Un troisième larron se lance dans la guerre des “outlet malls”

L’outlet mall de Tubize est en pleine construction et devrait ressembler à cette projection 3D en septembre 2024, les paysages verdoyants en moins. © B2AI, Henri Garcia Architecture, Urban Architectes et JNC International

Le Tubize Outlet Mall belge ouvrira en septembre 2024. Un projet qui s’inscrit dans un vaste projet immobilier aménagé sur l’ancienne friche industrielle des Forges de Clabecq. Sa réussite dépendra de sa capacité à séduire le chaland dans un contexte commercial saturé. Près de 60% des boutiques sont signées.

Des dizaines d’ouvriers qui s’affairent et quatre grues qui percent le ciel bleu. En cette matinée ensoleillée de printemps, le chantier du Tubize Outlet Mall (TOM) est en pleine effervescence. Plus de 80 boutiques ouvriront leurs portes en septembre 2024 dans ce qui sera le troisième outlet mall belge et le premier situé en zone urbaine. Un pari pour ses concepteurs – dont le développeur DCI Monaco – alors que le concept de village de marques dégriffées (collections antérieures avec des réductions allant de 30 à 60%) est le plus souvent situé en dehors des villes et uniquement accessible en voiture.

Sur le site des Forges de Clabecq

Après Maasmechelen Village et Designer Outlet Luxembourg à Messancy, voici donc le TOM. Sa spécificité: s’inscrire dans un vaste projet immobilier sur le site des anciennes Forges de Clabecq, une friche de 80 hectares qui, plus de deux décennies après la faillite, gomme peu à peu ses stigmates industriels.

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Le projet comprendra à terme 780 logements, l’outlet mall et une ferme urbaine qui s’installera sur les toits du centre commercial. Un parc d’activité économique complétera la réhabilitation du site. “TOM est la première infrastructure de cette envergure au centre de la Belgique, explique Pascal Seret, CEO de DCI Monaco. Le respect de l’environnement est au cœur de notre développement puisque 9.500 m2 de toitures seront exploités pour créer l’une des plus grandes fermes urbaines au monde. Ce projet a également du sens puisqu’il s’agit de la première réhabilitation d’une friche en Wallonie. Duferco a dépollué le site pour près de 50 millions d’euros. Alors que de notre côté, le fonds d’investissement français Samfi-Invest investit 100 millions dans ce mall, entraînant la création de 370 emplois.”

La commercialisation a été confiée à la société française StarConcept Outlet management. Elle affirme avoir déjà signé avec 25 marques et est en voie de finaliser les contrats avec 25 autres. Soit un taux de location de 60%. “Ce projet sera une référence en termes d’outlet en Europe, lance Didier Falla, leasing and development manager de StarConcept. Il s’inscrit dans un vrai projet urbain, comprenant 15.000 m2 d’outlet, du commerce de proximité, de loisirs et des restaurants. Il s’agit vraiment d’un lieu de destination où on va passer du temps.”

Les 20 locomotives dévoilées en juin

Si pour les loisirs, on sait qu’il s’agira d’un grand complexe d’escalade et d’aventure, pour les marques, rien ne filtre. “Nous sommes à 18 mois de l’ouverture, il est prématuré de dévoiler nos cartes vu la concurrence, précise Didier Falla. Mais les négociations se passent très bien. Nous annonçerons nos 20 locomotives à partir de juin. Notre positionnement sera de mêler des marques premium et mainstream. Il n’y aura par contre pas de marques de luxe. La zone de chalandise est particulièrement large puisqu’elle compte 7 millions de visiteurs potentiels, couvrant le centre de la Belgique, le nord de la France et le sud des Pays-Bas. Nous attendons 1,5 million de visiteurs par an.

Avec des villages de marques à Maasmechelen, Messancy et l’ouverture prochaine à la frontière belge (Hautmont près de Maubeuge) d’un nouvel outlet mall de 20.751 m2, la concurrence s’annonce féroce. Surtout si on sait que l’offre commerciale est arrivée à saturation et que toute nouvelle ouverture se réalise au détriment d’autres.

“Je crois toutefois particulièrement à la réussite du projet de Tubize, confie François Honoré, CEO de GeoConsulting, un bureau d’études et de conseils géomarketing dédié au commerce. Sa proximité avec Bruxelles est un véritable atout. Il est également situé en Brabant wallon, à proximité de villes à haut pouvoir d’achat. De quoi avoir une belle zone de chalandise. Tubize va prendre des parts de marché à Roermond (Pays-Bas), Maasmechelen ou Lille. Le risque, par contre, c’est que les études montrent que le comportement des consommateurs est en train de changer. Le secteur de la mode boit la tasse. Les consommateurs dépensent moins pour des articles de mode et se tournent vers les achats de seconde main. Or, les outlet malls sont très dépendants des marques de vêtements. Par contre, alors que les centres commerciaux et les centres-villes visent les mêmes enseignes et se tirent donc une balle dans le pied, les outlet malls ont un positionnement très différent. Ce qui est un avantage pour eux.”

Observer la concurrence

Si le marché de l’outlet connaît des taux de fréquentation supérieurs à ceux précédant le covid, tous les spécialistes sont toutefois unanimes pour affirmer que le TOM sera le dernier projet belge en la matière, tout le territoire étant dorénavant largement couvert.

“Je n’ai pas suivi ce dossier de près mais l’ouverture d’un outlet mall est toujours un petit évènement dans le paysage belge, lance Jean Baheux, head of retail Belux du conseiller en immobilier Cushman & Wakefield. Le concept est très différent d’un centre commercial classique. Il ne faut donc pas confondre les deux. Dans ce cas-ci, il faudra suivre attentivement la concurrence entre les sites belges. Maasmechelen peut sembler éloigné de Tubize mais ce n’est pas du tout le cas. Cette clientèle spécifique n’a aucun souci à faire une heure de voiture pour réaliser ses achats annuels. Il faudra donc observer comment le projet de Tubize pourra apporter une valeur ajoutée dans le choix des marques et dans l’expérience client. Surtout dans un contexte où les centres outlet fonctionnent bien mais pas non plus de manière flamboyante.”

Ce type de projet immobilier reste toutefois particulièrement risqué. Les marques prenant en effet peu de risques vu que leur loyer dépend principalement de leur chiffre d’affaires. A Maasmechelen, il s’élève par exemple en moyenne à 16 à 18% du CA. A Tubize, loyer variable et fixe se confondent. “Le marché de l’outlet se défend particulièrement bien en Europe pour le moment, tempère Didier Falla. La crise que nous connaissons profite en fait surtout à ce segment. Nous sommes donc confiants.”

Deux promoteurs pour le volet résidentiel

La première phase de ce projet mixte s’étend sur 11,5 ha et sera livrée en septembre 2024. Sur le plan résidentiel, cela concerne 180 appartements construits par Delzelle. Ils ont tous été vendus. La vente d’une seconde volée d’appartements (180) débutera d’ici quelques semaines. Trois développeurs immobiliers sont encore en lice pour racheter cette phase du projet résidentiel et construire les logements. La décision est imminente et Dare2Build est en pole position. La dernière phase (360 unités) sera construite d’ici trois ans par Delzelle. “Nous sommes surpris par la vitesse de vente des appartements, précise Pascal Seret. Cela démontre qu’il y a un vrai intérêt pour ce nouveau quartier.” Précisons qu’il n’y aura aucune voiture en surface et que 1.100 places sont prévues dans les parkings souterrains.

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