“Pour faire du développement durable, il faut une boule de cristal”

4 FONTAINES À VILVORDE. Le développeur de projet Matexi travaille avec sa propre matrice de durabilité. © DEBBY TERMONIA

La sobriété énergétique et hydrique devient peu à peu une évidence dans les nouveaux projets immobiliers. Mais dans les quartiers durables du futur, la barre est placée encore plus haut. La notion de durabilité est d’ailleurs appelée à s’élargir. Offrir du calme gagne en importance.

Le nouveau quartier mixte De Perken s’étendra bientôt sur le site de l’ancienne usine Akzo Nobel à Vilvorde. Histoire de combler utilement la longue période de conception et d’obtention des permis, le développeur de projets Kolmont a recherché une utilisation temporaire. Le site étant encore pollué, toute activité grand public du genre pop-up bar, ateliers ou marché du frais était exclue. Le développeur a cependant trouvé une alternative intéressante: une plantation de chanvre. L’été dernier, plus d’un million et demi de plants de chanvre ont ainsi été semés. Une fois à maturité, le chanvre devrait être transformé en un isolant naturel.

“La récolte a malheureusement échoué, déplore Filip Grillet, operations manager chez SuReal. Notamment en raison d’une météo très humide.” SuReal, consultant en durabilité pour le secteur immobilier, assiste Kolmont dans le redéveloppement durable du site Akzo-Nobel. “Une plantation de chanvre constitue pourtant une piste intéressante pour un site pollué, poursuit Filip Grillet. Car le chanvre n’est pas seulement une matière première naturelle pour divers matériaux de construction: il contribue aussi à l’épuration du sol. On appelle cela la phytoremédiation.”

Intégral et mesurable

Le projet De Perken comprend 45 habitations avec jardin, 16 appartements, 3.100 m2 de commerces de proximité et un parking souterrain pour 130 voitures. Pour Sunita Van Heers, managing director van SuReal, De Perken est un bel exemple de nouveau quartier durable. “Nous participons à de nombreux redéveloppements d’anciens sites industriels comme De Perken, et oui, on s’y heurte souvent à des difficultés supplémentaires, explique-t-elle. Ce sont fondamentalement des projets durables, car un développeur y rend quelque chose de la planète. On transforme un site pollué en quelque chose de meilleur.”

Sunita Van Heers plaide pour notre proche intégrale de la durabilité. “Aujourd’hui, l’accent est très nettement placé sur l’énergie, poursuit-elle. Mais ce n’est qu’un aspect de la durabilité. Dans notre vision, un quartier neutre en énergie où l’on ignorerait d’autres thèmes comme l’eau, la mobilité, gestion des déchets, la biodiversité, l’utilisation des matériaux, etc. n’est pas un projet durable.”

Elle souligne cependant que cette vision intégrale trouve une application différente dans chaque quartier. “Car chaque projet a naturellement son propre contexte, son ADN, poursuit-elle. A De Perken, on a consacré une grande attention à l’eau. Vilvorde est confrontée à un net assèchement des sols et l’administration communale demande des efforts supplémentaires en matière de récupération et d’infiltration des eaux de pluie.” Un de ces efforts supplémentaires consiste à aménager une partie de la toiture du futur supermarché de quartier Jumbo en ferme urbaine. La toiture sera également équipée d’un bac de rétention qui stockera l’eau excédentaire en cas de fortes précipitations.

4 FONTAINES À VILVORDE. Sur un ancien site industriel se dessine un nouveau quartier de 1.200 logements.
4 FONTAINES À VILVORDE. Sur un ancien site industriel se dessine un nouveau quartier de 1.200 logements.© DEBBY TERMONIA

Boule de cristal

SuReal attache également une grande importance à la mesure de la durabilité. “Je vois encore beaucoup trop de greenwashing dans l’immobilier, justifie Sunita Van Heers. La seule manière d’y mettre un terme consiste à quantifier la durabilité, puis à la mesurer systématiquement. Il existe des outils à cette fin, comme le Duurzaamheidsmeter Wijken, le référentiel de durabilité des quartiers développé par la Région flamande. Nous avons même mis au point un indice qui mesure la circularité d’un projet.”

Le promoteur Matexi travaille avec sa propre matrice de durabilité. Chaque projet est évalué à l’aune d’une soixantaine d’initiatives concrètes qui ont un impact positif sur la planète, l’humain et la société, ainsi que sur l’accès au logement. Un des projets Matexi qui obtient le meilleur score est 4 Fonteinen, également situé à Vilvorde. “Nous redéveloppons un ancien site industriel en nouveau quartier comportant 120 unités d’habitation, un parc, une école et diverses structures de proximité”, explique Kristoff De Winne, directeur Acquisitions et développement chez Matexi.

Selon Kristoff De Winne, Matexi fait à 4 Fonteinen un pas en direction du “développement régénératif”, un concept encore plus ambitieux que le développement durable. “Nous restaurons un bout de nature détruit par l’activité industrielle“, précise-t-il. Quand le développement durable s’attache à limiter l’impact négatif d’un projet, le développement régénératif recherche un impact positif sur la planète et la société.

La vision de la durabilité est en évolution constante, peut-on entendre à la fois chez SuReal et chez Matexi. Les deux entreprises soulignent également l’importance de la taxonomie européenne, une nouvelle réglementation européenne qui doit apporter davantage de clarté dans l’identification des activités et investissements durables. “Cette taxonomie est élaborée et mise en oeuvre en plusieurs phases, explique Kristoff De Winne. Dès que de nouveaux critères sont annoncés, nous les intégrons dans nos nouveaux développements. Comme la réalisation de nos projets s’étend sur huit à dix ans, nous sommes obligés d’anticiper.”

Une boule de cristal nous serait parfois bien utile, sourit également Sunita Van Heers. Mais c’est en fait notre rôle: aider les acteurs de l’immobilier à anticiper. Récemment, un client a encore modifié en dernière minute un chantier en cours pour le doter d’un système d’énergie sans gaz. Parce qu’il a compris que le projet initial aurait été daté dès la réception.”

Les quartiers durables du futur veilleront également au confort mental des habitants.

Confort mental

Indépendamment de la réglementation, il arrive que des tendances sociales ou de nouvelles problématiques ou idées poussent sur le devant de la scène ou relèguent en coulisse certains thèmes liés à la durabilité. “L’énergie est désormais un critère évident dans à peu près tous les projets, pointe par exemple Sunita Van Heers. Et la plupart des plus grands projets comprennent également un plan hydrique. Mais il reste des défis importants. Je pense à des développements circulaires et résilients face au changement climatique.” “Le confort est également un point d’attention relativement neuf, embraie Filip Grillet. Ce qui est en fait assez étonnant. Car à quoi servent les bâtiments, au fond? Pas à économiser l’énergie, mais à offrir du confort aux utilisateurs. Le confort est de plus en plus mis en oeuvre en plusieurs phases – pas seulement dans l’espace intérieur, mais aussi dans l’environnement extérieur. Il s’agit notamment de tenir compte des effets du vent et des îlots de chaleur. Avec la multiplication des vagues de chaleur, il est nécessaire de prévoir davantage de zones ombragées. Pour les sentiers de promenade, nous allons privilégier les arbres à large couronne.”

Les quartiers durables du futur veilleront également au confort mental des habitants”, prévoient Sunita Van Heers et Filip Grillet. “La biophilie (le fait que des gens préfèrent les arbres au béton) est vouée à intégrer le mix durable, affirme ainsi Filip Grillet. Le calme gagne aussi en importance. Les éléments de paysage devront inclure des zones de repos visuel et acoustique. Ce sont des endroits où les gens pourront se rendre s’ils veulent échapper aux stimuli sensoriels. Mais il faut également prévoir des lieux de rencontres, des endroits qui favorisent la cohésion sociale au sein du quartier… et qui peuvent par conséquent être un peu plus bruyants.”

Chez Matexi, on insiste également sur l’importance des services dans les futurs mix de durabilité. “Le living-as-a-service est souvent cité comme la nouvelle formule d’habitat, explique Philip Moyersoen, qui dirige l’innovation et le développement chez Matexi. Dans notre modèle, les gens achètent toujours leur propre habitation, mais divers services y seront associés. Pensez à des voitures partagées, des parkings et des garages pour vélo, des lieux de travail partagé, des services de location de vélos-cargos… Un des avantages de ces services est qu’ils peuvent évoluer avec le temps et selon les besoins de quartier. Ce qui favorise ausssi la durabilité.” Philip Moyersoen remarque également que le système classique d’association de copropriétaires n’est pas approprié à un tel modèle de services évolutifs. C’est un organe décisionnaire qui reste très rigide. Et les investissements qui accompagnent de tels services sont difficiles à intégrer dans une association des copropriétaires. Les fournisseurs de services ne peuvent assumer de tels investissements que s’ils peuvent les étaler sur un nombre suffisant d’utilisateurs. “C’est un autre avantage d’un développement étendu à tout un quartier, conclut Philip Moyersoen. Il apparaît ainsi de plus en plus clairement que le niveau du quartier offre beaucoup plus de possibilités de développement durable que celui d’une habitation individuelle ou d’un simple immeuble à appartements.”

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