Les frais cachés de la voiture électrique

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Certes, l’électricité est moins chère, comme ” carburant “, que l’essence ou le diesel pour une voiture classique. Mais mieux vaut vérifier à l’avance si la recharge de votre nouveau véhicule induira des frais supplémentaires.

Al’occasion du Salon de l’Auto, qui ouvre ses portes à Bruxelles le 10 janvier, de nombreuses voitures électriques abordables seront présentées pour la première fois au public belge. ” Les constructeurs automobiles n’ont pas chômé. Les voitures électriques dernière génération sont moins chères et équipées de batteries d’une plus grande autonomie, déclare Gert Verhoeven, de la VAB, l’équivalent flamand de Touring. Maintenant que ces véhicules deviennent accessibles, c’est leur recharge qui pose problème. ”

Nos infrastructures ne sont souvent pas du tout ou insuffisamment adaptées aux véhicules électriques. ” Combien de bornes de recharge publiques avez-vous déjà vues ? demande Gert Verhoeven. Si vous avez la chance d’en trouver une, elle sera souvent déjà prise. Et le chargement à domicile n’est pas envisageable pour les personnes qui vivent en appartement ou dans une maison de rangée en pleine ville. Dans un monde parfait, tous les utilisateurs rechargeraient leur voiture au boulot pendant la journée… mais les employeurs devraient alors équiper presque chaque place de parking d’une borne. C’est pratiquement impossible. Sans compter les petites sorties le week-end. ”

Il y a quelques années, les conducteurs s’estimaient heureux de pouvoir rouler 150 km d’affilée avec leur voiture électrique. Aujourd’hui, la plupart des nouveaux modèles atteignent facilement les 300 km. ” L’inconvénient, c’est que les nouvelles batteries ont besoin de plus de temps pour une recharge complète, précise Gert Verhoeven. Il faut en moyenne 20 à 24 heures pour charger complètement une batterie sur une prise électrique normale. ”

Attention au pétage de plombs !

Dans beaucoup de ménages, la voiture est également utilisée en dehors des heures de travail. Si la recharge prend plus de temps qu’une nuit de sommeil classique, aucune voiture électrique n’est adaptée aux trajets quotidiens domicile-travail pour la plupart des gens, selon Gert Verhoeven. ” La majorité des fabricants vendent des bornes de recharge à domicile ou des bornes rapides, ajoute celui-ci. Pour les bornes intelligentes à domicile, l’argument de vente principal est qu’elles vont s’adapter à la consommation électrique de la maison en consommant moins s’il y a déjà beaucoup d’appareils branchés, et inversement. Mais il ne s’agit pas d’une solution miracle. ”

” Avec une borne de recharge à domicile, vous pouvez recharger complètement la batterie de votre voiture en 10 heures, mais vous monopolisez 20 ampères, soit la moitié des ampères disponibles avec une connexion standard pour une maison normale. Le chargement de la batterie équivaut à l’utilisation simultanée de trois machines à laver. Il faut donc éviter d’utiliser trop de gros appareils ménagers lorsque que votre voiture est en charge. Sinon, c’est le pétage de plombs assuré ! Or, le moment où vous avez l’occasion de charger votre voiture est souvent celui où vous cuisinez, faites tourner le lave-vaisselle ou lancez une machine de linge. ”

Bjorn Verdoodt, porte-parole de Fluvius, le gestionnaire de réseau flamand, nuance cependant les propos tenus par Gert Verhoeven. ” Une batterie de voiture n’est presque jamais complètement vide. Elle est comparable à celle d’un téléphone portable. Vous la rechargez quand vous en avez l’occasion mais vous ne la laissez jamais s’épuiser complètement. La recharge domestique monophasée est déjà possible à partir de 16 ampères ou 3,7 kilovolts-ampères ( kVa). Cela signifie qu’on peut charger une batterie pendant 10 heures par nuit pour une autonomie d’environ 200 km. C’est largement suffisant pour les déplacements quotidiens de la plupart des gens. Et si ce n’est pas le cas, il est également possible d’opter pour une charge triphasée à 16 ampères ou 11 kVa. Une batterie puissante peut alors être rechargée en moins de sept heures, en supposant qu’elle soit complètement vide avant la recharge, ce qui n’arrive pratiquement jamais. ”

Des frais inattendus

Les particuliers peuvent aussi demander au gestionnaire de réseau d’augmenter la tension de leur circuit électrique. Mais selon Bjorn Verdoodt, ce n’est pas toujours nécessaire. ” Dans le cas où quelqu’un passerait de 9 à 16 kVA, par exemple, l’intervention coûterait environ 300 euros HTVA, ce qui n’est encore qu’une partie du coût réel. Réfléchissez donc bien avant de réaliser un tel investissement, pas forcément nécessaire. Pensez également à consulter un installateur afin de distinguer la puissance souhaitée de la puissance requise. Et n’oubliez pas non plus les coûts supplémentaires pour l’installation éventuelle d’un nouveau compteur, éventuellement avec une nouvelle armoire, ou le remplacement du câble de connexion au réseau. Ce type de modification doit satisfaire aux normes. ”

Recharger sa voiture à domicile peut nécessiter l'installation d'un nouveau tableau électrique ou le changement de la connexion au réseau.
Recharger sa voiture à domicile peut nécessiter l’installation d’un nouveau tableau électrique ou le changement de la connexion au réseau.© belgaimage

Gert Verhoeven en a d’ailleurs fait l’expérience chez lui : il a dû installer une nouvelle armoire pour compteur et faire remplacer le câble de connexion. ” Cela m’a coûté entre 5.000 et 6.000 euros. ” Selon lui, il y a aussi le risque que le gestionnaire de réseau refuse la demande si trop de voisins disposent déjà d’un circuit à tension élevée. Ou d’attendre longtemps avant que la demande ne soit approuvée. ” Le délai d’exécution peut aussi dépendre d’une éventuelle étude de faisabilité ou d’une intervention nécessitant un investissement de la part du réseau, précise Bjorn Verdoodt. Il est de 15 jours ouvrables dans le cas où aucune étude ou intervention n’est nécessaire sur le réseau. Avant de pouvoir augmenter la tension d’un circuit, le client doit faire inspecter les modifications apportées à son installation. ”

La fédération des gestionnaires de réseau Synergrid a récemment fait réaliser une étude sur l’impact pour le réseau d’un passage massif des ménages belges à la mobilité électrique. ” La principale conclusion était que l’impact demeurerait relativement limité et que nous pourrions recharger cinq fois plus de véhicules si nous développons un système de répartition afin d’éviter que tout le monde ne commence à recharger son véhicule à l’heure de pointe du soir. Des solutions sont envisageables, comme rendre le chargement pendant la nuit ou même en journée plus intéressant sur le plan financier. De cette manière, nous arriverions à limiter la consommation de pointe et à réduire considérablement l’impact sur le réseau d’un grand parc automobile électrique. ”

Autres problèmes

Bjorn Verdoodt souligne également des problèmes liés à deux modèles de voitures électriques : la Smart et la Renault Zoe. ” Comme le Danemark, la Norvège ou certaines zones en France, notre pays dispose historiquement de deux types de réseaux : le 230 V et le 400 V. Les véhicules Smart et Renault Zoe rencontrent des problèmes de charge sur le circuit 230 V. Les fabricants ont déjà été informés du problème. Il suffit d’une simple modification de leur système pour le résoudre. Tous les autres constructeurs de véhicules électriques ont déjà adapté leurs systèmes ces dernières années. ”

Si vous envisagez d’acheter une Smart ou une Zoe, il est donc recommandé de contacter votre gestionnaire de réseau pour savoir à quel type de circuit elles seront connectées. Pour ceux qui en possèdent déjà une, il existe heureusement des solutions. ” La plus simple est de faire installer un autotransformateur, explique Bjorn Verdoodt. Celui-ci peut convertir un circuit 230 V sans neutre en un circuit 400 V avec neutre, de sorte que la recharge ne pose plus aucun problème. Des autotransformateurs sont déjà disponibles sur le marché entre 750 et 1.000 euros. L’installation d’un circuit ou la conversion au 400 V est techniquement envisageable mais reste chère dans la plupart des cas. C’est pourquoi nous avons récemment proposé à la VREG, le régulateur du réseau flamand, d’assurer rapidement un tarif client plus avantageux pour ce genre de conversion, afin que le montant à payer pour la modification locale de son raccordement électrique reste abordable. “

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