Les photos de Mahaux

© Régine Mahaux

De simples passants dans les rues de New York à l’éléphant du musée de Tervuren, en passant par les célébrités et les familles royales, la photographe belge Régine Mahaux aime les extrêmes. Elle a récemment fait poser devant l’objectif toute une série d’entrepreneurs pour la campagne “Love” de Belfius. “J’essaie toujours de préserver l’authenticité de ceux que je photographie.”

Comment le récent partenariat avec Belfius a-t-il vu le jour?

RÉGINE MAHAUX. “Après une visite de la magnifique collection d’art de Belfius — qui présente d’ailleurs actuellement la très belle expo “Art Beats” — j’ai rencontré Mieke Debeerst et l’idée de travailler ensemble a germé. J’ai commencé par des portraits de la direction. Ensuite, la banque Belfius a eu envie de mettre ses clients/entrepreneurs à l’honneur pour montrer à quel point elle les apprécie, eux et leur esprit d’entreprise. Ils jouent un grand rôle dans l’économie et les affaires en Belgique. Pour la campagne ”Love”, nous avons fait le choix de portraits pleine page de ces hommes et femmes d’affaires dans tous les journaux dans lesquels ils présentent également leur entreprise. Cela a donné une excellente visibilité à Belfius et les entrepreneurs étaient eux aussi très satisfaits du résultat.”

J’aimerais faire plus de portraits de souverains, ils sont si mal photographiés. À part la reine Elisabeth d’Angleterre qui prend l’hélicoptère avec James Bond, rien d’excitant ne se passe à ce niveau

Vous êtes habituée à avoir des célébrités devant l’objectif. Avez-vous dû changer d’approche pour ce projet?

MAHAUX. “Non, pas vraiment. J’essaie toujours de capturer la personnalité de quelqu’un, de préserver son authenticité. Qu’est-ce qui le motive? Quelles sont ses passions? Et c’était pareil pour ce projet. Ils sont chacun venus passer une demi-journée dans mon studio à Uccle, isolés, sans le stress de leur vie professionnelle quotidienne. Mon équipe et moi avions préparé les séances en amont sur la base de photos qu’ils nous avaient envoyées. Nous commencions par le look. Parfois en nous basant sur leur tenue, parfois en leur donnant un look, des lunettes, une coiffure totalement différents. Ce n’était pas toujours évident, mais je ne serais pas une bonne photographe si je ne les sortais un peu de leur zone de confort. Mais l’essentiel est qu’ils ont toujours pu rester eux-mêmes et se sentir bien dans leur peau. Et nous y sommes parvenus d’une manière assez double: certains ne se sont pas reconnus sur la photo, ou n’ont pas été reconnus par leur partenaire. Mais ils ont tous été satisfaits du portrait artistique et ont été charmés de se voir à travers les yeux d’une artiste. Ce fut une superbe expérience pour chacune des parties.”

La photo de Eva Herzigová pour le
La photo de Eva Herzigová pour le “Charity Project” que Mahaux et Jonathan Klein de Getty Images avaient lancé© Régine Mahaux

Et ce n’était pas la première… comment une photographe liégeoise se retrouve-t-elle dans le salon de célébrités comme Hilary Swank ou Marianne Faithfull?

MAHAUX. “À la base, je voulais dessiner et peindre, mais je me suis vite rendu compte que je n’avais absolument aucun talent pour cela. Mon père est photographe, tout comme mes deux frères, et comme eux, j’ai découvert que je pouvais vraiment m’exprimer par la photo. Les premières années de ma carrière, j’ai principalement travaillé en Belgique. J’aime ce pays, j’aime Liège, d’ailleurs je me suis installée dans la campagne liégeoise, j’aime Bruxelles, j’aime la Flandre… J’ai de la chance de pouvoir vivre dans ce pays et j’y suis vraiment enracinée. Mais pour ce qui est du travail, j’ai eu envie de porter mon regard un peu plus loin. Et puis, vers 1992, j’ai rencontré Jonathan Klein, cofondateur de l’agence photo Getty, entreprise devenue aujourd’hui leader mondial, qui a adoré mes portraits de Belges, comme celui de l’actrice Emilie Duquenne. Il m’a donné mon premier budget pour faire un film promotionnel. Ce film, pour la marque Quies, des boules Quies, a très bien marché et a été nommé à Cannes pour les Lions d’or. C’était le début de notre amitié.”

Un autre projet remarquable et révolutionnaire pour lequel vous vous êtes associée à Jonathan Klein est celui des photos “Charity”.

MAHAUX. “Jonathan Klein est très impliqué dans les oeuvres caritatives. Le discours qu’il a prononcé lors de la remise par Angelina Jolie à Getty du prix pour la société américaine cotée en bourse la plus engagée dans les oeuvres caritatives m’a enthousiasmée. Il a parlé, entre autres, du pouvoir de l’image. Je n’ai pas particulièrement l’âme charitable, mais je lui ai proposé de faire quelque chose autour de l’image. Après un brainstorming, nous avons eu l’idée de photographier les célébrités et leurs nouveau-nés avant les paparazzi. Nous avons d’abord tâté le marché avec Brooke Shields, qui était enceinte de son deuxième enfant. Mais les grands magazines que nous avons démarchés, comme Vanity Fair, People Magazine ou US aux États-Unis et Paris Match ou Point de Vue en France, étaient plutôt sceptiques. Brooke Shields n’avait pas de réelle actualité à part la publication d’un livre sur sa dépression post-partum après la naissance de son premier enfant. Il s’agissait également de diffuser et de vendre les photos le plus rapidement possible et simultanément dans le monde entier à celui qui avancerait le montant le plus élevé. Malgré l’hésitation des grands acteurs du marché, nous nous sommes lancés et les photos de Brooke Shields se sont directement vendues pour un montant astronomique. Tous les bénéfices ont été reversés aux oeuvres caritatives et je n’ai moi-même rien gagné. Il y a eu ensuite Eva Herzigova et bien d’autres. Aujourd’hui, ce ne serait plus possible, les magazines n’ont plus ces budgets et les célébrités publient leurs photos sur Instagram. Mais à l’époque, c’était la folie. Aux États-Unis, je ne pouvais plus louer une voiture ou réserver une chambre d’hôtel à mon nom. Les paparazzi, dont certains allaient jusqu’à se déguiser en réparateur de toit, rôdaient constamment près des hôpitaux où il était prévu qu’une célébrité accouche.”

Pour Belfius, Mahaux a photographié des entrepreneurs inspirants, comme cette Emna Everard, fondatrice de la boutique en ligne Kazidomi
Pour Belfius, Mahaux a photographié des entrepreneurs inspirants, comme cette Emna Everard, fondatrice de la boutique en ligne Kazidomi© Régine Mahaux

Vous photographiez les célébrités, vous faites de la photo d’architecture, des films de promotion… votre portfolio est très varié.

MAHAUX. “Oui, c’est ce qui rend mon métier si intéressant. J’adore me rendre chez les actrices et artistes et trouver avec elles et eux une sorte de symbiose, comme avec les entrepreneurs de Belfius. C’était aussi la méthode de travail du photographe américain Norman Parkinson, qui allait déjeuner avec ses modèles avant les séances de photo de mode pour mieux les comprendre. Je me souviens de la séance photo chez l’actrice américaine Susan Sarandon. Elle m’a accueilli un matin, pieds nus dans sa cuisine, et a commencé à couper des papayes pour que je prenne un bon petit-déjeuner. Elle était si cool, généreuse et, surtout, bien dans sa peau. Une autre rencontre remarquable a été celle de Marianne Faithfull, une vraie dame et une vraie légende. J’aimerais aussi faire plus de portraits de souverains, car je trouve qu’ils sont si mal photographiés. À part feu la reine Elisabeth d’Angleterre qui prend l’hélicoptère avec James Bond, rien d’excitant ne se passe à ce niveau. Je suis peut-être un peu vieux jeu, mais ils sont photographiés comme n’importe qui, alors qu’ils sont loin d’être n’importe qui. Mais j’aime les extrêmes. J’aime aussi errer dans les rues d’Amérique. J’aime les choses que la vie a à m’offrir, comme elles se présentent. Je n’aime pas le gris, j’aime ce qui est bariolé et coloré. Et c’est ce en quoi les Américains excellent, ils ont plus d’audace. (tento Bozar nog aanvullen). Je m’y balade et je capte des images. Je laisse les choses venir à moi et n’ai pas besoin d’être dans une démarche créative, comme c’est le cas pour les autres missions. Ce que j’aime photographier actuellement, ce sont les portraits de famille et les musées. Pour la réouverture après rénovation du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, j’ai photographié un éléphant géant. Après son passage à Art Miami, Art Basel et sur une affiche haute de 39 étages à Time Square, il sera de retour l’année prochaine pour une expo photo qui marquera le 125e anniversaire du musée. La boucle est bouclée.”

www.belfius.be, www.reginemahaux.com

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