sur le marché du travail. Les jeunes sont déjà très attachés à l’individualité et à l’expression de soi.»
Malgré tout, le costume a encore de beaux jours devant lui. Est-on pris plus au sérieux en portant un costume?
BEEVERS. «Le costume a été inventé il y a 120 ans, comme un symbole pour les hommes qui voulaient être pris au sérieux. Il est toujours associé au pouvoir, à la domination et à la réussite, en particulier parmi les générations plus âgées. Chez les jeunes, en revanche, je constate que c’est nettement moins le cas.»
D’autre part, le costume est à la mode chez les jeunes femmes. Croyez-vous dans le power dressing?
BEEVERS. «Beaucoup de femmes portent des costumes d’homme pour donner une impression de domination et de pouvoir, mais je pense que c’est très relatif. Il faut que votre personnalité soit en adéquation avec votre tenue. Ce n’est que comme ça que vous serez réellement en position de force. Une femme qui porte une robe à fleurs peut paraître plus assertive qu’une femme en costume, si cela correspond à sa personnalité.»
Les codes vestimentaires sont souvent implicites. Comment savoir quelles sont les attentes?
BEEVERS. «L’impact du PDG ne doit pas être sous-estimé. Je connais même des entreprises où les employés copient inconsciemment la tenue vestimentaire et la coupe de cheveux du directeur. En tant que PDG, vous vous devez donc de bien vous connaître et de connaître la mission de l’entreprise, car vos valeurs imprègnent vos employés. En outre, je recommande aux entreprises de définir clairement leurs attentes, mais toujours de la bonne façon. Si le PDG impose un code vestimentaire, les employés sont moins enclins à l’accepter que si je le présente sous la forme d’un atelier ludique.»
Qui dit code vestimentaire, ne dit donc pas règles restrictives. Comment les entreprises peuvent-elles utiliser la psychologie de la mode pour motiver leurs employés?
BEEVERS. «En laissant une place à la personnalité de base de chacun dans la tenue de travail. Il est particulièrement important de pouvoir personnaliser les uniformes. Chez IKEA, par exemple, les employés portent un T-shirt bleu avec des touches de jaune. Comme il s’agit d’une entreprise pionnière, je les habillerais plutôt en denim. Ensuite, j’adapterais la coupe à la personnalité de base: les personnalités métal en pantalon ou en jupe avec un gilet, les personnalités bois en combinaison… Les employés se sentiront alors valorisés dans leur identité et davantage liés à l’entreprise. Et quand on se sent bien, on est performant.»
www.thefashionpsychologist.eu
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