Typhanie Afschrift

Crise bancaire et banques centrales

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

S’il est indiscutable que Credit Suisse a été mal géré, il est difficile de soutenir que les autorités de contrôle n’y sont pour rien.

Une nouvelle fois, des banques se retrouvent en difficulté. Et l’on entend des voix en faveur d’un nouveau resserrement du contrôle sur les organismes financiers, sur les banques. Ce raisonnement revient à dire que les autorités feraient mieux que les banquiers privés pour la gestion de leurs propres établissements. Il reste à démontrer que des personnes choisies par l’Etat seraient plus efficaces que des dirigeants désignés par les actionnaires.

Ce sont pourtant ces actionnaires qui prennent des risques et qui, tant de la Silicon Valley Bank que pour Credit Suisse, perdront presque tout leur investissement. Quant à la réglementation financière, il serait difficile de dire que les dizaines de milliers de pages qui y sont consacrées, ainsi que les imposants pouvoirs de régulation accordés aux organismes de contrôle, seraient peu de chose.

Les taux en cause

Le métier de banquier est de faire commerce avec l’argent, et il s’agit donc essentiellement d’une question de taux d’intérêt. Or, ces taux ne sont plus influencés par le marché que de manière très marginale. Ils sont fixés par les banques centrales, et ce d’une manière qui n’a plus rien à voir avec le fonctionnement d’un marché. Pendant des années, les banques centrales ont imposé des taux d’intérêt artificiellement bas, voire négatifs, qui ne répondaient plus à la loi de l’offre et de la demande, mais convenaient en revanche très bien aux Etats, principaux débiteurs et qui veulent réduire leurs charges.

Aujourd’hui, à cause de l’inflation, les taux d’intérêt ont été brutalement relevés. Mais les autorités imposent toujours aux banques d’acquérir une certaine proportion de bons d’Etat, soit des titres jugés “sûrs”. Ceux-ci sont effectivement sans risque à leur échéance, parce qu’en situation normale, ils sont toujours remboursés. Mais il subsiste le risque, appréciable, des taux d’intérêt: si une banque a dû acquérir des bons d’Etat à des taux nuls ou extrêmement faibles pour répondre aux exigences du régulateur, elle se retrouve aujourd’hui avec des titres qui valent beaucoup moins. C’est ce qui est arrivé à la Silicon Valley Bank. Lorsque celle-ci a été contrainte de rembourser ses déposants, elle a dû vendre les titres prétendument “sûrs” que sont des bons d’Etat et a encaissé des milliards de pertes, ce qui a entraîné sa chute.

On ne peut nier que la régulation a représenté un élément essentiel, certes pas unique, de la chute de cette banque. Voilà sans doute une bonne raison pour ne pas accroître encore la régularisation. Quant à Credit Suisse, s’il est indiscutable que cette banque, qui a subi des pertes au cours de six des dix dernières années, a été mal gérée, il est difficile de soutenir que les autorités de contrôle n’y sont pour rien. Il est clair qu’une banque de cette importance, too big to fail, a été soumise à un contrôle extrêmement strict de la part de la FINMA, l’organe de régulation helvétique.

Etats débiteurs

Il paraît difficile d’exiger encore plus de contrôle que ce qui existe déjà. Nous sommes déjà dans une situation où la banque n’est en réalité plus une entreprise privée: son activité dépend entièrement de taux d’intérêt fixés par les autorités, les Etats sont devenus ses principaux débiteurs capables d’entraîner sa faillite, des charges gigantesques lui sont imposées pour des motifs d’ordre public (notamment en matière de compliance) et presque tous ses actes sont soumis à un contrôle tatillon.

Le coût de la régulation est d’ailleurs pour beaucoup dans la consolidation du secteur qui fait que les petites banques disparaissent au profit de géants de plus en plus difficiles à gérer. Comme justement UBS après son absorption forcée de Credit Suisse…

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