Pierre-Henri Thomas

Réforme fiscale ou poudre aux yeux électorale ?

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le ministre des Finances a présenté mercredi les grandes lignes d’une réforme fiscale qu’il est, pour l’instant, seul à porter. On peut saluer l’initiative (le pays a vraiment besoin d’une réforme et les mesures annoncées devraient soulager la classe moyennes qui travaillent) mais on peut aussi douter qu’elle aboutisse.

Certes, la réforme que voudrait Vincent Van Peteghem, et qui reprend l’esprit de ses propositions précédentes annoncées l’an dernier, ne touche ni aux voitures de sociétés, ni aux plus-values, tabou libéral. La fiscalité sur le travail est allégée : en augmentant la quotité exemptée d’impôt, en abaissant de 50 à 45% la tranche d’imposition pour le revenu allant jusqu’à 60.000 euros, le gain pour le travailleur serait de 1.660 euros pour un salaire mensuel brut de 3.200 euros.

Mais politiquement, il y a d’énormes obstacles à surmonter. L’idée générale est de compenser la baisse des charges du travail en augmentant les charges sur les multinationales (un impôt minimum d 15%), sur le patrimoine (un doublement de la taxe sur les comptes-titres) et sur la consommation (en harmonisant à 9% le taux de TVA réduit qui allait de 6 à 9% et en promettant d’abandonner les subventions aux énergies fossiles).

Est-ce que les libéraux seront prêts à négocier sur cette base et donc à toucher aux taxes sur le patrimoine ? Il y a trois semaines, dans un entretien donné au Nieuwsblad, avait déclaré qu’il serait difficile de faire une réforme fiscale sous ce gouvernement-ci. Il avait en tout cas exclu une réforme qui ne serait qu’un tax shift. Pas question de déshabiller Pierre pour habiller Paul (in het Nederlands : “Het mag alleen geen vestzak broekzak operatie zijn met ongelukkige gevolgen”). ET ce jeudi, Georges-Louis Bouchez était déjà vent debout contre la hausse de la taxe sur les comptes-titres.

A gauche, PS et Ecolo sont-ils prêts à adopter des mesures touchant proportionnellement davantage les petits revenus que les gros, comme la hausse de certains taux de TVA, le relèvement des accises ou la disparition progressive des subventions aux énergies fossiles ? Dans un entretien au Soir, fin janvier, le président de Vooruit, Conner Rousseau, déclarait : « ce n’est jamais une bonne idée de présenter un projet de réforme qui n’a pas encore eu le feu vert au sein du gouvernement ».

Ce jeu politique est d’autant plus complexe que le calendrier politique pourrait bien venir polluer ces bonnes intentions. D’abord, le contrôle budgétaire de mars. Sur papier, le ministre des finances estime que sa réforme coûterait 6 milliards sur trois ans, mais que cela serait compensé par des « effets retour ». Mais on sait que l’Europe nous demande plutôt de réduire les dépenses que d’offrir des cadeaux fiscaux. Et l’on sait aussi d’expérience que les estimations budgétaires des réformes fiscales sont très imprécises.

 Ensuite, le phasage de cette réforme en deux temps (premier temps, avant les élections de 2024, second temps, après) fait craindre que finalement, le projet complet n’aboutisse jamais. Il y a en effet un risque (on ne va pas le chiffrer pour ne pas faire de peine) que la Vivaldi ne soit pas reconduite lors de la prochaine législature. Et si le gouvernement actuel se mettait par miracle d’accord sur une réforme, elle serait très incomplète, chaque parti voudra donner des gages à son électorat avant les élections. Et ces nouveaux dérapages budgétaires seront de moins en moins tolérés par l’Union européenne.

Aujourd’hui, Vincent Van Peteghem a donc réussi une opération de communication, à un an des élections, qui le présente en défenseur des classes moyennes travailleuses. Pour le reste….

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