“Le gouvernement peut modifier les allocations familiales, mais le système doit rester équitable”

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Selon Peter Vanden Houte, économiste en chef chez ING, la Belgique peut encore économiser de l’argent dans la sécurité sociale. En modifiant notamment les allocations familiales. “Si les contributions sont progressives, on devrait éviter de rendre les allocations fortement dégressives”, prévient-il cependant.

Les attentats de Bruxelles sont un drame humain, mais notre économie aussi est fortement touchée: l’aéroport est à l’arrêt, les hôtels sont vides et des personnes ne sont pas allées travailler. Quelle sera l’ampleur des dommages économiques pour notre pays? Il semble en outre aussi qu’un Brexit se rapproche. Les dommages pour l’Union européenne risquent-ils de ce fait aussi d’augmenter?

Peter Vanden Houte:“Les considérations économiques s’évanouissent au regard de la souffrance humaine causée par les terribles attentats. Les terroristes ne parviennent toutefois pas, en général, à créer de grands dommages économiques. Après les attentats de Madrid et de Londres, il y a eu une perte d’activités économiques, bien sûr, mais cela n’a pas duré longtemps. Les effets indirects s’estompent aussi avec le temps. Les massacres de Paris l’an dernier ont ainsi à peine entraîné une diminution de la confiance du consommateur français.

Sur base des estimations de l’impact du lockdown de Bruxelles l’an dernier, on pourrait avancer de manière très prudente que les récents événements affaibliront peut-être la croissance belge de 0,1%, mais il est peu probable que cela s’avère plus. Bien que les marchés pensent que le Brexit est maintenant plus proche, celui-ci est loin d’être certain. La lutte contre le terrorisme demande précisément plus de coordination européenne, ce qui serait plus difficile pour le Royaume-Uni en cas de sortie de l’UE. Un plus grand danger serait que les pays de l’espace Schengen réinstaurent des contrôles frontaliers systématiques afin d’être en mesure d’intercepter des présumés terroristes. Ce serait un solide revers pour le commerce international. Rien que le fait que les camions seraient à nouveau contraints de faire la file aux frontières coûterait cher.”

Selon le FMI, la Belgique peut encore économiser beaucoup d’argent au niveau de la sécurité sociale. Une des idées est de lier les allocations familiales au revenu. Est-ce une bonne idée de rendre ce type d’allocation plus dégressive?

Vanden Houte: “On peut bien sûr déclarer que les plus hauts revenus n’ont pas besoin d’allocations familiales ou toutefois beaucoup moins. Cela permettrait donc de faire des économies. La Belgique a néanmoins aujourd’hui un des systèmes de sécurité sociale les plus redistributifs, où l’aspect assurance est devenu de moins en moins important. Si les contributions sont progressives, on doit éviter de rendre les allocations fortement dégressives, car cela mettrait la légitimité de l’ensemble du système sous pression. On peut difficilement justifier que certaines personnes contribuent beaucoup, mais trouvent peu de droits sociaux. On peut bien sûr apporter des modifications aux allocations familiales et à d’autres aspects de la sécurité sociale, mais on doit veiller à ce que le système reste juste et équitable.”

John Bullard, administrateur auprès de la banque centrale américaine, a ouvert la porte, la semaine dernière, à une augmentation des taux d’intérêt en avril, alors que sa présidente Janet Yellen avait reporté la prochaine hausse des taux à plus tard. Les banquiers centraux ne vont-ils pas trop loin dans leur communication, par laquelle ils sèment la confusion ? Et ne ruinent-ils de ce fait pas eux-mêmes un important outil politique – la “forward guidance” ou la communication autour de la trajectoire future des taux d’intérêt ?

Vanden Houte: “Dans les comités qui déterminent les taux des banques centrales, il y a toujours des dissidents, mais les marchés financiers le savent. Les paroles du président, qui reflètent le mieux le consensus au sein du comité, ont de ce fait aussi beaucoup plus de poids. C’est vrai, bien sûr, que la communication et plus spécifiquement la “forward guidance” est devenue un important outil des banquiers centraux. Parce que grâce à cela, ils peuvent aussi influencer les taux d’intérêt à long terme. Et ceux-ci sont en général plus importants pour les investissements que les taux courts.

D’autre part, la “forward guidance” peut aussi devenir une camisole de force: si les circonstances économiques sont incertaines et propices à changer rapidement, la banque centrale doit choisir entre sa crédibilité (faire ce qu’elle a promis) et son mandat (faire ce qui est nécessaire). De ce fait, dans les moments où on doute au sujet de la politique à mener, il est préférable de ne pas faire de déclarations à trop long terme, mais de suivre plutôt une politique d”ambiguité constructive’.”

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