Secondes résidences en France: encore et toujours un marché de vendeurs

Villefranche-sur-Mer La vue sur mer demeure très prisée. Les biens donnant sur la grande bleue se négocient 30 à 50% plus cher que les biens similaires sans vue.

La hausse des taux d’intérêt et la guerre en Ukraine n’affectent guère le marché immobilier dans les régions touristiques populaires du Midi de la France, dont la Provence et la Côte d’Azur. Les résidences secondaires se portent bien malgré l’incertitude du contexte actuel.

Bien que moins intense qu’en 2021, l’activité reste soutenue et les prix poursuivent leur ascension. Telle était, en quelques mots, la situation sur le marché immobilier français au premier semestre de cette année. En France comme en Belgique, les acheteurs s’inquiètent de la croissance rapide des taux d’intérêt. Mais l’offre limitée tempère légèrement la tendance haussière. La Fnaim, la fédération française de l’immobilier, a enregistré une majoration de prix de 7,9% sur base annuelle au cours des premiers mois de cette année.

Ces tendances nationales se vérifient-elles au niveau des secondes résidences dans les régions touristiques très prisées que sont la Provence et la Côte d’Azur? Selon une étude du consultant immobilier Knight Frank, l’offre se tarit aussi bien sur ces marchés typiquement vacanciers qu’ailleurs. En Provence, le nombre de biens mis en vente serait même de 65% inférieur à celui d’avant la pandémie. D’après le site www.meilleursagents.com, les prix en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont gonflé de 5%. Sur deux ans, la majoration des prix dans cette région atteint 10,02%.

Mer plus coûteuse

Qu’en est-il du marché des secondes résidences dans le Midi de la France? “L’intensité a légèrement faibli, réagit l’agent immobilier Rudi Janssens. Dans la mesure où l’on ne réalise plus les chiffres de croissance exceptionnels de l’an dernier. Mais la demande a toujours le vent en poupe. Combinée à l’offre restreinte, cette situation conduit à des négociations de prix très particulières. Il arrive même que le candidat acheteur surenchérisse pour acquérir un bien.” Rudi Janssens, gérant de Janssens Immobilier Knight Frank, est à la tête d’un réseau de 12 agences de vente et une agence de location dans le triangle Uzès – mont Ventoux – Saint-Tropez.

Veerle Huylebroek de Med- Estates fait la même analyse pour son secteur d’activité, à savoir le golfe de Saint-Tropez qui englobe les villages de Saint-Tropez, Ramatuelle, La Croix Valmer, Grimaud, Gassin, jusqu’à La Garde-Freinet, Sainte-Maxime et Le Plan-de-la Tour. “C’est et cela reste un marché de vendeurs, s’exclame-t-elle. Un bien mis en vente à un prix correct trouve preneur dans un délai d’un à trois mois.”

Rudi Janssens souligne lui aussi le raccourcissement des délais de vente. “Le marché est traditionnellement lent, avec un acheteur rêveur et un propriétaire moyennement motivé à vendre. Mais la pandémie a créé une sorte d’urgence de la part des candidats acquéreurs. Les délais habituels de 12 à 18 mois sont aujourd’hui écourtés à trois à six mois en moyenne, selon la catégorie de prix. Les habitations jusqu’à 1,5 million d’euros se vendent dans les trois mois en moyenne. Les biens entre 1,5 et 3 millions d’euros se négocient généralement dans les six mois. Dans la catégorie de prix autour des 750.000 euros, la vente se conclut parfois dans le mois.”

La croissance des prix sur le marché des secondes résidences est nettement supérieure aux hausses de prix générales susmentionnées, à en croire nos interlocuteurs. “Depuis le covid, les prix ont grossi de 30, voire de 50% à certains emplacements”, explique Veerle Huylebroek. “En Provence, les prix se sont appréciés de quasi 15% sur base annuelle au cours des deux dernières années”, lance Rudi Janssens.

Une nouvelle hausse des taux d’intérêt pourrait-elle impacter l’activité et les prix? “Les taux d’intérêt ne sont pas déterminants sur ce marché, assure Rudi Janssens. Certaines acquisitions sont partiellement financées par un emprunt mais dans le cadre d’une optimisation fiscale la plupart du temps.” Veerle Huylebroek confirme la moindre importance des taux d’intérêt. “Mais, ajoute-t-elle, même en cas d’optimisation fiscale avec emprunt, un taux plus élevé peut nécessiter un nouveau calcul du budget.” Les niveaux de prix varient considérablement d’une région à l’autre. “La proximité de Saint-Tropez, par exemple, est un facteur important, précise Veerle Huylebroek. La vue sur mer demeure très prisée. Les biens avec vue sur la grande bleue se négocient 30 à 50% plus cher que les biens similaires sans vue. Les différences de prix sont aussi plus marquées. Auparavant, la vue sur mer représentait une plus-value de 10 à 30%.”

En Provence, Knight Frank note une fourchette de prix pour les résidences de vacances de qualité entre 4.000 euros/m2 à L’Isle-sur-la-Sorgue et 9.200 euros/m2 à Eygalières. Sur la Côte d’Azur, Knight Frank enregistre des prix fluctuant de 7.500 euros/m2 à La Garde-Freinet à 28.300 euros/m2 à Saint-Tropez, voire 35.300 euros/m2 à Saint-Jean-Cap-Ferrat. A titre de comparaison: à Knokke-Heist, la station balnéaire la plus coûteuse de Belgique, le prix moyen demandé pour un appartement neuf est de 6.800 euros/m2 mais au Zoute, il peut atteindre 35.000 euros/m2.

Certitude dans un contexte incertain

Les deux agents observent le retour des acheteurs sur le marché français. Américains essentiellement, en ce qui concerne Rudi Janssens. “La bonne santé du dollar face à l’euro y est certainement pour quelque chose”, dit-il. Veerle Huylebroek remarque quant à elle le regain d’intérêt des Britanniques. “Ils n’ont jamais déserté la région, ajoute-t-elle. Mais du fait du Brexit et de la dévalorisation de la livre sterling, ils se sont momentanément retirés du marché des acquisitions. Depuis lors, les taux de change ont favorablement évolué et ils se rendent compte que le Brexit n’est pas la fin du monde.”

Ni Rudi Janssens ni Veerle Huylebroek ne disent souffrir de la désertion des acheteurs russes. “La Provence n’a jamais été une destination recherchée par les oligarques russes, affirme Rudi Janssens. “Comme je n’ai jamais eu à faire à des clients russes, pour moi, cela ne fait aucune différence”, embraie Veerle Huylebroek.

La guerre en Ukraine n’a-t-elle donc aucune incidence sur l’immobilier du sud de la France? “Difficile à dire parce que c’est un marché de vendeurs essentiellement, réagit Veerle Huylebroek. Mais selon les dires de mon agent germanophone, nos clients allemands se montrent plus prudents. C’est vrai également pour notre clientèle d’Europe de l’Est. La proximité de l’Ukraine les a sensibilisés à la guerre.”

“Je regrette de devoir le dire mais, en fait, la guerre a un impact positif sur notre activité, reconnaît Rudi Janssens. La guerre, au même titre que la pandémie, suscite l’inquiétude. Dans un premier temps, cette inquiétude paralyse le marché. Mais au bout d’un moment, elle attise le besoin de retrouver une certaine sécurité. L’immobilier et plus précisément l’immobilier de vacances prend alors des allures de havre de paix, très attractif. Investir dans la brique devient une alternative évidente.”

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