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Mauvaise nouvelle, l’économie va trop bien !

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

C’est la fin de la semaine, on a donc le droit se détendre un peu, d’où ma question a priori stupide : quand les choses vont mieux que vous ne vous y attendiez, comment réagissez-vous ? J’imagine que vous êtes content et que vous remerciez le ciel ou qui vous voulez ? Moi aussi, je suis comme vous.

Justement, si je dis que ma question est stupide, c’est parce que n’importe quel être humain réagirait de la même manière. Bien que pas tout à fait, justement. Je connais au moins deux personnes qui ne réagissent pas comme nous . Et mon souci, c’est que c’est deux personnes – un homme et une femme – font partie des personnes les plus puissantes de la planète. Je parle de Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine, et Christine Lagarde, la présidente de la banque centrale européenne. À eux deux, ils dirigent les taux d’intérêt de notre petite planète.

Et eux, qu’est-ce qu’ils constatent ? Que les prévisions de récession ne se sont pas réalisées, que les économies ralentissent, mais se portent bien, que le chômage reste trop faible. C’est dingue, mais toutes ces bonnes nouvelles ne plaisent pas du tout à ces présidents de banques centrales. Jerome Powell l’a dit crûment : tout cela ne lui plaît pas trop. Pour lui, l’économie doit absolument passer par la case récession : il ne veut pas une récession forte, mais au moins une petite récession de courte durée, mais une récession quand même.

En fait, je vous rassure tout de suite, Jerome Powell n’est pas un monstre dénué de sentiments, il est juste entouré d’économistes qui lui disent que si l’inflation doit baisser durablement, il faut que nos économies passent à un moment par la case récession pour que la fièvre inflationniste retombe. Or, là, ce n’est pas du tout le cas. Les ménages continuent de consommer, car ils piochent dans l’épargne qu’ils ont constituée durant la période de COVID. Quant aux entreprises, du moins celles qui vont bien, elles anticipent un rebond économique et sont plus préoccupées de ne pas trouver les ouvriers et les employés nécessaires pour faire tourner leur business, que par la récession. Quant à la Bourse, après avoir été en rouge vif une bonne partie de l’année 2022, elle est repartie de plus belle. C’est simple, le mois de janvier dernier a été le meilleur mois boursier depuis 8 ans. Et cette envolée de la Bourse ne plaît pas non plus aux banquiers centraux, car comme le dit joliment Marc Fiorentino, commentateur boursier avisé, cette envolée boursière créée une sorte “d’effet richesse” qui alimente à son tour la consommation.

Tout cela ne fait pas baisser l’inflation autant qu’il le faudrait. Donc, oui, l’économie va bien, mieux qu’espéré, et paradoxalement, cela ne fait pas les affaires des banquiers centraux qui estiment que nous devrions d’abord passer par l’enfer de la récession avant de retourner au paradis sans inflation. Ils nous préviennent déjà : si rien ne change, ces banquiers centraux vont continuer à remonter les taux d’intérêt. Cela sera en quelque sorte notre purgatoire si je reste dans la métaphore religieuse. Mais vous savez quoi, les Bourses ne les croient pas, elles pensent que ces deux dirigeants sont des bluffeurs et qu’ils n’oseront pas remonter trop fort les taux d’intérêt.

Bref, c’est un jeu de poker menteur qui se joue devant nos yeux en ce moment, et nous sommes les spectateurs de ce jeu de poker. Cela me fait, hélas, penser à ce que disait un historien américain : quand vous n’êtes pas autour de la table de négociation, c’est que vous faites partie du menu !

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