Carte blanche

Et si l’énergie nucléaire boostait l’hydrogène?

L’énergie nucléaire était morte et enterrée mais en fin de compte, nous ne pouvons pas nous en passer. C’est la dure leçon que l’Europe est en train de tirer après un an de crise ukrainienne.

Par Christian Leysen, entrepreneur et membre du Parlement fédéral (Open Vld)

Nous payons le prix fort pour ignorer collectivement l’importance de notre indépendance énergétique stratégique et géopolitique. Mais nous devons également constater que la transition énergétique vers le renouvelable prend plus de temps que prévu. Les dogmes et les tabous seuls ne nous permettront pas d’allumer les lampes et de faire fonctionner notre industrie.

Le gouvernement fédéral a décidé à juste titre de négocier avec Engie la prolongation de 10 ans des réacteurs Tihange 3 et Doel 4. En outre, le prolongement de trois autres réacteurs par la piste d’une extension de combustible est à l’étude. “Manoeuvre d’un ministre de l’énergie verte”, entend-on crier l’opposition. J’appellerais ça plutôt prendre ses responsabilités. Les principes idéologiques sont mis à l’épreuve de la réalité, de nouvelles idées sont acquises et des décisions sont prises. Cela semble peu spectaculaire mais nous fait avancer au lieu de se faire la guerre sur la façon de modifier la loi de sortie du nucléaire et son timing.

Mais n’oublions pas l’avenir de l’hydrogène dans notre paysage énergétique. Pour l’industrie mais aussi comme moyen de stockage pour produire de l’électricité.

Cependant une molécule d’hydrogène n’est pas l’autre. La source d’énergie avec laquelle elle est produite fait la différence. Le charbon et le gaz naturel ne sont pas respectueux du climat alors que les énergies renouvelables le sont. L’électricité des centrales nucléaires peut également être utilisée et est tout aussi climatiquement neutre. L’Union européenne a décidé d’ailleurs le mois dernier d’étiqueter cet hydrogène “rose” issu de l’énergie nucléaire comme “vert”. Il ne s’agit donc pas de projets chimériques. En fait, plusieurs projets pilotes sont en cours aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. La Belgique ne devrait pas rater ce train. Même si le prolongement des centrales nucléaires doit servir en première instance à la production d’électricité de consommation directe dans les années à venir, nous devons dès à présent nous pencher concrètement sur le lien avec la production d’hydrogène à base de l’énergie nucléaire. Nous devons lancer le débat au Parlement à ce sujet sans tarder.

Nous devons  étudier la possibilité d’utiliser à long terme une partie du parc actuel de réacteurs nucléaires pour la production d’hydrogène pour l’industrie. Cela ne nécessite pas une bataille politique sur la loi de sortie du nucléaire, car la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire ne s’applique pas à la production d’hydrogène. Avec les prix de l’énergie structurellement plus élevés d’aujourd’hui, certainement par rapport à la concurrence des Etats-Unis, il est rentable d’utiliser une partie du parc existant à cet effet en attendant la mise en œuvre de nouvelles centrales à déchets nettement réduits. De plus, l’industrie du bassin mosan et du port d’Anvers peut plus facilement et à moindre coût s’approvisionner en hydrogène auprès de ses voisins de Tihange et Doel, plutôt que de devoir l’importer par bateau d’un pays à régime douteux. Il est également intéressant d’inclure le lien avec la production d’hydrogène dans les recherches sur l’énergie nucléaire de nouvelle génération, les SMR. En associant les connaissances nucléaires existantes au cluster d’hydrogène naissant, nous pourrions devenir un précurseur au niveau européen, comme nous le sommes déjà dans le domaine de l’éolien offshore.

Si nous voulons atteindre les objectifs climatiques, nous devons passer par la transition énergétique courageuse. Le wishful thinking, c’est bien, mais ça ne nous avance pas vraiment. Nous devons diversifier notre bouquet énergétique et conserver notre indépendance stratégique. L’énergie nucléaire jouera un rôle de soutien significatif à cet égard, en plus du déploiement massif de l’énergie éolienne et solaire. L’étude EnergyVille PATHS 2050 a révélé que la neutralité climatique alliée à l’énergie nucléaire est la plus rentable. Dans cette perspective, il faut voir de manière pragmatique comment utiliser un éventuel futur parc nucléaire pour produire localement de l’hydrogène décarboné, afin de donner du vent à l’économie de l’hydrogène. Les préoccupations climatiques et la sauvegarde de notre avenir économique peuvent et doivent se renforcer mutuellement.

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