Qu’il soit constamment question, au sein de la rédaction de Trends/ Tendances, d’actions, d’investissement, de taux de change et de chiffres annuels ne surprendra personne. Chez moi aussi, il s’agit d’un sujet de prédilection. L’immobilier et les start-up constituent les chevaux de bataille de ma moitié et de son cercle d’amis. Chaque semaine, une faille est découverte dans le marché, qui permet de gagner énormément d’argent – ce qui, hélas, se transforme rarement en réalité. Mais soit, l’enthousiasme est au rendez-vous. C’est aussi le cas, ces temps-ci, dans le secteur de l’horlogerie de luxe. Nombre de labels parviennent à peine à répondre à la demande en montres coûteuses. Pour certains modèles de Rolex, par exemple, les listes d’attente se révèlent particulièrement longues. Cela n’est pas vraiment une surprise. En des temps socialement incertains, l’argent est souvent investi dans des actifs sûrs, dans des marques et des objets qui, par le passé, ont déjà démontré leur valeur. Qu’il s’agisse d’une montre Rolex, d’un sac Louis Vuitton ou d’une robe Chanel. Lesdits labels ne se montrent toutefois pas satisfaits de cette spéculation autour de leurs créations. L’achat d’une montre doit être une décision émotionnelle, d’ordre esthétique et/ou narratif. Une belle histoire, un bel héritage, une récompense, des remerciements sincères, un succès inespéré – c’est cela que l’on célèbre à l’appui d’une montre. Miser sur elle en tant que monnaie d’échange apparaît cynique, d’autant qu’aujourd’hui les versions virtuelles prospèrent – des montres NFT (Non Fungible Tokens) qui ne peuvent se porter mais reposent sur le sentiment de “propriété”. Et pour lesquelles des montants considérables sont déboursés.
L’investissement émotionnel s’observe également dans l’univers de la décoration d’intérieur, où les objets se rapprochent toujours plus d’oeuvres d’art. S’il y a 30 ans, une pièce de mobilier se devait avant tout d’être belle et fonctionnelle, aujourd’hui elle doit aussi susciter une émotion. Dans ce numéro, la façon dont l’éclairage peut friser l’art est illustrée par quatre femmes. Autre pionnier dans le secteur: Lionel Jadot, qui toute sa vie s’est laissé guider par ses émotions. Lorsqu’il s’attelle à un nouveau projet, cet architecte d’intérieur bruxellois laisse d’abord parler son coeur. Au sein de la plateforme Zaventem Ateliers, il réunit plusieurs jeunes designers qu’il parvient à enthousiasmer et avec lesquels il accumule les critiques élogieuses lors d’événements tels que le Salone del Mobile à Milan ou la récente Paris Design Week. “C’est une question non pas d’argent mais d’esprit”, a-t-il confié à Trends Style. Je ne dirai pas autre chose lorsque, d’ici peu, je rentrerai chez moi avec un nouveau sac à main.
an.bogaerts@roularta.be – @trendsstylemagazine