Le botox

La toxine botulique est l’un des traitements esthétiques les plus courants, dont la popularité ne cesse de croître. À juste titre, selon le Dr Van Riet. “Cette popularité appelle à plus de vision et de réglementation”, prévient le Dr Jan Vermeylen.
Ingrid Van Riet – the lover
La toxine botulique, c’est quoi exactement?
DR INGRID VAN RIET. “La toxine botulique, que l’on appelle botox dans le langage courant, est une protéine produite par une bactérie qui provoque une paralysie musculaire. Elle bloque les impulsions que les nerfs transmettent aux muscles, ce qui les rend immobiles. Nous l’utilisons pour traiter les rides d’expression autour de la bouche et des yeux et la ride du lion sur le front, ce qui donne au visage un air plus détendu et moins fatigué. Cet effet se prolonge pendant 3 à 6 mois, en fonction de la dose utilisée, des groupes musculaires traités et de la personne.
Cette intervention est-elle sans danger?
VAN RIET. “La toxine botulique est utilisée en neurologie et en chirurgie depuis les années 1970 pour traiter les spasmes et la salivation, le strabisme, les céphalées de tension et la transpiration excessive. En 2002, elle a été approuvée par la Food & Drug Administration américaine pour les applications cosmétiques. Le reste du monde a rapidement suivi le mouvement. C’est une intervention sans danger qui présente de nombreux avantages: elle est rapide, ne nécessite aucune convalescence et n’entraîne que peu ou pas d’effets secondaires lorsqu’elle est administrée correctement. Si le botox est mal injecté par une personne inexpérimentée, on risque temporairement d’avoir un sourcil qui s’affaisse ou de ne plus pouvoir ouvrir la paupière. Ces effets secondaires sont heureusement passagers, car le botox n’a qu’un effet temporaire. Cela ne se produira pas avec un médecin expérimenté, bien qu’il arrive qu’il touche un vaisseau sanguin, faisant apparaître un bleu. Les réactions allergiques sont extrêmement rares.”
Lover Ingrid Van Riet “Certains jeunes souhaitent éviter les rides et les sillons profonds qu’ils voient chez leurs parents. Ils vont donc utiliser le botox de manière préventive
Des directives officielles ont-elles été émises concernant les doses, ou celles-ci sont-elles largement déterminées par l’avis, l’expérience et la vision du médecin?
VAN RIET. “Chaque marque recommande un nombre d’unités en fonction du muscle et de l’effet recherché. Mais l’expérience montre que ces normes ne s’appliquent pas à tout le monde. En tant que médecin, il faut tenir compte des expressions dont la personne a besoin. La vision artistique est une partie importante du traitement. Et celle-ci peut varier d’un médecin à l’autre. C’est un peu comme pour le choix d’un architecte: vous préférez le style minimaliste ou, au contraire, très éclectique? Cela dépend aussi de la région. Dans certaines parties des États-Unis et dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, les gens aiment avoir une peau tendue à l’aspect “gonflé”. Je remarque parfois que certains jeunes ont aussi une vision différente de l’esthétique. Ils veulent vraiment que ce soit visible, pour eux c’est un symbole de prestige.”
Que pensez-vous du botox préventif?
VAN RIET. “Certains jeunes souhaitent éviter les rides et les sillons profonds qu’ils voient chez leurs parents. Ils vont donc utiliser le botox de manière préventive pour éviter que les rides d’expression ne se développent. Celles-ci deviennent visibles à partir de 35-40 ans. Parfois, elles sont réversibles, parfois non. Elles l’étaient encore il y a une dizaine d’années, mais les injections au botox ne sont plus taboues. Dans notre société, il y a moins de place pour le vieillissement que par le passé. Les sexagénaires d’aujourd’hui ne ressemblent en rien à ceux d’il y a 40 ans: ils portent des vêtements différents, ont une coiffure plus moderne, etc. Les gens de 50 ans vivent toujours comme ceux de 30 ans et veulent préserver leur physique et leur jeunesse. Ils ne veulent pas forcément devenir plus beaux, mais ils veulent avoir l’air moins fatigués et plus détendus. Bien sûr, certaines personnes ont une aversion pathologique pour le vieillissement, mais cela reste une petite minorité.”
Peut-on utiliser le botox indéfiniment?
VAN RIET. “Le botox est utilisé en neurologie depuis les années 1980, sans effets secondaires significatifs à long terme. À très hautes doses et après des années, le muscle risque de s’atrophier, comme le muscle masséter (celui de la mastication). Mais pour le traitement esthétique du visage, nous utilisons des doses beaucoup plus faibles. J’en utilise moi-même depuis plus de 20 ans et j’apprécie le fait de ne pas avoir développé de sillons et de rides profondes, tout en conservant mon expression. On me dit souvent qu’on ne soupçonne pas que j’en utilise, et c’est exactement l’idée.”
Jan Vermeylen – the hater
Le botox a-t-il de plus en plus de succès?
DR JAN VERMEYLEN. “Soyons clairs: la toxine botulique est un bon produit qui a transformé le monde de l’esthétique. Mais ces dix dernières années, on assiste à une expansion fulgurante sans aucune vision d’avenir. Et c’est encore plus vrai depuis le COVID. Entre 2016 et 2020, la demande d’injections de botox a augmenté de 26% dans le monde. Parmi les patients, 85% sont des femmes, 15% des hommes. La moitié d’entre eux sont âgés de 35 à 50 ans en moyenne, mais je constate une augmentation chez les jeunes (19-30 ans). L’âge légal est de 18 ans, mais je suis favorable à ce qu’il soit porté à 25, voire 30 ans, car pourquoi une personne de 18 ans en aurait-elle besoin? Qu’y a-t-il de mal à avoir quelques rides d’expression sur le visage? Les gens traités au botox dès leur plus jeune âge ont tous la même apparence: lisses, mais sans traits de personnalité.”

Le botox préventif présente-t-il des risques?
VERMEYLEN. “En commençant trop jeune, le risque est de voir ses muscles “fondre” à long terme, ils risquent de perdre leur tonus et leur masse, comme pour les personnes alitées. Utiliser le botox en continu et à long terme (pendant 15 à 20 ans) fait se transformer ce muscle de 4 à 5 mm en une membrane de 1 mm, révélant la structure osseuse sous-jacente, comme on le voit parfois chez les personnes très âgées. Ironiquement, avoir recours au botox trop fréquemment fait vieillir plus vite. C’est un phénomène important auquel les jeunes ne pensent pas Aucune étude d’envergure n’a encore été réalisée à ce sujet, mais nous constatons aujourd’hui les premiers cas de vieillissement prématuré contre lequel nous sommes impuissants. C’est pourquoi je recommande de ne pas dépasser deux injections par an: le résultat dure alors 4 mois, ce qui laisse le temps au muscle de conserver sa structure.”
Hater Jan Vermeylen “En commençant trop jeune, le risque est de voir ses muscles “fondre” à long terme.Ironiquement, avoir recours au botox trop fréquemment fait vieillir plus vite
Comment évaluer la fiabilité d’un médecin?
VERMEYLEN. “Les injections au botox à des fins esthétiques ne doivent être pratiquées que par des médecins agréés, comme des chirurgiens esthétiques, des dermatologues et des médecins esthétiques. La reconnaissance de ce dernier groupe n’est pas encore tout à fait au point, ils n’ont donc pas tous les mêmes qualifications. Les Pays-Bas n’imposent pas ces conditions, c’est pourquoi des personnages douteux viennent faire des injections dans les instituts de beauté belges à des prix cassés. Des prix trop bas devraient vous alerter. Traiter le front, la ride du lion et le contour des yeux coûte entre 250 à 320 euros. Si cela vous coûte moins cher, ce n’est probablement pas le bon produit ou il est extrêmement dilué et le résultat ne tiendra que quelques semaines.”
Que pensez-vous des soirées botox?
VERMEYLEN. “Les soirées botox sont interdites en Belgique. Il est très important de l’injecter correctement, dans les bonnes circonstances, par des personnes qualifiées et dans le respect des normes légales. Selon la loi, les procédures médicales ne peuvent être effectuées que par un médecin agréé, dans un cabinet médical. Les conditions doivent être idéales: dans un environnement aussi stérile que possible avec un éclairage très puissant, pour voir le mieux possible. Autant de conditions qui sont rarement réunies lors d’une soirée botox. De plus, on y sert souvent de l’alcool qui affecte l’effet du botox, car l’alcool fluidifie le sang, ce qui entrave la coagulation. Un médecin se renseignera toujours sur les antécédents médicaux avant de commencer le traitement. Les soirées botox, c’est un peu du travail à la chaîne, on pique chacun aux mêmes endroits. Pour chaque patient, je crée un dossier détaillant ses attentes: le moins d’expression possible ou de l’expression avec le moins de rides possible? J’aborde les inconvénients et je demande à mes patients de me communiquer les résultats précis pour me renseigner sur les ajustements à faire lors du prochain traitement. Il y a toujours une appréhension quand on traite quelqu’un pour la première fois, car les résultats sont différents pour tout le monde.”
Dr Ingrid Van Riet – The Lover
– dermatologue spécialisée dans le rajeunissement cutané non invasif
– partenaire de la Carpe Clinic
Dr Jan Vermeylen – The Hater
– chirurgien esthétique dans son cabinet privé Clinica d’Oro
– chef du département de chirurgie plastique et reconstructive de l’AZ Turnhout
– auteur du livre “Fillers zijn killers”, sorti aux éditions Borgerhoff & Lamberigts
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