Amid Faljaoui

La revanche des salariés sur les clients

Pour attirer et garder des salariés devenus rares, les entreprises seront peut-être obligées de bousculer les habitudes de leurs clients.

Les salariés seraient-ils en train de prendre leur revanche sur les clients? Question étonnante alors qu’on nous a toujours répété ad nauseam que le client était roi, que le salarié devait s’adapter à ses désirs, voire à ses caprices. Antoine Foucher, pourtant, nous démontre dans une tribune publié dans le quotidien économique Les Echos, que la donne a changé.

Sa démonstration? Regardez autour de vous: toutes les entreprises, tous les secteurs confondus se plaignent de ne pas trouver de personnel. C’est la fameuse pénurie de main-d’oeuvre qui n’affecte pas seulement les métiers de la restauration, de l’hôtellerie mais aussi les ingénieurs. Et cette pénurie de main-d’oeuvre est là pour durer encore quelques années, pour la simple raison qu’elle est structurelle et non pas conjoncturelle.

La preuve: nos universités en Belgique ne forment pas assez d’ingénieurs pour assumer la demande qui a explosé pour ce type de profil, y compris au-delà de l’industrie classique (je pense aux banques et assurances). Quant à nos restaurateurs et autres cafetiers, ils ne trouvent plus de candidats serveurs pour la simple raison que le covid est passé par là. C’est vrai que dans pas mal de secteurs, les employés et ouvriers ont découvert qu’ils avaient parfois une vie de chien.

Bientôt la fin du client-roi face à la pénurie de main-d’oeuvre ?

Que peuvent faire les employeurs pour motiver ces salariés à venir chez eux? Augmenter le salaire est la solution la plus évidente. Mais si on peut le faire pour des métiers très spécialisés dans des secteurs porteurs et à forte valeur ajoutée, c’est plus compliqué pour des métiers de proximité et de service à la personne, qui sont à faibles marges. Puis, ne l’oublions pas, le patron a beau être généreux et accepter de mordre sur sa marge, il a un associé invisible, très gourmand et qui ne l’oublie jamais: le fisc! A quoi bon augmenter un serveur ou une femme de ménage, si la majeure partie de cette augmentation part en charges sociales et fiscales et laisse un “net” riquiqui au salarié en question?

Reste donc à agir sur les conditions de travail pour rendre ces jobs plus attractifs. D’où la question judicieuse posée par Antoine Foucher: jusqu’où les entreprises seront-elles prêtes à aller pour attirer et garder leurs salariés? Les entreprises les plus riches pourront par exemple offrir une garderie d’enfants. Mais quid des autres? Dans le secteur de la distribution et de la logistique, va-t-on faire en sorte de ne pas avoir des horaires qui fluctuent trop d’une semaine à l’autre? Mais alors, cela signifie que la flexibilité des salariés sera plus faible et donc que les prix vont augmenter… Comment vont réagir les clients?

Pour attirer et garder des salariés devenus rares, les entreprises seront peut-être obligées de bousculer les habitudes de leurs clients. C’est déjà le cas dans les banques où malgré la fin du covid, il est souvent impossible de passer en agence à l’improviste, ce qui est le contraire du service! Philippe Bloch, auteur d’un livre culte sur les services (Services compris) et cofondateur de la chaîne Columbus Café, avait coutume de citer l’exemple d’une chaîne de supermarchés aux Etats-Unis. Quiconque entrait dans l’un de ses magasins pouvait lire à l’entrée de ces magasins: “Règle numéro 1: le client a toujours raison. Règle numéro 2: si le client a tort, relisez la règle numéro un.”

Aujourd’hui, j’ai tendance à me dire que cette époque est révolue. J’ai beau regarder à gauche et à droite, le service, tout le monde en parle, mais dans les faits, il est devenu aussi rare que les apparitions de la Vierge Marie.

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