Directrice artistique Dorothé Lenaerts révèle les véritables hotspots de Milan

© Ringo Gomez-Jorge

«Je ne pense pas être encore une expat, plutôt simplement une immigrée», sourit Dorothé, alors que nous tentons de décrire la ville de Milan, installés à la terrasse d’une pasticceria. Une immigrée, car après quinze ans, elle n’envisage plus vraiment de déménager. Elle a vu des amis expats s’installer et repartir, mais elle est restée.

Mais pourquoi la ville de Milan était-elle si attrayante pour Dorothé, âgée de 24 ans à son arrivée? «Quand j’ai débarqué à Milano Centrale, forte de ma bourse Leonardo, j’ai directement été séduite par l’atmosphère. Milan n’est pas aussi pittoresque que la plupart des villes italiennes, avec de jolies petites places à chaque coin de rue. C’est pour moi une ville à taille humaine: sans être une mégalopole dans laquelle on se perd, elle est assez grande pour conserver un certain anonymat. Et puis je voulais travailler dans la mode en tant que graphiste. En Europe, on a le choix entre Milan et Paris. Et à Paris, il y a les Parisiens» (rires).

Milan est pour moi une ville à taille humaine: sans être une mégalopole dans laquelle on se perd, elle est assez grande pour conserver un certain anonymat

Chez Sissi

Elle doit bien admettre que Milan, comme Paris, a un petit côté esbroufe. «Un stéréotype bien connu de Milan est la sciura — on a même créé une page Instagram à son honneur. Les sciure sont des artistes bourgeoises d’un certain âge. Elles ont un côté chic, tout en restant cool.» L’endroit où nous nous sommes retrouvés est l’un des épicentres des sciure : la Pasticceria Sissi. Nous prenons une bouchée de briocino con crudo, un minicroissant au jambon, absolument divin. «L’établissement est également célèbre pour l’histoire magnifique de sa création. Il a été ouvert par une femme de la Milano Bene, la haute société milanaise, et un immigré africain. Depuis, ils ont eu des enfants qui travaillent aussi dans l’établissement.»

Da Giacomo Un vrai tuyau d’initié
Da Giacomo Un vrai tuyau d’initié © Ringo Gomez-Jorge

Il y a des pasticcerias dans toute la ville et elles ont une fonction sociale plus importante que les cafés de chez nous. «La pasticceria n’est pas un endroit où on avale son café debout au comptoir. On s’installe à une table pour le déguster, ce qui se fait plutôt le week-end. Mais imaginez: il y a un conflit au travail. On se rend alors dans une pasticceria pour en discuter. C’est là que se retrouvent les Milanais jusqu’à 17 h 30. Ensuite, c’est l’heure de l’aperitivo.» L’apéritif est un moment important de la journée et s’accompagne à Milan de cocktails, de spritz et de nombreux antipasti. Boire de l’alcool avant l’heure de l’apéro n’est pas très élégant.

Dorothé Lenaerts À Milan depuis quinze ans
Dorothé Lenaerts À Milan depuis quinze ans © Ringo Gomez-Jorge

Le palais des palais

Pasticceria Sissi est à cheval entre deux quartiers: le quartier assez branché de Porta Venezia et Porta Romana, un petit quartier populaire. Le projet est de visiter la Villa Necchi, une résidence privée de style Art déco. Pour nous y rendre, nous passons devant Da Giacomo. «C’est une institution, et l’endroit parfait pour s’offrir une petite folie», révèle Dorothé. «Le patron avait initialement ouvert une osteria, mais depuis, il a installé dans la même rue une rosticceria, un restaurant, une pasticceria et un tabacchi. Chacun de ces établissements est un joyau. Ce sont des adresses Vogue.»

La Double J Glee dans le Via Montenapoleone
La Double J Glee dans le Via Montenapoleone © Ringo Gomez-Jorge

La Villa Necchi se trouve un peu plus loin, dans le quartier Quadrilatero del silenzio. C’est une villa au style Art déco sobre, typiquement milanais. «Cette sobriété associée aux somptueuses draperies est typiquement milanaise.»

L’étape suivante est le célèbre quartier de Montenapoleone et ses boutiques de luxe. En face de Bottega Veneta et à côté de Chanel se trouve la boutique La Double J, pour laquelle Dorothé travaille. «Je peux bien faire un peu de pub, non? La boutique est une bouffée d’air frais parmi tous ces magasins à l’éclairage parfait.» C’est un lieu particulièrement coloré, qui rayonne l’ambiance méridionale. «Et tout est fabriqué en Italie.» Le Palazzo Morando se trouve littéralement au coin de la rue et dispose d’une jolie petite place intérieure et un restaurant. Le palazzo abrite un petit musée d’art dont l’entrée est gratuite et un musée de la mode attenant, le seul dans cette ville de la mode. «Les tableaux illustrent les anciens navigli, des canaux devenus en grande partie souterrains depuis une centaine d’années, sauf dans le quartier des Navigli. C’est une histoire similaire à celle de la Senne à Bruxelles.»

À la campagne dans la ville

«On se fait plaisir et on appelle un taxi?», demande Dorothé en souriant après quelques kilomètres de marche. Dorothé vit aujourd’hui avec son compagnon à Isola. C’est le quartier avec les tours résidentielles emblématiques aux jardins verticaux, le Bosco Verticale. Isola est agréable, mais son quartier préféré est celui de Porta Romana, où elle a vécu pendant 12 ans. Le taxi nous conduit donc jusqu’à la porte romaine. Nous commençons par le Cascina Cuccagna. Il s’agit, tenez-vous bien, d’une ferme en plein cœur de la ville. «Il fut un temps où Milan était une ville fortifiée dont les remparts étaient bordés de fermes. C’est l’une des rares fermes ayant survécu depuis l’expansion de la ville.» On ne peut pas venir à Milan sans avoir visité le Duomo, le Parco Sempione et vu la Cène de Léonard de Vinci. Mais cette adresse est tout aussi incontournable. Le jardin et l’intérieur spacieux respirent la tranquillité. Nous commandons un demi de non filtrata au fût et dégustons des micchete tout juste sorties du four, qui rappellent le pistolet, en bien meilleur.

Quadrilatera Oubliez le lèche-vitrine et regardez les façades
Quadrilatera Oubliez le lèche-vitrine et regardez les façades © Ringo Gomez-Jorge

Au fur et à mesure que la soirée avance, nous pénétrons le cœur de Porta Romana. Dorothé explique. «Dans ce quartier, j’avais l’impression d’être dans un village.» Nous nous promenons dans la Via Lodovico Muratori, la rue préférée de Dorothé. Elle y a tenu un creative space pendant trois ans et c’est aussi l’adresse de l’un de ses osterias préférés, Trippa. «On y sert le meilleur vitello tonato au monde. Par contre, la réservation est obligatoire.» Nous terminons la soirée au Dabass, un bar à l’intérieur coloré où la cuisine est délicieuse. «La Porta Romana, c’est quatre rues remplies de restaurants et de bars sans chichis», ajoute-t-elle. «C’est un quartier agréable quand on a envie de sortir des sentiers battus. C’est le Milan authentique. Populaire.» C’est tout ce qu’elle adore.

Les adresses milanaises de Dorothé Lenaerts

BOIRE ET MANGER – Pastamadre

Via Bernardino Corio 8 www.pastamadremilano.it

Après le Trippa, c’est son deuxième restaurant préféré dans le quartier Porta Romana. Un petit resto accueillant qui sert des pasta fresca maison (pâtes fraîches aux œufs). En plus du vin, on y propose un vaste choix de gueuzes: lambics belges et italiens.

Nebbia

Via Evangelista Torricelli 15 www.nebbiamilano.com

Un restaurant très sophistiqué caché à l’arrière du quartier animé des Navigli, au bord de l’eau. Nebbia, qui signifie «brume», vous accueille dans une atmosphère brumeuse, car le sud considère Milan comme une ville froide et brumeuse. On vient y manger pour impressionner ses invités. Bien qu’on y pratique des prix un peu plus élevés que dans les autres restaurants au bord de l’eau, l’assiette à partager ne dépasse pas les 20 euros.

Røst

Via Melzo 3 rostmilano.superbexperience.com

Malgré le nom ridicule — c’est tellement démodé d’utiliser un ø dans son nom — c’est l’un de mes restaurants préférés. Il offre une cuisine italienne au gré des saisons et une excellente carte de vins naturels. Dans le quartier de Porta Venezia.

LùBar

Via Palestro 16 www.lubar.it

Cette adresse pour prendre le café, un cocktail ou un lunch est hébergée par la Villa Reale, le bâtiment qui abrite aussi la Galleria d’Arte Moderna. À l’intérieur, des palmiers ornent un cadre historique: comme un jardin botanique d’hiver. Tout à fait digne d’Instagram et une excellente adresse pour le brunch. Un peu plus chère, mais elle vaut vraiment le détour.

ART ET CULTURE – Fondazione Prada

Largo Isarco 2

www.fondazioneprada.org

C’est aujourd’hui un lieu très couru, mais il reste intéressant. Le bâtiment à lui seul mérite le détour, il a été conçu par Rem Koolhaas. La collection d’art contemporain est phénoménale. Le café du musée, Bar Luce, a été pensé par le réalisateur Wes Anderson.

Triennale

Viale Emilio Alemagna 6 www.triennale.org

Le musée du design de Milan, au cœur du Parco Sempione. Un grand classique qui propose d’excellentes expositions. Terminez en beauté la visite du musée en déjeunant à la Cascina Nascosta: une ancienne petite ferme tranquille nichée dans le parc.

Pirelli HangarBicocca

Via Chiese 2 pirellihangarbicocca.org

Moins connu, ce grand temple de l’art situé au nord de Milan est accessible gratuitement. Il se trouve dans un nouveau quartier universitaire sans grand intérêt, mais accueille des expositions de qualité.

SE DÉTENDRE – Bagni Misteriosi

Via Carlo Botta 18 www.bagnimisteriosi.com

Une magnifique piscine extérieure datant des années 1930 où les Milanais viennent se détendre en été. La piscine est rattachée à un théâtre. Des expositions sont organisées dans les anciennes loges et on y trouve même une bibliothèque. J’y venais pendant la pause de midi quand j’habitais dans le quartier.

Casa degli Atellani

Corso Magenta 65 www.casadegliatellani.it

Un palazzo en face de l’église qui abrite La Cène de Léonard de Vinci. Un somptueux exemple de renaissance avec un vieux vignoble comme jardin: le comble de l’élégance italienne.

Rotonda della Besana

Via Enrico Besana, 12

Une grande galerie circulaire du dix-huitième siècle qui entoure un parc et un musée d’art contemporain très réputé pour les enfants. On y trouve également un agréable bar.

Rotonda Della Besana Galerie avec parc et musée d’art pour enfant
Rotonda Della Besana Galerie avec parc et musée d’art pour enfant © Ringo Gomez-Jorge

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