Une maison intemporelle en mouvement : Arnaud Carrez de Cartier dévoile le secret de générations d’un style iconique
Peu de marques horlogères chérissent leurs icônes comme le fait Cartier. Selon les termes d’Arnaud Carrez : « Nous choisissons de conserver nos traditions. Nous restons fidèles à ce que nous sommes. »
Un entretien avec un haut responsable de Cartier se déroule toujours dans une atmosphère assez grandiose. Tout est d’un chic inégalable. C’est accompagnés que nous nous rendons dans un salon chic et somptueux du stand Cartier du salon Watches And Wonders, où Arnaud Carrez fait son apparition. M. Carrez a rejoint Cartier en 1997, après avoir étudié à l’ESCP Europe Management School à Paris. 27 ans plus tard, il est vice-président senior et directeur du marketing pour la célèbre marque.
Est-ce qu’une certaine forme de fatigue s’installe après 27 ans ?
ARNAUD CARREZ. « Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Je me sens toujours comme lors de mon premier jour ici, juste avec 27 ans de plus. Avec ses nouveaux projets permanents, la maison continue de m’inspirer et de me motiver. Il y a encore tant de choses à apprendre, et je découvre constamment de nouvelles histoires ici. Les gens restent longtemps chez Cartier. Ils ont une compréhension aiguë de la longue histoire de la maison et respectent son patrimoine exceptionnellement riche, mais je ne perçois pas de nostalgie. La maison est trop en mouvement pour que la nostalgie s’installe. Elle se réinvente en permanence. »
Réinventer, d’accord. Mais Cartier invente-t-il encore de nouvelles choses ?
CARREZ. « Nous choisissons de conserver nos traditions. Nous ne sommes pas obsédés par la nouveauté. Espérons que d’autres suivront notre exemple dans ce domaine. Pendant un certain temps, l’industrie horlogère s’est comportée comme l’industrie du parfum. Une nouveauté en chasse une autre. En fin de compte, personne ne savait plus qui avait lancé quoi. Il y avait trop de nouveautés. »
‘Vous ne trouverez pas de montre de sport chez Cartier’arnaud carrez
« Il y a sept ans, Cartier a modifié sa stratégie en matière de produits. Nous voulons nous concentrer sur ce que nous sommes. Nous avons une collection stable de montres, avec quelques modèles iconiques, qui sont de véritables symboles : Santos-Dumont, Tank, Baignoire, Ballon Bleu, Pasha… Nous voulons chérir ces icônes. Nous les réinterprétons pour que le public les redécouvre. C’est ainsi que nous obtenons de la cohérence dans nos collections. Il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles montres. Avec ce que nous proposons, nous couvrons déjà un vaste territoire. Vous ne trouverez pas de montre de sport chez Cartier. Nous adhérons à la haute horlogerie : des montres élégantes, sophistiquées et précieuses. Cartier veut rester fidèle à ce qu’elle est en toute harmonie. »
Et donc Cartier, qu’est-ce que c’est précisément ?
CARREZ. « Au départ, un bijou. Nous aimons insister sur ce point. C’est le symbole de notre créativité. Nous sommes donc en quelque sorte les horlogers des formes. Bien entendu, nos montres sont toutes d’une fiabilité technique irréprochable. Mais le principal critère de Cartier est la beauté. Avec nos formes, nous provoquons des émotions. Nos montres sont des phares émotionnels. Les émotions constituent un moteur pour beaucoup de nos clients. Maison de joaillerie, horloger des formes, telle est l’identité de Cartier. »
Comment la joaillerie et l’horlogerie se rejoignent-elles ?
CARREZ. « Elles sont intimement liées chez Cartier. Il s’agit d’une relation croisée constante. Notre directrice artistique Marie-Laure Cérède dirige à la fois l’atelier de création de bijoux et l’atelier de création de montres. Nous veillons à ce que les deux domaines soient bien coordonnés. Cela donne naissance à des modèles transversaux : les montres comme la Panthère illustrent parfaitement cela. Il s’agit toujours de montres, mais les femmes les portent davantage comme des bijoux que comme des montres. En d’autres termes, cela signifie que nos montres sont le reflet de notre approche du temps : nous nous attachons plus à sa qualité qu’à sa mesure.»
Cette synergie fonctionne-t-elle toujours ?
CARREZ. « Non, nous établissons certaines limites. On ne peut pas transformer toutes les créations de bijoux en montres. Depuis 2002, le programme Cartier Libre donne carte blanche à nos studios de création pour démonter les modèles iconiques de la maison et les réassembler dans une version moderne. Mais l’absence de limites n’est pas synonyme de créativité. Il n’y a pas toujours de résonance de l’une à l’autre. Nous délimitons le terrain de jeu dans ce domaine. »
Réinterpréter les icônes pour toucher les jeunes générations : est-ce le but recherché ?
CARREZ. « Les jeunes générations ne sont pas une obsession pour Cartier. Nos collections sont universelles et intergénérationnelles. Chez Cartier, nous n’avons pas de préjugés sur qui portera quoi. Chacun est libre de choisir le modèle qui lui convient le mieux. »
« Notre diversité de styles et de formes nous permet de communiquer avec un large public. Il y a sept ans, nous avons adapté non seulement notre stratégie en matière de produits, mais aussi notre stratégie de communication. Plus moderne, plus vivante, plus dynamique. »
‘Même en temps troublés, nous avons le devoir d’offrir aux gens de beaux objets’arnaud carrez
« En 2021, nous avons lancé une plateforme numérique : Cartier Watchmaking Encounters. Nous avions le sentiment d’avoir tant d’histoires à raconter et que de nombreux sujets n’étaient pas suffisamment connus : nos collections, nos innovations, notre savoir-faire, nos événements, nos engagements sociaux. Sur cette plateforme, des conversations organiques se développent avec notre public, que ce soit les collectionneurs ou les fans. Des personnes qui souhaitent faire partie de l’histoire et de la communauté Cartier, c’est le plus grand des compliments à nos yeux. »
La nationalité française fait-elle également partie de l’identité de Cartier ?
CARREZ. « Notre identité française est notre point de départ, mais cela n’a rien à voir avec le chauvinisme. Cartier est à la fois une maison française et une maison internationale. Le « et » est fondamental ici. Après sa fondation à Paris en 1847, Cartier s’est très vite tournée vers le monde à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Le dialogue international fait partie de l’ADN de Cartier. Cartier n’est pas une maison de mode, nous ne sommes donc pas condamnés à vivre des cycles très courts. Nous construisons nos relations sur le long terme et de manière durable. »
Au niveau local comme au niveau mondial, la diffusion n’est pas chose aisée.
CARREZ. « Les cycles sont de plus en plus courts pour nous aussi, les choses changent rapidement et brutalement. Il n’est plus possible de présenter une seule et même vision de notre marque au monde entier à un moment déterminé. Les marchés sont de plus en plus différents les uns des autres. Cela demande beaucoup de vigilance et d’agilité. Cartier entretient des interactions permanentes avec les régions clés – Japon, Chine, États-Unis, Moyen-Orient, Europe – pour savoir si ce que nous faisons répond à leurs attentes. Car même si nous avons des collections universelles, nous devons les adapter aux différentes régions. Les prix doivent par exemple être adaptés. Nous avons des pièces qui coûtent trois mille euros, mais aussi d’autres qui en coûtent plusieurs millions. Nous devons bien gérer cette diffusion, cette envergure de notre offre qui fait aussi sa richesse. »
« Nous avons environ trois cents boutiques dans le monde. Celles-ci doivent véhiculer de manière adéquate l’image globale de Cartier, tout en étant ancrées localement. Cartier vise toujours l’exclusivité, mais se veut aussi donner l’image d’une maison accessible et ouverte sur le monde. Unité mondiale, pertinence locale, telle est la tâche. Les offres, les campagnes : nous alignons le local sur le mondial pour qu’ils s’enrichissent l’un l’autre. »
Et tout cela dans le monde agité dans lequel nous vivons.
CARREZ. « Le monde – et la planète – sont confrontés à de grands défis. Mais même en période d’agitation, nous avons le devoir de fournir aux gens de beaux objets. Des objets intemporels, célébrant l’amour et la beauté. Ils respirent la certitude et la confiance – exactement ce dont nous avons le plus besoin en ce moment. »
cartierwatchmakingencounters.com
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