Typhanie Afschrift

Faut-il financer les partis politiques?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Ils ne sont pas représentatifs du peuple. Et les subsides qu’ils perçoivent servent, outre le financement des campagnes électorales, à faire fonctionner des véritables administrations bis.

C’est une étrange idée qu’a eue la secrétaire d’Etat au Budget, Alexia Bertrand. Comme tout le monde, elle se rend compte que la constitution d’un nouveau gouvernement fédéral après les élections de 2024 sera probablement très difficile et que l’on risque à nouveau de voir la Belgique gouvernée par un cabinet “en affaires courantes”. Tout le laisse présager: les habituelles oppositions nord-sud et la tendance des différents partis à se radicaliser aussi sur l’axe gauche-droite.

Alexia Bertrand a proposé que les ministres voient leur rémunération diminuer à mesure que les négociations pour la formation d’un gouvernement se prolongent. C’est une idée originale mais il semble peu probable que l’on modifie la loi en ce sens. Ou, en tout cas, qu’on le fasse dans une mesure suffisante pour que ce soit réellement efficace.

D’aucuns ont d’ailleurs fait remarquer que si l’on voulait vraiment jouer sur l’aspect économique, il valait mieux proposer que la durée des négociations ait une incidence sur la dotation des partis politiques plutôt que sur le salaire des ministres. Après tout, ce ne sont pas les ministres qui négocient la formation d’un gouvernement mais bien des présidents de partis, que l’on peut supposer davantage intéressés par la dotation de leur formation que par les salaires des ministres. D’ailleurs, on ne peut réduire la rémunération de ceux-ci de manière excessive, sous peine de se retrouver avec des personnes peu compétentes parce que fort peu attirées par une fonction comportant de lourdes responsabilités.

“Les partis politiques ne remplissent aucune fonction démocratique. Ce ne sont pas eux qui sont élus.”

Ce débat, encore discret, a permis de se rendre compte de l’importance des dotations aux partis politiques. Il paraît normal que des ministres soient bien rémunérés si l’on veut avoir affaire à des personnes suffisamment capables, parce que ce qu’ils font est un véritable travail et qu’une piètre prestation peut coûter beaucoup plus cher que leurs salaires.

En revanche, on se demande vraiment pourquoi on doit subsidier des partis politiques. Ceux-ci ont déjà une place très importante dans la vie politique, alors que les organes des partis ne sont pas élus par les citoyens mais par des membres des partis, soit une toute petite minorité de la population. Ils ne sont pas représentatifs du peuple. Et les subsides qu’ils perçoivent servent, outre le financement des campagnes électorales, à faire fonctionner des véritables administrations bis qui viennent s’ajouter aux cabinets déjà pléthoriques des ministres, formés eux aussi presque toujours de représentants des partis. Cela leur donne un pouvoir exorbitant.

Rémunérer les partis, c’est aussi injuste par rapport à de nouveaux prétendants à l’accès au Parlement. Les partis d’aujourd’hui verrouillent la composition des assemblées à cause de notre système de vote par listes qui rend pratiquement impossible l’élection de quelqu’un qui n’a pas été adoubé par un parti. Si, en plus, on subsidie exclusivement les formations existantes, il devient quasiment impossible pour un nouveau parti d’avoir des élus.

Un nouveau venu démarre sans ressources dans un système qui limite les dépenses électorales face à des compétiteurs qui, depuis la dernière élection, bénéficient de subsides publics importants destinés à faire parler d’eux et à accaparer les moyens de communication.

“Il n’est vraiment pas nécessaire de favoriser encore leur puissance.”

Les partis politiques ne remplissent aucune fonction démocratique. Ce ne sont pas eux qui sont élus, la Constitution ne leur reconnaît aucun pouvoir et ils se comportent déjà comme des Etats dans l’Etat. Il n’est vraiment pas nécessaire de favoriser encore leur puissance en les faisant bénéficier de l’argent du contribuable.

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