“Le chômage, comme la maladie, survient sans prévenir. Ce n’est pas quelque chose que l’on choisit”

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Jeff Wellens Juriste fiscaliste

“Dans les circonstances actuelles, les allocations de chômage ne peuvent pas faire l’objet d’une stigmatisation, ni être sanctionnées fiscalement.” C’est ce qu’affirme Jef Wellens, fiscaliste chez Wolters Kluwer.

La crise du coronavirus a déjà placé plus d’un million de Belges en chômage temporaire. Combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Un mois, deux mois ? Personne ne le sait. Les conditions d’octroi de l’allocation de chômage temporaire ont été assouplies. Elle s’élève à 70% du salaire mensuel brut. Bien qu’elle soit plafonnée à 2.755 euros, un petit supplément est prévu pour les travailleurs mis au chômage à cause du coronavirus. Le nombre important de demandes ne permet pas à l’ONEM de calculer immédiatement le montant précis de l’allocation pour tout le monde. Chaque chômeur temporaire reçoit donc une allocation forfaitaire de 1.450 euros sur base mensuelle. Le montant exact sera calculé ultérieurement.

Dans la pratique, la majorité des chômeurs temporaires ont droit à une allocation nette qui, selon leur salaire, varie entre 1.000 et 1.500 euros par mois, après retenue du précompte professionnel de 26,75%. Celui-ci correspond à un acompte sur l’impôt que le payeur de l’allocation de chômage est tenu de retenir et reverser à l’administration fiscale. Toutefois, pour de nombreux chômeurs temporaires, ce précompte de 26,75% ne suffira pas et la charge fiscale pourra atteindre 50%, ce qui signifie que l’allocation nette est finalement bien moins élevée. Ce ne sera clair qu’au moment du calcul final de l’impôt fin 2021.

Parmi les personnes ayant un revenu de remplacement, les chômeurs font figure de parias fiscaux. C’est comme ça. Tout comme les pensionnés, les malades et les personnes en situation de handicap, les chômeurs bénéficient d’une réduction d’impôt. Or celle-ci est beaucoup plus faible pour les allocations de chômage que pour les allocations de pension ou de maladie et d’invalidité. En effet, les chômeurs n’entrent pas dans le cadre du job deal fédéral et du fameux tax shift. Leur statut ne doit pas être trop attrayant d’un point de vue fiscal. Cela minerait le taux d’activité. Les bénéficiaires d’allocations de maladie et d’invalidité ont droit à la réduction d’impôt la plus élevée, soit 2.453 euros par an. Pour les pensionnés, celle-ci s’élève à 2.205 euros. Les chômeurs doivent se contenter d’une réduction d’impôt de 1.828 euros. Ces sommes ne s’appliquent que si l’ensemble des revenus est constitué d’allocations de maladie, de pension ou de chômage. Dans le cas contraire, comme dans celui du chômage temporaire par exemple, les montants de la réduction diminuent au prorata. Une personne qui, pendant deux mois, perçoit une allocation de chômage temporaire de 2.000 euros, mais reçoit son salaire normal le reste de l’année pour un montant imposable de 20.000 euros bénéficie d’une réduction de 166 euros (1.828 euros x 2000 / 22.000).

Une réduction d’impôt plus basse n’est pas le seul inconvénient lié aux allocations de chômage. Au fur et à mesure que le revenu total augmente, la réduction d’impôt diminue. Pour les allocations de pension, de maladie ou d’invalidité, la réduction correspond à un tiers du montant maximum. Cela se fait à partir d’un revenu annuel imposable de 47.420 euros. Pour les chômeurs – à l’exception des plus de 58 ans – elle est réduite à zéro à partir d’un revenu annuel de 29.600 euros. Un retraité ayant une pension élevée de 50.000 euros continue de bénéficier d’une réduction d’impôt, contrairement à un chômeur (partiel) ayant un revenu de 30.000 euros.

Par conséquent, toute personne qui se retrouve pendant quelques semaines ou quelques mois au chômage temporaire et qui – espérons-le – travaillera le reste de l’année, ne bénéficiera d’aucune réduction d’impôt si son revenu imposable est égal ou supérieur à 30.000 euros. L’allocation de chômage sera alors taxée comme un salaire normal à hauteur de 45%, soit beaucoup plus que les 26,75% de précompte professionnel retenus à la source. Pour une allocation de chômage temporaire de 1.000 euros, un supplément de 183 euros sera réclamé au contribuable lors du décompte final à la fin de l’année prochaine. Si le revenu imposable s’élève à 45.000 euros, il devra s’acquitter de 233 euros. Ne vous méprenez donc pas sur votre allocation nette.

Plus que jamais, le chômage, comme la maladie, survient sans prévenir. Ce n’est pas quelque chose que l’on choisit. Dans les circonstances actuelles, les allocations de chômage ne peuvent pas faire l’objet d’une stigmatisation, ni être sanctionnées fiscalement. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour étendre le régime fiscal plus avantageux des autres revenus de remplacement aux allocations de chômage ? De préférence de manière permanente, mais si la situation budgétaire ne le permet pas, au moins temporairement.

L’auteur est fiscaliste chez Wolters Kluwer.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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