Investir autrement dans les biotechs

Pour profiter du potentiel de la biopharmacie en limitant les risques, vous pouvez tout d'abord diversifier (largement) les positions. © Getty Images

La lourde correction de Mithra illustre à nouveau le niveau de risque extrême entourant un investissement dans une biotech. Après une longue série d’échecs, il est plus que jamais temps de changer de stratégie pour profiter des perspectives favorables de la biopharmacie.

L’année 2022 devait être celle de Mithra après les autorisations de commercialisation reçues en 2021 pour sa pilule contraceptive de nouvelle génération Estelle. Hélas pour les actionnaires de la société biotechnologique liégeoise, les promesses de marché ont fait place à la dure réalité des ventes. Sur l’ensemble du premier semestre, les revenus de Mithra ont plafonné à 11,4 millions d’euros et sa perte opérationnelle atteignait toujours 27,5 millions d’euros. La déroute du titre s’est encore accentuée le mois dernier quand l’action a soudainement piqué du nez, perdant près de 30% en 48 heures et chutant à un plus bas historique.

Différents éléments peuvent expliquer cette déroute. Notamment l’annonce le 17 novembre d’un nouveau recours à la ligne de financement avec la société d’investissement américaine LDA Capital. Cette ligne de financement est en effet décriée par les actionnaires et analystes en raison de son fonctionnement: en résumé, LDA Capital peut souscrire de nouvelles actions à prix réduit et les revendre sur les marchés boursiers. Or Mithra avait procédé à un placement privé d’actions de 23,5 millions d’euros en juin et annonçait un important refinancement de 100 millions euros à l’été, ce qui devait lui fournir des liquidités suffisantes pour poursuivre ses priorités stratégiques à court terme, à savoir l’obtention d’un partenariat de licence externe pour son traitement Donesta, lequel devrait être signé “au plus tard au cours du quatrième trimestre de 2022”, selon Christophe Maréchal, directeur financier de Mithra.

Seuls 6,9% des programmes entrant dans la première phase des études cliniques reçoivent une autorisation de mise sur le marché.

Mais l’exercice de l’option de financement avec LDA Capital a instillé le doute sur ce partenariat crucial. Le traitement de la ménopause Donesta est pourtant l’autre actif stratégique de Mithra, étant à base d’estétrol comme la pilule Estelle. Fin novembre, la société liégeoise a tenté de rassurer en confirmant qu’un accord serait bien annoncé avant la fin de l’année. Mais cela n’a pas effacé tous les doutes, notamment sur les termes du partenariat. Idéalement, les actionnaires rêvent d’un important paiement à la signature avec un nom un peu plus ronflant que les partenaires régionaux d’Estelle comme la petite compagnie australienne Mayne Pharma pour les Etats-Unis.

Mauvaise habitude

Sans préjuger des perspectives de Mithra, ses déboires boursiers à l’heure de vérité sont malheureusement une mauvaise habitude de nombre de biotechs noir-jaune-rouge. Avant de végéter dans les profondeurs d’Euronext Bruxelles avec un cours de quelques centimes, Oxurion s’appelait ThromboGenics. La société avait intégré le Bel 20 alors que son traitement oculaire Jetrea était promis au statut de blockbuster (ventes annuelles supérieures à un milliard de dollars). Les ventes n’ont jamais décollé.

Biocartis, Biosenic (ex-Bone Therapeutics), DMS Imaging (ex-Asit Biotech), MDxHealth ou Celyad sont toutes des biotechs ayant échoué à la dernière étape de développement ou dans la commercialisation. Du côté des succès (parmi les sociétés cotées), on ne compte en fait qu’Argenx, qui semble avoir réussi la mise sur le marché du Vyvgart avec des ventes qui frôlaient déjà les 100 millions de dollars au premier semestre 2022.

Cette succession d’échecs est d’autant plus frustrante pour les investisseurs que les avis externes sont généralement positifs. En début d’année, les cinq analystes suivant l’action Mithra avaient un conseil d’achat et l’objectif de cours moyen était de 34 euros. Aujourd’hui, l’action affiche une chute de 78% à un peu plus de 4 euros. Et ce, alors que la société liégeoise n’a été confrontée à aucune mauvaise nouvelle structurelle. Les résultats des études cliniques pour le Donesta étaient favorables et Mithra n’a pas essuyé de refus pour la commercialisation de la pilule Estelle. Voilà qui illustre bien le niveau de risque extrêmement élevé des investissements dans le secteur. Généralement, les sociétés biotechs entrant en Bourse ont des programmes au stade clinique, c’est-à-dire des études sur l’humain. Ces traitements expérimentaux ont donc déjà passé avec succès l’ensemble des essais précliniques (recherches sur le mode d’action, essais sur les animaux). Mais même au stade clinique, les chances de réussite demeurent extrêmement réduites. Selon une méta-analyse de trois chercheurs du Massachusetts Institute of Technology publiée en 2018, seuls 6,9% des programmes entrant dans la première phase des études cliniques reçoivent une autorisation de mise sur le marché.

Beaucoup de hasard

Ensuite, nombre de médicaments ne répondent pas aux attentes et peinent à générer des ventes compensant le coût de leur développement (estimé à entre 1 et 2 milliards de dollars en moyenne). Quant à prédire les gagnants de ce grand jeu de hasard, la mission semble pour le moins ardue, même pour un géant pharmaceutique comme le montre l’exemple de Merck. En 2009, le groupe américain finalisait sa fusion avec Schering-Plough et mettait ainsi notamment la main sur le pembrolizumab. Une immunothérapie expérimentale pour le traitement du cancer présentant peu d’intérêt selon Merck, qui décide de ne pas poursuivre le développement et de mettre le programme en vente. Quelques mois plus tard, Bristol Myers Squibb publie des résultats encourageants pour un traitement basé sur le même mécanisme. Merck décide ainsi finalement de relancer le programme en interne, donnant naissance au Keytruda dont les ventes devraient dépasser les 20 milliards de dollars cette année. Il devrait même devenir le médicament le plus vendu du monde dès 2023.

Autre option de placement: cibler les fournisseurs des sociétés biotechnologiques et laboratoires pharmaceutiques.
Autre option de placement: cibler les fournisseurs des sociétés biotechnologiques et laboratoires pharmaceutiques.© Getty Images

Du hasard, beaucoup de perdants, de gros gagnants, la biotech prend clairement des allures de casino. Au niveau de l’ensemble du secteur, les perspectives sont pourtant bien plus concrètes. Selon le bureau d’études et de consultance Precedence Research, le marché de la biopharmacie devrait croître de près de 8% par an pour atteindre un chiffre d’affaires de près de 720 milliards de dollars en 2030.

Une croissance soutenue par les nouvelles technologies: immunothérapie, ARN messager, thérapies géniques (utilisant notamment les “ciseaux moléculaires” Crisper-Cas9), etc.

Les biotechs ont certainement un rôle crucial à jouer dans ce développement comme l’ont montré les exemples de BioNTech et de Moderna durant la pandémie. Sans ces deux entreprises de recherche, des vaccins efficaces contre le Covid-19 se feraient peut-être toujours attendre.

Diversification

Pour profiter du potentiel de la biopharmacie en limitant les risques de déconfiture, vous pouvez tout d’abord diversifier (largement) les positions. Vous pourrez ainsi compenser les nombreux échecs par les quelques réelles réussites commerciales. Les fonds sont évidemment tout indiqués à cet effet. Epinglons notamment les ETF indiciels. Par exemple iShares Nasdaq US Biotechnology (code ISIN: IE00BYXG2H39 ; Bourse de Francfort ; frais annuels de 0,35%). Cet ETF investit dans les sociétés biotechnologiques cotées sur le Nasdaq et est très exposé aux leaders américains ayant déjà commercialisé plusieurs traitements comme Gilead, Amgen ou Vertex. Il y a aussi VanEck Genomics and Healthcare Innovators (code ISIN: IE000B9PQW54 ; Bourse de Francfort ; frais annuels de 0,35%). Cet ETF lancé en septembre dernier a une approche mondiale, ciblant notamment les entreprises innovantes au niveau des thérapies géniques ou de la santé numérique.

Du côté des fonds gérés activement, le mieux noté par l’agence Morningstar est Candriam Equities L Biotechnology EUR (ISIN: LU0574798848 ; frais annuels de 2,41%) géré par Rudi Van den Eynde depuis plus de 20 ans et affichant un rendement annualisé de plus de 15% au cours des 10 dernières années, en dollars.

Les équipementiers

L’autre solution consiste à cibler les fournisseurs des sociétés biotechnologiques et laboratoires pharmaceutiques. Vous pouvez ainsi profiter des investissements accrus dans la recherche de nouveaux traitements sans être exposés à leurs résultats aléatoires.

L’un des principaux acteurs mondiaux est le spécialiste franco- allemand Sartorius Stedim Biotech (SSB), coté sur Euronext Paris. Affichant une capitalisation de plus de 30 milliards d’euros, il reste relativement peu suivi, avant tout car le groupe allemand Sartorius en contrôle près de 74%. Au niveau opérationnel, SSB est un fournisseur de référence de l’industrie biopharmaceutique grâce à des solutions intégrées pour la recherche, la production et le contrôle qualité. Ses équipements sont par exemple destinés à la culture cellulaire ou la production de vaccins. Cette dernière activité a évidemment connu un boom durant la pandémie, tout comme le chiffre d’affaires de SSB qui a doublé entre 2019 et 2021. Cette année est marquée par un ralentissement avec une croissance attendue à 17% et un léger tassement de sa marge bénéficiaire. Le titre présente une valorisation élevée reflétant sa forte croissance structurelle, sa rentabilité élevée et sa bonne situation financière lui permettant de poursuivre sa politique d’acquisitions ciblées. Les avis restent ainsi largement positifs.

Le leader mondial du secteur est le groupe américain Thermo Fisher Scientific (TMO ; Bourse de New York), 40e entreprise mondiale en Bourse avec une capitalisation de plus de 220 milliards de dollars. Le groupe est né de la fusion en 2006 de Thermo Electron Corporation et Fisher Scientific. Ces 15 dernières années, son chiffre d’affaires a quasiment quintuplé grâce à sa croissance organique et une politique d’acquisitions ambitieuse. Le groupe américain est actif tant dans les équipements que les services (analyses, production en sous-traitance, formulation…) pour l’ensemble du secteur pharmaceutique. Sa croissance organique de 14% (hors covid) sur les neuf premiers mois de l’année en fait aussi une cible intéressante pour les investisseurs. D’autant plus que sa valorisation est relativement raisonnable à 31 fois les bénéfices. Les analystes suivant l’entreprise ont un avis moyen d’acheter.

720 milliards

En dollars, le chiffre d’affaires du marché de la biopharmacie en 2030, en croissance de près de 8% par an.

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