Leon Van Rompay: “La pénurie de médicaments est surestimée”

La Chambre a adopté une loi pour freiner l’exportation de médicaments. Celle-ci stipule que le patient belge doit bénéficier en priorité de la délivrance de médicaments. Mais pour Leon Van Rompay, le fondateur de la société Docpharma spécialisée dans les médicaments génériques, cette nouvelle mesure ne présente guère d’avantages.

Personne ne peut contester une loi qui oblige les grossistes-répartiteurs à donner la priorité au patient belge, n’est-ce pas ?

LEON VAN ROMPAY. “C’est vrai. Mais cette loi va bien plus loin. Désormais les grossistes-répartiteurs ne peuvent plus délivrer qu’aux hôpitaux et aux pharmacies. En théorie, rien n’empêche les sociétés d’exporter des médicaments. Seulement voilà, ce sont généralement les grossistes qui les approvisionnent. De fait, l’exportation de médicaments est rendue totalement impossible.”

“La délivrance directe par les firmes pharmaceutiques représente alors la seule possibilité. Mais dans la pratique, celles-ci ne le font qu’en cas d’excédents. En réalité, cela signifie que l’interdiction d’exportation frappe aussi les médicaments excédentaires sur le marché belge. Selon moi, cela est contraire à la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne.”

Il faut peut-être en passer par là pour éviter une pénurie de médicaments ?

“Cette pénurie est surestimée. Les grossistes ont toujours servi en priorité les pharmacies et les patients belges. L’année dernière, 420 emballages ont été indisponibles pendant deux semaines ou plus. Je dis bien 420 emballages et pas 420 médicaments différents. La moitié concernaient des produits génériques, pour lesquels il existe toujours suffisamment d’alternatives. Un quart de ces 420 emballages étaient destinés uniquement aux hôpitaux et là aussi, les alternatives sont nombreuses. Au total, seuls 10% étaient effectivement indisponibles et il s’agissait dans trois cas seulement de produits également exportés. Imputer la pénurie à l’exportation est exagéré.”

Quelle est dès lors l’utilité de cette mesure ?

“L’interdiction d’exportation permet aux groupes pharmaceutiques de mieux optimiser leurs gains en Europe. Par ailleurs, cette mesure s’avère contre-productive. L’Espagne a par exemple pris des dispositions comparables et les pénuries se sont aggravées. Ces dernières résultent plus de la fabrication que de l’exportation. L’explication est économique : le secteur donne la priorité aux médicaments qui rapportent le plus. Qui va blâmer un fabricant pour ça ? Son comportement s’inscrit dans une logique économique.”

“Dans notre pays, les pénuries n’ont rien de dramatique. Le problème est beaucoup plus grave aux Pays-Bas. Nos voisins font face à de réelles pénuries, alors que chez nous, il s’agit principalement de conditionnements en rupture de stock. Il serait beaucoup plus facile de demander aux exportateurs de cesser d’exporter certains produits plutôt que d’imposer une interdiction totale. Je suis persuadé qu’ils coopéreraient.”

Et maintenant ?

“Je suppose que les exportateurs vont demander l’avis du Conseil d’État, sinon ils risquent de devoir mettre la clé sous la porte prochainement. Et j’ai l’impression qu’ils ont des chances d’être entendus.”

Traduction : virginie·dupont·sprl

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