Ancêtres : le nouvel investissement à la mode?

© Belga

De plus en plus d’investisseurs s’intéressent aux voitures classiques ou aux ancêtres. Reste à voir si cette tendance est une bonne chose à long terme.

En Europe, les ventes de voitures neuves sont clairement en panne. Les chiffres de l’ACEA, l’association des constructeurs automobiles européens, indiquent pour le premier trimestre 2013 une baisse de 9,8 % des ventes par rapport à la même période en 2012. Cette évolution n’est pas un scoop, car cela fait plus d’un an et demi que le marché automobile européen est en baisse.

Et si les ancêtres constituaient un bon investissement ? Pour répondre à cette question, nous avons fait appel à Gert Beets. Avec plus de deux décennies d’expérience dans l’univers des oldtimers, tant en ce qui concerne l’aspect technique que la connaissance du marché, cette niche n’a plus de secrets pour lui. Gert Beets propose, via sa société Automotive Consultancy Services, des services tels que rapports d’expertise (évaluations), inspections détaillées en vue d’une revente et conseils spécifiques(1).

TRENDS-TENDANCES. Comment le marché des ancêtres a-t-il évolué ces dernières années ?

GERT BEETS. L’activité connaît une forte remontée depuis trois ans. Avant, le marché des ancêtres était surtout constitué d’amateurs passionnés d’automobile, mais ces derniers temps, de plus en plus d’investisseurs s’y intéressent. C’est bien sûr lié pour une bonne part à la crise financière. Les investisseurs en quête de rendement ou qui s’inquiètent de la valeur de leur patrimoine lorgnent de plus en plus souvent les oldtimers. Je peux citer l’exemple d’une voiture qui a récemment été expertisée au double de sa valeur d’il y a trois ans. Mais c’est une exception, en aucun cas la règle. Je constate aussi une prolifération de marchands d’oldtimers. Cependant, tous n’ont pas la même connaissance du marché et beaucoup font miroiter à leurs clients des plus-values irréalistes.

Une bulle serait-elle en préparation ?

Je ne pense pas. Les fortes plus-values des dernières années sont cantonnées dans quelques segments haut de gamme spécifiques. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, on a effectivement parlé de bulle. A l’époque, les prix avaient triplé, avant de s’effondrer à partir de 1991. Je dois malheureusement décevoir ceux qui espèrent devenir riches en dormant grâce à un oldtimer : ce n’est pas comme ça que ça marche.

Je ne crois pas que nous vivrons une répétition de la situation de 1991. Ce qui est très important, en revanche, c’est qu’à partir de 2016, le marché chinois aussi sera ouvert. Pour le moment, les Chinois ne peuvent encore ni acheter ni importer d’ancêtres.

Ce sera donc bientôt le cas, et on remarque déjà que des “nouveaux riches” viennent de Chine pour sonder le terrain en Europe.

Y a-t-il des différences d’une région à l’autre ?

En fait, le marché des ancêtres doit être envisagé sous un angle paneuropéen. Cependant, il y a quand même quelques différences en termes de préférences. La Minerva (marque belge qui n’existe plus aujourd’hui), par exemple, est nettement moins recherchée au-delà de nos frontières. Tandis qu’en Allemagne, la demande concerne plutôt les ancêtres de marques allemandes. Et puis, sur le continent, les voitures à conduite à gauche valent généralement plus que celles à conduite à droite. Même si au Royaume-Uni, par exemple, vous dénicherez plus facilement une MGB à conduite à droite à meilleur prix, un exemplaire à conduite à gauche vaudra plus ici. Cela ne vaut que pour les ancêtres pour lesquels il y a une offre suffisante, car certains modèles n’existent qu’avec le volant à droite. Mais je ne conseillerais pas, à cause des limitations pratiques, d’acheter en Belgique une voiture à conduite à droite.

La disparition d’une marque a-t-elle un impact sur le prix de la voiture ?

C’est une arme à double tranchant. Une marque qui n’existe plus peut être plus recherchée, mais il y a par ailleurs un risque que certaines pièces détachées soient plus difficilement trouvables, ou alors à un prix astronomique. L’avantage des ancêtres plus populaires, c’est qu’on trouve encore n’importe quelle pièce. Il existe des sociétés qui se sont spécialisées dans la reproduction de pièces détachées, qui sont souvent même de meilleure qualité que l’original. Michelin, par exemple, a une gamme spéciale de pneus pour oldtimers.

Quelles sont les tendances qui se dessinent depuis quelques années ?

Je constate que la valeur des Porsche à refroidissement à air a fortement augmenté ces dernières années. En 1997, Porsche est passé pour son modèle icône, la 911, au refroidissement à eau, ce qui a fait grimper la cote du modèle précédent. Un autre élément est que le coût pour la restauration de qualité d’une voiture ne cesse d’augmenter, notamment parce que les tarifs horaires des techniciens et des carrossiers s’envolent. Cela fait qu’une MG Midget ou une Triumph Spitfire parfaitement restaurée se paie à prix fort. Parfois, les gens achètent des voitures qui étaient inaccessibles et inabordables pour eux quand ils étaient jeunes. Le marché des acheteurs de modèles d’avant-guerre, grosso modo entre 1910 et 1945, est en perte de vitesse. Par conséquent, les prix des modèles qui ne sont pas particulièrement exceptionnels baissent eux aussi. Par contre, tout ce qui date d’avant 1905 devient plus cher.

Certains modèles sont-ils actuellement sous-évalués, d’après vous ?

C’est difficile à dire, parce que le marché évolue et que je n’ai pas de boule de cristal. Je vois cependant une opportunité dans les voitures dotées d’une carrosserie Zagato, un fabricant italien de carrosseries légères qui travaille essentiellement pour des marques italiennes. Une Lancia Fulvia ou une Alfa Romeo GT Junior avec des carrosseries Zagato et dont il n’existe qu’un nombre limité d’exemplaires sont actuellement sous-évaluées par rapport aux mêmes modèles avec une carrosserie standard.

Qu’en est-il des “youngtimers” ?

Certains modèles ont un potentiel de plus-value. Je pense par exemple à la BMW série E30 Cabriolet ou à VW Golf Cabrio de première génération. A condition qu’elles soient en parfait état, qu’un historique d’entretien complet soit disponible, qu’elles n’aient pas été accidentées et n’aient pas trop de kilomètres au compteur.

Comment ce marché des ancêtres va-t-il évoluer ?

Le marché de l’oldtimer devrait rester un marché d’amateurs et ne pas devenir un marché d’investisseurs. Tant mieux si une plus-value est au rendez-vous, mais cela ne peut pas être l’objectif principal. Si trop de spéculateurs s’en mêlent, cela pourrait bien conduire à un effondrement du marché, avec pour résultat la déception de nombreux investisseurs. Je voudrais aussi souligner que ces plus-values sont pour une très large part virtuelles. Vous ne pouvez les réaliser qu’une fois que vous vendez effectivement le véhicule. Outre l’aspect financier, il y a aussi une valeur affective qui entre en jeu pour les propriétaires. Pour le véritable passionné d’une marque ou d’un modèle, la valeur financière est accessoire.

(1) http://www.classiccarsurvey.eu

KOEN LAUWERS

Notre conseil Pour que l’achat d’un oldtimer ne tourne pas en désillusion…

1. Le gain financier ne doit jamais être votre principale motivation. Il est préférable que l’acheteur soit passionné par l’histoire, le design ou la technique des véhicules anciens. Cet état d’esprit lui évitera des déceptions.

2. Veillez à avoir un minimum d’affinité pour le véhicule que vous achetez. Aimer le conduire et se sentir bien dedans sont des impératifs.

3. Achetez ce que vous pouvez trouver de mieux dans les limites de votre budget. Préférez par exemple une Porsche 914 en parfait état à une Porsche 911 suspecte avec de lourds arriérés d’entretien.

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