Dubaï pour les foodies : comment la ville se profile comme une destination gastronomique

La plus haute tour, la Burj Khalifa, le plus grand centre commercial et le parc aquatique le plus spectaculaire… Avec tout ce « larger than life », on peut vite avoir faim. En tant que destination touristique, la gastronomie à Dubaï ne pouvait pas être en reste.

Tout comme dans les années 50 des villes ont commencé à émerger dans des déserts arides, des restaurants étoilés peuvent éclore dans une culture où, depuis toujours, la cuisine se partage et se mijote simplement, et où le pain pitta est le plat national le plus connu. Ou comme le dit le père fondateur de Dubaï, Sheikh Mohammed Bin Rashid Al Maktoum : « We do not wait for things to happen, rather we make them happen. » Comme les habitants de Dubaï n’avaient aucune expérience en gastronomie, on a d’abord fait appel à des chefs étoilés internationaux. De grands noms comme Heston Blumenthal et Gordon Ramsay de Londres, Yannick Alléno et Anne-Sophie Pic de France, ou encore José Avillez de Lisbonne ont ouvert des antennes de leurs restaurants dans l’un des nombreux hôtels chics que compte désormais l’émirat.

Quand je demande ici et là si les chefs ont été payés pour ouvrir un restaurant, la réponse reste floue. Nathalie Van de vrede, guide à Dubaï depuis quinze ans, souligne toutefois que la région attire beaucoup de promoteurs immobiliers propriétaires d’hôtels et qu’il est donc dans leur intérêt de les rendre aussi attractifs que possible. Un chef déjà étoilé en Occident peut y contribuer. « Par ailleurs, de nombreux expatriés habitués aux plus grandes tables du monde travaillent à Dubaï, précise-t-elle. Si une ville veut être prise au sérieux, elle doit pouvoir offrir cela aussi. »

Un guide Michelin à soi

Entrée de Michelin en 2022 : pour être pris au sérieux gastronomiquement parlant, il faut des étoiles Michelin. Il est désormais connu que dans certaines nouvelles destinations où le célèbre guide français n’était pas encore actif, Michelin a été payé pour y figurer. Les mauvaises langues prétendent que le guide y est plus indulgent, mais Michelin ne dévoile jamais ses secrets et ses inspecteurs sont formels : chaque restaurant est visité par une équipe indépendante d’inspecteurs internationaux. Dans la dernière édition du guide, sortie en mai cette année, Dubaï compte désormais dix-neuf étoiles, dont quatorze restaurants une étoile, trois deux étoiles et, pour la première fois, deux restaurants trois étoiles. Ces dernières distinctions ont été attribuées à Frantzén, dont la maison mère est basée à Stockholm et compte également trois étoiles, et à Trèsind Studio, un restaurant sans précédent ailleurs, très ancré dans l’identité de Dubaï. Des établissements comme Trèsind sont bien plus fascinants que les restaurants occidentaux : qu’un restaurant occidental déjà étoilé dans son pays d’origine obtienne aussi une haute distinction à Dubaï est remarquable, mais pas très surprenant. Que Trèsind Studio, qui propose une cuisine indienne fine dining, décroche le plus haut grade témoigne de l’ambition de Dubaï.

Fusion & melting-pot

« La gastronomie dubaïote est récente », explique Solemann Haddad, un prodige de 29 ans, né et élevé à Deira, le quartier le plus ancien de Dubaï. Autodidacte en cuisine grâce aux livres, il a ouvert il y a trois ans Moonrise sur le toit de l’Eden House (avec une vue imprenable sur la skyline et un coucher de soleil à couper le souffle) et a décroché une étoile Michelin un an plus tard. « Beaucoup de ces restaurants occidentaux ont ouvert la voie à une nouvelle génération de jeunes chefs dubaïotes, mais ils ne sont pas liés à notre culture. Il est temps d’insuffler une âme à Dubaï. Ici, toutes les nationalités se retrouvent. Si tu viens de Dubaï, tu n’es en réalité d’aucun endroit ; tu viens de partout. Du coup, tu peux cuisiner ce que tu veux. J’ai grandi avec des burgers, des nouilles, des pâtes, du biryani et du shoarma. Je ne cuisine pas la fusion, je suis la fusion », raconte-t-il avec passion.

Solemann Haddad

Dans ma bouche, une pani puri explose : une petite boule indienne farcie de foie gras, datte et huile pimentée. Solemann Haddad mêle ses racines franco-syriennes au melting-pot de cultures et saveurs de Dubaï, avec une inspiration majeure venue du Japon. Il sert un toast de shokupan (pain au lait japonais) avec du parmesan affiné 36 mois et de la truffe, des pâtes aux shiitakes locales dans un riche bouillon de poulet ou du wagyu parfumé d’un mélange d’épices émiraties et de shiso.

Il mise fort sur la technique : la sauce acidulée du fattoush traditionnel devient leche de tigre dans un ceviche de maquereau local. Ses saveurs sont audacieuses et franches, mais reconnaissables. Et il y avait de l’ambiance au comptoir ce soir-là, où nous étions douze convives…

D’Alep jusqu’au streetfood primé

Les frères Orfali sont une autre institution authentique à Dubaï. Ces trois frères syriens ont fait passer leur streetfood moderne d’Alep au rang de meilleur restaurant dans la liste des World’s 50 Best – Middle East & North Africa. Contrairement à Moonrise, ici, dans ce lieu au rez-de-chaussée, on vous voit bien, et donc l’alcool est interdit. À la place, ils proposent des boissons maison fermentées à base de kvass (fait à partir de céréales), kombucha et cascara (écorce de cerise de café), qui leur ont valu à juste titre le prix du meilleur choix sans alcool décerné par Gault&Millau.

Les plats sortent d’une cuisine qui s’étend sur deux étages et, fidèle à la tradition, se dégustent en partageant. Mohammed, le frère du milieu, aux côtés de Wassim et Omar, a suivi une formation classique de cuisine française en Syrie avant d’arriver à Dubaï pour apprendre l’anglais. Lorsqu’on lui a demandé de cuisiner des plats d’Alep pour une émission télé, il s’est vite rendu compte qu’il ne connaissait en réalité pas du tout sa propre culture culinaire.

Un éclair umami

Lui aussi souhaite aujourd’hui rendre hommage à ses racines. Le foie gras est présenté sur un support en forme de patte d’oie, garni de vinaigre de coing et de miso à la noisette, suivi d’une bouchée unique qui rend toute la tablée silencieuse : un éclair umami, rempli d’une émulsion de champignons et de marmite, parsemé d’éclats de cacao et surmonté d’une fine tranche de prosciutto. Les frères font aussi taire tous ceux qui ricanent devant le kebab avec leur version wagyu, cerises, pignons de pin et cannelle. La musique est à fond, les locaux branchés rapprochent les tables. Une bière n’aurait pas détonné dans ce café-restaurant populaire, étoilé au guide.

Six saveurs, pas de viande

Mais le restaurant le plus surprenant s’avère être Avatāra, dirigé par le chef Rahul Rana. Ce restaurant indien, issu de Trèsind Studio, marie les six saveurs de l’ayurveda dans un tourbillon de dix-huit plats. On se croirait dans un conte des Mille et Une Nuits. Des amuse-bouches haut en couleur, minutieusement travaillés comme des petits fours, trônent sur un présentoir enveloppé de fumée. Chaque bouchée est façonnée en fleur et représente un rasa (saveur ou état d’esprit) : sucré, piquant, astringent, salé, amer et acide. Parmi les saveurs, on retrouve notamment une mousse de lait au safran, de la patate douce au combava et un curry de mangue verte. Avatāra est le seul restaurant étoilé végétarien de Dubaï et, avec des plats comme la pastèque grillée accompagnée de nectarine marinée et d’eau de tomate, ou le chokha de petits pois (purée épicée) servi avec un cannoli de pain plat indien au shiso à tremper dans un curry de carottes, il prouve qu’on n’a besoin ni de poisson ni de viande pour se sentir encore inspiré le lendemain.

Avatāra

Highway culinaire

Que vous vouliez vous faciliter la vie en cochant en peu de temps une série de restaurants pour lesquels il faudrait normalement prendre deux vols et une route cahoteuse ou simplement vous immerger dans une nouvelle culture culinaire surprenante, à Dubaï, les deux sont possibles. Dans tous les domaines touristiques, et désormais aussi gastronomiques, Dubaï facilite tout à chaque niveau. Que ce soit parfois un peu moins authentique peut être le revers de la médaille, mais tout dépend du regard que l’on porte sur les choses. Comme pour les propriétaires d’une villa sur l’un des bras de Palm Jumeirah, peu importe qu’ils soient sur un terrain artificiel, ils ont quand même leur propre plage.

Toutes les infos

Les restaurants:

. Moonrise, Eden House, 41 Street, Al Satwa, Dubaï.

moon-rise.xyz

. Orfali Bros, Wasl 51 Mall, Al Wasl Road, Jumeirah 1, Dubaï.

orfalibros.com

. Avatāra, Business Park 1, Dubai Hills Estate, Dubaï.

avatara.ae

En pratique:

. Y aller : vols Emirates ou Brussels Airlines depuis Brussels Airport vers Dubaï : 6,5 heures
. Y dormir : ME Dubai by Meliá à Business Bay (dessiné par Zaha Hadid).

mebymelia.com

. La monnaie : dirham (divisez par quatre pour obtenir le montant en euros)
. Une astuce : procurez-vous une carte Wise pour 7,50 €, sur laquelle vous pouvez transférer de l’argent et éviter les frais de change ou bancaires lors de paiements en devises étrangères.

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